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Les USA… pas si loin

En 1994, un groupe d’agriculteurs belges dont je faisais partie parcourait le Middle-West américain en voyage d’étude. Nous y recherchions des réponses aux questions que nous nous posions face aux difficultés d’obtenir des prix stables et rentables pour nos produits, aux accords du GATT (aujourd’hui rebaptisé OMC) et à l’apparition de nouveaux critères de qualité environnementale et de la traçabilité.

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Depuis 1993, l’Union Européenne a produit une série de réglementations imposant aux producteurs de denrées alimentaires des mesures visant à assurer une sécurité alimentaire élevée du consommateur. Un durcissement attribué aux effets dioxine et vache folle apparus en Europe. Avant notre voyage, on nous avait dit et redit la volonté des Farmers Américains, qui ne connaissaient pas encore ce genre de contraintes, de conquérir les marchés européens par la voie des accords du GATT. Il était donc essentiel que nous ajustions nos prix de revient face à la concurrence effrénée qu’allaient exercer ces entreprises américaines installées sur des surfaces 10 à 20 fois supérieures aux nôtres.

Quelle ne fut pas notre stupéfaction de constater que ces grosses exploitations, telles celle de John Dittrich qui exploitait 1.400 ha, devaient faire face aux mêmes difficultés économiques que nous et étaient mises sous pression par de puissantes multinationales de l’agroalimentaire. Bill Christensen, président du Missouri Rural Crises Center, nous expliqua que, de 1986 à 1990, sans que le consommateur en profite, les entreprises de l’agroalimentaire avaient augmenté leurs bénéfices de 513 % alors que les prix payés au producteur chutaient de 34 % et que les prix au consommateur augmentaient de 36 %. Des chiffres absolument ahurissants et dramatiques.

Lors de notre expédition, un gros investisseur installé dans l’Ouest du Missouri nous confia qu’il envisageait de produire et commercialiser 10 millions de porcs l’année suivante (1995). « Si une deuxième entreprise projette d’en faire autant, ces deux sociétés seront en mesure de contrôler l’entièreté du marché de l’Ouest du Missouri en c’en sera fini des petits producteurs », nous expliqua un autre leader syndicaliste. À l’époque, la plupart des fermiers du Missouri étaient déjà obligés de trouver du boulot à l’extérieur afin de subvenir à leurs besoins, les prix de leurs denrées étant trop bas. Quand je me remémore cette situation catastrophique, je comprends mieux ce qui ce qui les a poussés à voter Donald Trump qui dénonce ces méfaits avec vigueur et leur promet des jours meilleurs.

Pareil syndrome, nous le vivons aujourd’hui à son paroxysme en Europe. Une Europe qui n’a encore rien vu venir et qui pendant des années a multiplié les réglementations de « la chasse à la poussière » comme disait un syndicaliste français récemment, des réglementations qui ne cessent de nous coûter du temps et de l’argent.

L’Europe ferait bien de regarder ce qui se passe en France, mais aussi en Hongrie aujourd’hui. Elle est en grand danger de dislocation.

Louis Poulain

, agriculteur retraité à Neufvilles

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