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Quand faut-il appliquer la première fraction azotée en prairie?

Une application trop précoce de la fumure azotée peut occasionner des pertes d’azote qui doivent être minimisées pour éviter les gaspillages, et la pollution de l’eau et de l’air. À l’inverse, une application trop tardive peut affecter le rendement en réduisant le potentiel de croissance de la prairie. Le dilemme de l’agriculteur consiste donc à choisir la date d’application permettant une croissance suffisante de l’herbe tout en limitant les risques de gaspillage et donc de pollution. Alors comment trouver le bon compromis ?

Temps de lecture : 5 min

Depuis de nombreuses années, différents essais pluriannuels, menés un peu partout en Wallonie sur l’efficacité d’engrais azotés de type nitrate d’ammoniaque, tentent de déterminer le moment optimal pour un premier apport d’azote sur la prairie. Les réponses sont très variables d’une année à l’autre. Ainsi, à Michamps, les meilleurs rendements en première coupe sont obtenus pour des dates d’application de la première fraction azotée qui varient entre le 15 mars et le 15 avril selon les années. Pourquoi ces différences ? Parce que les conditions climatiques sont plus ou moins rigoureuses d’une année à l’autre, ce qui influence le départ de végétation.

Pas d’influence sur la date du départ en végétation

Dans d’autres essais, la date du départ de la croissance (ou de végétation) a été suivie. Dans ceux-ci, l’azote a été appliqué très tôt pour être sûr qu’il ne constitue pas un facteur limitant pour le départ de la croissance. Les premières applications ont été faites au début du mois de mars à Michamps et à Elsenborn, et en février à Louvain-la-Neuve. Le départ de croissance est estimé, par régression linéaire, entre le rendement mesuré chaque semaine et la somme des températures moyennes positives, comme cela est illustré dans la Figure 1.

Figure 1. Détermination de la date apparente de départ de la croissance par régression linéaire entre le rendement et la somme des températures (Lambert et al., 1999).
Figure 1. Détermination de la date apparente de départ de la croissance par régression linéaire entre le rendement et la somme des températures (Lambert et al., 1999).

En observant le graphique, on constate qu’il n’y a pas de différence entre les dates de départ de croissance avec et sans fumure azotée. L’application d’une fumure azotée très tôt pour accélérer le départ de la croissance n’est donc pas justifiée. Par contre, celle-ci agit sur la vitesse de croissance et donc, sur le rendement. Ainsi, les rendements peuvent chuter de 5 à 15 % si l’apport d’azote a été réalisé un mois avant la date préconisée.

Un départ de croissance différé

Vis-à-vis de l’essai de Louvain-la-Neuve, la croissance de la végétation démarre environ un mois à un mois et demi plus tard à Elsenborn. La différence entre les années atteint une vingtaine de jours à Michamps.

Si on compare les dates de départ de la croissance et les dates optimales d’application de la fumure azotée déterminées sur le site de Michamps, on constate que la période optimale d’application de la fumure azotée se situe environ 8 à 20 jours avant le départ de végétation. Cependant, le départ de la croissance est difficile à prévoir car il dépend surtout du climat instantané et pas tellement des conditions climatiques antérieures. Aussi, le meilleur moment d’application de l’azote est d’autant plus difficile à déterminer précisément qu’il est antérieur à la date de départ en végétation.

Se baser sur les observations régionales

La meilleure façon de procéder est de se baser sur des observations régionales. Le bon compromis pour l’application de la première fraction semble se situer vers le 1er mars à Louvain-la-Neuve, vers le 1er avril à Michamps et vers le 10 avril à Elsenborn.

Des applications plus précoces présentent un risque élevé de pertes. Toutefois, on observe parfois une reprise de croissance plus précoce lorsque les températures sont particulièrement élevées pour la saison. Cependant, les conditions météorologiques peuvent encore se dégrader fortement après cette période, et les plantes peuvent être fragilisées si on a favorisé la pousse par des applications trop précoces d’engrais.

Quid des engrais azotés « retards » ou « protégés » ?

Certains engrais azotés, généralement à base d’urée, sont disponibles dans le commerce. Ces engrais ont la particularité d’être selon les cas, totalement ou partiellement, transformés par les micro-organismes du sol pour être rendus disponibles pour les plantes. Les processus biologiques sont directement liés à la température du sol et donc, au climat. Si ce type d’engrais est appliqué, les dates d’épandage de ceux-ci doivent être avancées d’une dizaine de jours par rapport aux dates préconisées pour des engrais à base de nitrate d’ammoniaque.

Et les engrais de ferme ?

L’épandage des engrais de ferme est réglementé par la troisième version du PGDA. Les apports de fumier et de compost en prairies sont autorisés dès le début de l’année, moyennant le respect des conditions d’épandage, et les lisiers, fumiers mous et autres engrais de ferme à action rapide le sont dès le 15 janvier (toujours en respectant les conditions d’épandage !). L’apport des engrais de ferme permet dès lors de relativiser et d’atténuer l’importance de la date de la première fraction azotée en prairie car ceux-ci apportent déjà, plus tôt dans la saison, de l’azote sous différentes formes dont certaines peuvent être mobilisées rapidement par les plantes. Rappelons encore que les engrais de ferme sont d’autant mieux valorisés lorsque les apports sont fractionnés.

80 kg d’N/ha pour la première coupe

L’efficacité de l’azote diminue lorsque la fumure augmente. Cette observation est connue en fertilisation sous le nom de « loi des accroissements moins que proportionnel ». Elle est illustrée dans la F igure 2 .

Figure 2. Evolution des rendements d'une prairie de fauche en fonction de la fertilisation azotée (Knoden et al., 2007).
Figure 2. Evolution des rendements d'une prairie de fauche en fonction de la fertilisation azotée (Knoden et al., 2007).

Autrement dit, les premières unités d’azote appliquées rapportent plus que les suivantes. Si l’on considère qu’une unité d’azote doit produire au moins 15 kg de MS pour être rentable, la fumure optimale se situe entre 80 et 100 kg d’azote par hectare pour la première coupe. Bien entendu, il faut impérativement tenir compte des apports d’engrais de ferme !

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