À 18 ans, Léonie François innove avec ses Blanc Bleu Belge… sans corne!
Avec Léonie François, un vent de fraîcheur souffle sur l’élevage Blanc Bleu Belge. À 18 ans, cette jeune éleveuse « bien dans ses bottes » sait ce qu’elle veut, et surtout ose sortir des sentiers battus. Avec son beau-père, Jean-Marc Van Heule, elle s’est lancé le défi d’introduire le gène sans corne dans leur troupeau. Une belle réussite pour cette passionnée de la race qui apporte, en outre, sa touche de féminité dans le milieu agricole.

Dans sa ferme bovine, située à Ligne près d’Ath, Léonie François se sent comme un poisson dans l’eau. Et c’est avec fierté qu’elle nous présente le troupeau des Princes de Ligne, composé d’environ 200 Blanc Bleu Belge. La particularité de cet élevage ? La moitié des bêtes est sans corne. Il y a sept ans, son beau-père, vétérinaire et éleveur, a décidé d’introduire ce gène au sein de l’exploitation. Un pari finalement transformé en projet familial, comme s’en souvient la jeune femme, immédiatement séduite par cette nouvelle idée. « Jean-Marc avait acheté 5 doses d’un taureau sans corne auprès de Belgian Blue Group, et les a mises sur ses bonnes vaches. Nous avons eu trois veaux, tous sans corne ».
Parmi eux, Lucide, complètement blanche, qui porte ce gène de manière hétérozygote (une seule copie du gène sans corne). « Nous avons commencé à récolter les embryons de cette vache, afin d’obtenir davantage de veaux et de pouvoir en faire profiter d’autres éleveurs s’ils souhaitent également se lancer dans cette spécificité. Puis, nous avons décidé de l’inséminer ». Officier des Princes de Ligne voit alors le jour. Bingo : il s’agit d’un taureau, également de robe blanche et, qui plus est, porte le gène sans corne, mais lui de manière homozygote, bref avec 100 % de chance d’avoir des veaux du même type. Une véritable réussite !
Vendu au centre d’insémination de l’Association wallonne des éleveurs, ce taureau reste le « chouchou » de la famille. Grand, long, avec de bons aplombs, il ne manque pas de qualités ! Depuis, il a donné plusieurs descendants pour le plus grand plaisir de Léonie.
« Travailler avec le gène sans corne est une réelle facilité pour l’éleveur. Lorsqu’on rentre dans l’étable parfois, il y a 10 veaux à décorner. Moi, par exemple, je n’en ai que deux. C’est un poids en moins. Mine de rien, écorner les veaux demande du temps. Puis, au niveau du bien-être animal, c’est un réel avantage. Il n’y a pas de risques d’infection liés à l’écornage, pas de cornes qui restent coincées dans le cornadis… ».
Affronter le regard des autres sur les rings de concours
Pour Léonie, qui aime relever des challenges, les animaux sans corne possèdent dès lors de sérieux atouts. Néanmoins, ce projet innovant est encore loin de faire l’unanimité. Selon elle, certains aficionados de la race restent réfractaires. « Le gène sans corne provient de l’Angus, une race non cularde. Au fil du temps, il a fallu rattraper les qualités viandeuses. Les bêtes sans corne ne les possèdent pas encore au même niveau que celles qui participent à des concours ». Une perte musculaire compensée par un gain en confort et en bien-être. D’autant qu’elle l’assure : le rendement carcasse ne diminue pas, au contraire… « Les sans corne sont même parfois plus lourds, car ils sont souvent plus grands et longs ».
Pourtant, cette férue de compétitions bovines reste fidèle à ses classiques lorsqu’il s’agit de monter sur un ring. Et ce, bien qu’elle soit déjà parvenue à décrocher de jolis résultats, comme une 3ᵉ place à l’expertise d’Ath avec ses animaux d’un nouveau genre. « Mais en Blanc Bleu classique, dans la ferme, nous avons réussi à obtenir une souche très viandeuse », note-t-elle.
Un autre frein pèse également sur sa participation en concours avec ces bovins différents : il faut affronter le regard des autres. Un regard que la Hennuyère a déjà dû subir à maintes reprises sur le ring. En effet, arriver à se faire une place dans ce milieu essentiellement masculin n’est pas toujours simple. Des mots peuvent blesser, des remarques sexistes ou de mauvais goût déstabiliser. Autant de propos parfois difficiles à encaisser… « Heureusement, maintenant, j’ai grandi, mûri, appris à les ignorer. J’ai aussi eu la chance d’avoir mon beau-père qui m’a tirée vers le haut ».
Grâce à lui, Léonie peut être fière de présenter leurs bêtes et le fruit de leur travail. Avec des résultats à la clé, comme cette victoire au championnat jeunes taureaux, il y a deux ans à Agridays. Une solide récompense pour cette passionnée tombée dans la marmite agricole à l’âge de 10 ans.

Un futur agricole
Si les arrière-grands-parents maternels de Léonie possédaient déjà une ferme, celle-ci a ensuite été reprise par son cousin. Petite déjà, la jeune femme adorait vivre dans ce milieu et être entourée d’animaux. Cela s’est concrétisé davantage lorsque sa maman a rencontré Jean-Marc Van Heule, vétérinaire, qui possédait son exploitation bovine à Ligne. Avec lui, la jeune fille apprend et découvre la vie d’éleveur. Les parents de son beau-père sont aussi présents pour lui transmettre les différents filons du métier. « Le père de Jean-Marc a 80 ans, cependant il est inarrêtable pour les travaux aux champs. Il m’a montré comment souder, disquer, faire des raccommodages… Je lui dois beaucoup, comme à sa femme ».
De plus, son beau-père l’initie rapidement aux événements bovins. À 10 ans, elle participe ainsi à son premier National à Libramont. Elle y présente, Favorite, une vache qu’elle n’est pas près d’oublier. Son véritable « coup de cœur ». Au fil du temps, Léonie attrape l’esprit de compétition tout en prenant plaisir à préparer, tondre, bref à bichonner ses animaux afin de mettre en valeur leurs plus beaux atouts une fois sous les feux des projecteurs.
À présent, même si elle termine ses études secondaires à Tournai, en option commerce, dès qu’elle rentre chez elle, elle ne tarde pas à troquer ses vêtements de ville pour sa salopette. Deux vies bien différentes, citadine d’un côté et campagnarde de l’autre. Entre les deux, Léonie a déjà fait son choix. Plus tard, elle souhaite garder une fonction commerciale comme activité complémentaire et reprendre une exploitation à titre principal. « J’ai eu l’opportunité de faire mes stages avec Ludwig Watte de Belgian Blue Cattle International. C’est lui qui m’a permis de prendre goût au commerce et d’accroître mes connaissances en génétique », souligne-t-elle.
En attendant, les projets ne manquent pas sur la ferme familiale, où les bêtes possédant cette caractéristique et cette dynamique agricultrice apportent, sans aucun doute, un nouveau regard sur l’élevage wallon.





