Pigeonneau des collines: un élevage rythmé par un savoir-faire unique en Belgique!
Mijoté dans une casserole ou doré au four, le pigeonneau reste un plat prisé dans notre pays durant les fêtes. Toutefois, si la demande belge est bel et bien présente, cette viande est principalement importée de nos voisins français. En Belgique, seul un éleveur s’est lancé dans cette filière : Jérôme Demeyer. Chez lui, roucoulent 2.200 couples de pigeons. Pour les rencontrer, il faut prendre la route vers le Pays des collines, à Frasnes-lez-Anvaing.

Ne vous y trompez pas : les pigeons de Jérôme Demeyer sont bien différents de ceux que l’on peut croiser dans nos villes ou nos campagnes. De race Mirthys, ils sont le fruit d’un croisement réfléchi afin d’obtenir un animal avec assez de viande, sans pour autant faire l’impasse sur leurs capacités reproductives. Dans ses bâtiments, l’agriculteur possède 2.200 couples, chacun réparti dans des parquets, soit des volières pouvant en accueillir 30. Et si le pigeonneau est un plat apprécié durant les fêtes, avec un pic à la Saint-Valentin, ce n’est pas pour rien… Ces animaux ont de quoi surprendre !
Pour cette espèce, le mâle va choisir sa femelle pour ensuite vivre avec elle tout au long de sa vie. Fidèle, donc… mais avec ses limites. En effet, si cette dernière meurt ou rencontre un problème, comme une aile brisée, il se tournera vers une autre femelle. Cependant, il gardera quand même ses petites habitudes. Il restera toujours dans le même nid, même si sa compagne change d’identité. « Nos parquets sont identiques. Si, par exemple, un pigeon est dans le nid numéro 8, même si on change de volière, il ira dans le numéro 8 du nouveau parquet », raconte l’éleveur.
De plus, le mâle et la femelle se répartissent les tâches. Chez eux, chacun se relaye pour couver les œufs et nourrir leurs jeunes. Des œufs au nombre de 2, avec une couvaison de 18 jours. Lorsqu’ils éclosent, dix jours plus tard, les meilleurs couples sont déjà en mesure de repondre. Raison pour laquelle ils disposent de deux nids, placés l’un à côté de l’autre. Au total, les duos les plus performants pourront donner naissance à 18 jeunes par an, même si la moyenne est basée sur 12 petits.
Une valorisation à tout âge
Afin qu’ils puissent voler de leurs propres ailes, leurs parents leur offrent l’alimentation adéquate. D’abord, du lait de jabot, une nourriture très riche grâce à laquelle leur progéniture pourra doubler son poids les premiers jours de vie. Le couple choisira également quel aliment est le plus adapté aux besoins du jeune. Pour ce faire, ils disposent, dans leur parquet, de deux types de nourriture, bien séparés afin d’éviter le tri : 80 % de maïs grain entier et 20 % d’un concentré contenant des protéines, des minéraux et des vitamines.
Ces nids, les pigeonneaux y resteront 28 jours. Ensuite, ils seront abattus avec un poids de 600 g vivant, soit 400 à 450 g plumés et vidés. Leurs parents, quant à eux, resteront dans cet élevage durant 3 à 4 ans, âge auquel leur fertilité baisse. Ils seront ensuite réformés, mais pourront toujours être consommés. « J’ai un peu de demandes pour les pigeons de réforme. Je réalise quelques transformations, comme du pâté. Néanmoins, cela demande beaucoup de main-d’œuvre, qui finalement coûte plus cher que la valeur du pigeon. C’est pourquoi certains éleveurs préfèrent directement les envoyer au clos d’équarrissage. Ce n’est pas mon cas, le but est de les valoriser un maximum », indique Jérôme Demeyer.
Après ce laps de temps, ce dernier réalise un vide sanitaire et relance un nouveau parquet avec ses oiseaux de renouvellement. « Si j’ai moins de demandes à certains moments, comme en été, au lieu de les abattre et de les vendre à bas prix, ils vont dans une des plus grandes volières durant environ 6 mois. Je les sexe, et ils deviendront de futurs reproducteurs ». Des renouvellements évidemment étalés dans le temps afin de ne pas avoir de creux au niveau de la production.
L’influence de la luminosité
Les spécificités de ces animaux ont amené le Hennuyer à se diriger vers cette filière. Selon lui, il s’agit d’une volaille avec laquelle il est possible de se différencier d’un élevage qui pourrait tendre davantage vers un côté industriel. « Les parquets restent identiques avec 30 couples. On ne sait pas non plus augmenter leur cadence, comme leur faire pondre 3 œufs au lieu de 2. En outre, les pigeonneaux dépendent de leurs parents pour leur survie. Il serait impossible de prélever les œufs ». Bref, qu’on le veuille ou non, avec les pigeons, il est impératif de respecter leur mode de vie, comme s’ils se développaient dans leur milieu naturel.
Un élevage traditionnel qui demande néanmoins une bonne dose de surveillance de la part de leur propriétaire. Dans ses parquets, Jérôme Demeyer a l’œil pour vérifier qu’il n’y ait, par exemple, pas de bagarres, d’œufs cassés ou clairs, ou encore de mortalité de jeunes. « Cette surveillance est primordiale pour un élevage qui fonctionne correctement ».
Par ailleurs, l’éleveur peut apporter son grain de sel en vue d’augmenter les performances de ses animaux. Il peut notamment donner de la paille pour les stimuler à pondre plus vite. Puis, surtout, il travaille avec un programme lumineux afin qu’il n’y ait pas de diminution de la luminosité quand vient l’automne. Dans le cas contraire, la femelle cesserait de pondre. Avec cette technique, des pigeonneaux peuvent naître ici en toute saison.
Au niveau sanitaire, également, l’agriculteur attrape les reproducteurs chaque année pour leur injecter un vaccin contre la paramyxovirose, une obligation. Ces pigeons pourront transmettre cette immunité à leur petit. Concernant le matériel, Jérôme a intelligemment pensé l’ensemble de ses équipements. « C’est en tôle galvanisée, et dedans, il y a un carton. Une à deux fois par an, on change le carton et on nettoie l’emplacement du nid. Les pigeons sont sur caillebotis avec en dessous un système de racleur. Cela permet de pousser les fientes et la paille hors du bâtiment ». Des matières organiques valorisées avec les autres activités du Hennuyer. Celui-ci possède des Bleu du Maine avec une vingtaine de brebis et cultive aussi sa terre.

Un abattoir à sec avec une finition à la cire
Afin de construire ses bâtiments et de mener à bien son activité, Jérôme Demeyer s’est inspiré de ses visites chez nos voisins français. Et oui, ce fils d’agriculteur n’était, au départ, pas destiné aux pigeonneaux, bien que le frère de son grand-père élevait déjà des pigeons de concours. « Mes parents possédaient une ferme mixte, que je n’ai pas su reprendre ». Malgré cela, le monde agricole n’est jamais loin : il réalise un graduat en agronomie à Ath. Un jour, il tombe sur un reportage consacré aux pigeons, où l’on explique qu’il est possible d’en élever même en hiver. Après avoir laissé son projet mûrir, il se lance dans l’aventure et acquiert 200 couples.
Alors que tout semble bien parti, une difficulté survient. L’agriculteur pouvait normalement faire abattre ses animaux dans un abattoir local, mais l’accord tombe à l’eau. Il se retrouve avec ses pigeons… sans aucune solution pour les faire abattre. Pas le choix : ce qui devait être une activité complémentaire devient, par la force des choses, principale. Jérôme doit créer sa propre infrastructure, avec toutes les complications que cela implique : investissements financiers, respect strict des normes de l’Afsca, contrôles réguliers et coûteux…
Finalement, son abattoir agréé sort de terre début 2018. Il s’agit d’un abattoir « à sec », avec une finition à la cire. Après l’étourdissement et le saignement, les oiseaux sont déplumés avec des disques qui pincent les plumes et les arrachent. Ce travail demande une grande dextérité au plumeur afin d’éviter que la volaille ne se détériore. Ensuite, les carcasses sont plongées dans une cire chauffée à 65 ºC. En durcissant, elle permet de retirer les petites plumes et le duvet. Objectif ? obtenir un pigeonneau impeccable !
Autant d’étapes qui exigent, bien entendu, une sérieuse dose de main-d’œuvre. « Dans l’élevage, je travaille seul. Les jours d’abattage, environ quatre personnes viennent en renfort ».

Une renommée auprès des grands noms de la gastronomie
450 pigeonneaux sont abattus chaque début de semaine, ce qui permet à ce passionné d’effectuer ses livraisons par la suite. Un travail méticuleux dont les efforts portent leurs fruits. Aujourd’hui, la réputation de l’élevage « Pigeonneaux des Collines » n’est plus à faire, et des chefs gastronomiques accordent leur confiance à l’éleveur.
« J’ai eu la chance de collaborer avec de grands noms comme le Château du Mylord. Il a organisé un rendez-vous gastronomique, et des chefs ont cuisiné mon pigeonneau. En général, ces établissements changent de cartes toutes les 4 à 6 semaines, et lorsqu’ils ne proposent plus ma volaille, la réservent déjà pour l’année suivante ».
Une réussite qui ne doit rien au hasard. Certes, ces cuisiniers privilégient le local, mais encore faut-il que la qualité soit au rendez-vous. Avec Jérôme Demeyer et son mélange de passion, de savoir-faire et de rigueur, ils peuvent être certains de satisfaire ces exigences.
Découvrez la recette du pigeonneau avec une farce au foie gras et pain d’épice, proposée par Jérôme Demeyer dans votre journal !





