Accueil Cultures

Festival de l’agriculture de conservation à Ligny: une vitrine aussi diversifiée qu’instructive

Un travail minimum du sol, une couverture maximale de celui-ci et une rotation des cultures adaptée. Ces principes fondent l’agriculture de conservation. Coup d’œil sur des exemples concrets.

Temps de lecture : 10 min

En réponse à l’intérêt croissant des agriculteurs pour les techniques de conservation des sols et au succès de la première édition en 2016, l’asbl Greenotec et les Services publics de Wallonie organisaient, mi-juin dernier, avec de nombreux partenaires, la seconde édition du Festival consacré à cette vaste thématique. Pendant deux jours, à Ligny (Sombreffe), de nombreux visiteurs ont ainsi eu l’opportunité d’arpenter une plateforme de 7 ha de cultures et de stands entièrement dédiés à des techniques et équipements innovants.

Bien choisir les couverts pour l’interculture

L’asbl Protect’eau présentait en petites parcelles de nombreuses associations d’espèces végétales potentiellement aptes à composer des couverts d’interculture.

L’objectif : mettre en évidence les couverts les plus concurrentiels vis-à-vis des mauvaises herbes, dans un contexte de réduction de l’usage des produits phytos et aussi d’alternative à la perte d’efficacité de substances actives vis-à-vis de certaines adventices.

La vitrine mettait en évidence les atouts et les failles parmi les couverts testés. Ainsi, par exemple, un mélange associant du tournesol, de la féverole et de l’avoine – plantes à port dressé – révélait ses limites (salissement), tandis que les couverts à base de phacélie se révélaient plus efficaces, avec l’atout supplémentaire d’une espèce mellifère contribuant à la diversité dans les campagnes.

Mostafa Khalidi: « l’asbl Protect’eau met à disposition sur son site internet un logiciel d’aide à la décision permettant de choisir au mieux la composition des couverts d’interculture».
Mostafa Khalidi: « l’asbl Protect’eau met à disposition sur son site internet un logiciel d’aide à la décision permettant de choisir au mieux la composition des couverts d’interculture». - M. de N.

Mostafa Khalidi : « Pour guider les agriculteurs à bien choisir la composition de l’interculture, en fonction de leurs objectifs, l’asbl Protect’eau met à disposition sur son site internet un logiciel d’aide à la décision. Les critères de choix peuvent être : la facilité de destruction (espèces gélives), la production de biomasse (espèces productives), la date préférentielle pour le semis, l’objectif visé (produire du fourrage, lutter contre les adventices, etc.), les contraintes législatives, le coût, etc.»

Sur la base de ces critères sélectionnés par l’agriculteur, le module informatique propose des espèces et les mélanges d’espèces recommandés.

Et concrètement, pour chaque mélange, l’outil propose une fiche technique présentant les avantages et faiblesses, l’itinéraire cultural, depuis le semis jusqu’à la destruction, mais aussi l’impact sur la culture suivante, etc.

Des arbres dans les champs

L’agroforesterie c’est l’association des arbres et des champs, sous la forme de haies diversifiées, de vergers, de saules têtards ou encore de taillis linéaires, expliquait l’Association pour l’agroforesterie en Wallonie et à Bruxelles.

Les taillis linéaires sont constitués d’espèces à croissance très rapide, comme le saule ou le peuplier qui présentent l’avantage d’être bouturables. Concrètement, devant le stand de ladite Awaf, une machine s’affichait capable de planter en ligne 8.000 boutures à l’heure. « De tels taillis sont déjà récoltables après deux ans. L’objectif est de produire un copeau de bois valorisable en chaudière à biomasse, comme paillage ou encore comme BRF (bois raméaux fragmentés) en horticulture. »

Les taillis linéaires sont constitués d’espèces à croissance très rapide, comme le saule, qui présentent l’avantage d’être bouturables. En un an, les tiges atteindront 2 m de haut.
Les taillis linéaires sont constitués d’espèces à croissance très rapide, comme le saule, qui présentent l’avantage d’être bouturables. En un an, les tiges atteindront 2 m de haut. - M. de N.

Ces taillis peuvent être installés en parcelle complète, mais aussi en bandes de 4 m de large sous la forme de 2 double-rangs entre deux parcelles de grandes cultures. Outre leurs nombreux intérêts, ces haies ne nécessitent pas d’entretien : celui-ci correspond en fait à la récolte tous les deux ans, en assurant une alternance entre les double-rangs, de sorte que lorsque l’un est taillé et récolté, l’autre continue d’assurer les fonctions demandées à une haie. 20.000 boutures/ha.

Un ha en deux double-rangs (soit 2 km) permet de récolter l’équivalent énergétique en copeaux de bois (80 à 120 m3) de 6.000 l de mazout par ha et par an.

Les bandes aménagées

Directeur de Natagriwal, Hubert Bedoret relève que l’asbl chargée de l’encadrement du programme agro-environnemental et du réseau natura 2000 emploie une trentaine de personnes réparties à travers le sud du pays qui réalisent du conseil dans les fermes à ce propos. Les aspects primordiaux de la mission concernent plus spécifiquement la biodiversité en agriculture.

À Ligny, l’asbl mettait en évidence les bandes aménagées que les agriculteurs peuvent implanter en grandes cultures moyennant le respect de certaines conditions au travers de contrats agroenvironnementaux de 5 ans, avec la possibilité de différents mélanges, à choisir selon les objectifs poursuivis. « Les bandes messicoles visent à favoriser les fleurs des champs ou des prés, tandis que les mélanges de type faune offrent le gîte et le couvert à la petite faune des plaines (oiseaux, lièvres, petit gibier, etc.) et sont de ce fait souvent implantés en concertation avec le monde de la chasse. »

Les couverts végétaux, comme le couvert faune ci-dessus, constituent l’un des piliers de l’agriculture de conservation.
Les couverts végétaux, comme le couvert faune ci-dessus, constituent l’un des piliers de l’agriculture de conservation. - M. de N.

Il y a encore d’autres types de mélanges qui pour chacun poursuivent un objectif particulier dans le domaine de la biodiversité. Le risque de développement des adventices et autres espèces indésirables dans ces bandes aménagées nécessite un vrai travail de gestion et d’entretien au cours des contrats de 5 ans.

Plus récente, la troisième mission de l’asbl est la promotion de la plantation de haies en Wallonie, dans le cadre d’une subvention accordée en Région wallonne. Natagriwal est chargé d’encadrer techniquement et de soutenir les agriculteurs qui souhaitent se lancer dans des projets de replantation. Un appel à projet est en cours, qui s’adresse uniquement aux agriculteurs.

Cultiver la pomme de terre autrement

Greenotec mène actuellement, avec la Filière wallonne de la pomme de terre et le service public de Wallonie, des essais sur le travail du sol en culture de pomme de terre. « Il s’agit de mettre au point des techniques innovantes permettant d’éviter de travailler le sol trop intensivement, et par là même les conséquences érosives qui peuvent en résulter », indique Maxime Merchier, coordinateur de l’asbl.

Ces pommes de terre plantées au printemps dans des buttes d’automne montraient, mi-juin, un développement légèrement en retard en comparaison avec une plantation classique, mais la vigueur des plantes semblait au rendez-vous.
Ces pommes de terre plantées au printemps dans des buttes d’automne montraient, mi-juin, un développement légèrement en retard en comparaison avec une plantation classique, mais la vigueur des plantes semblait au rendez-vous. - M. de N.

L’innovation expérimentée consiste à constituer les buttes dès la fin de l’été, après la moisson et un travail du sol dépourvu d’outils animés (la terre n’est pas affinée). Des couverts gélifs laissant en surface des résidus noirs – pour favoriser le réchauffement des buttes (phacélie, trèfle d’Alexandrie) ont ensuite été semés sur ces buttes. L’affinage du sol se fait naturellement via les racines des couverts, le gel, le temps sec.

Et, ce printemps, les pommes de terre ont été plantées directement dans ces buttes sans le moindre travail du sol.

Des couverts végétaux… et moins de phyto dans le maïs

Du côté du Cipf, le Festival de l’agriculture de conservation fut l’occasion de mettre en évidence quatre techniques centrées sur la couverture des sols et la réduction de l’usage des herbicides.

La première, le désherbinage, permet de limiter le traitement chimique à 1/3 de la surface comparativement à un traitement généralisé ; les 2/3 restants sont désherbés mécaniquement par le binage de l’interrang. En général, un premier passage sera effectué au stade 4-5 feuilles du maïs avec un binage de l’interrang et l’application d’un herbicide sur la ligne grâce aux jets localisés. Un second passage de l’outil est souvent nécessaire 12 à 15 jours plus tard (stade 7-8 feuilles) avec si nécessaire un correctif sur la ligne, sinon uniquement pour l’action des socs dans l’interrang. À ce stade, il est également possible de semer du ray-grass – en sous-semis – dans l’interrang.

Une deuxième technique, le sous-semis (de trèfle blanc, fétuque rouge) évoqué ci-avant, permet l’obtention d’un couvert végétal au moment de la récolte. Les intérêts sont multiples : limitation de l’érosion des sols, réduction du transfert de matières actives herbicides par ruissellement, réduction du lessivage de l’azote durant l’hiver, amélioration de la portance des sols lors de la récolte, apport de matière organique. Depuis peu, cette technique trouve un nouvel élan avec l’arrivée sur le marché de nouveaux modèles de semoir pneumatique, qui rendent possible le semis combiné du mais et d’une graminée ou d’une légumineuse dans les interrangs. Dans ce cadre, la fétuque rouge gazonnante est privilégiée car elle présente un développement lent en début de cycle, ce qui limite fortement la concurrence qu’elle peut exercer sur le maïs.

En culture de maïs, l’outil Eruistop permet de créer, entre les rangs, des dépressions qui retiennent l’eau et les boues lors de fortes précipitations. Un moyen très efficace pour réduire l’érosion sur les terres en pente.
En culture de maïs, l’outil Eruistop permet de créer, entre les rangs, des dépressions qui retiennent l’eau et les boues lors de fortes précipitations. Un moyen très efficace pour réduire l’érosion sur les terres en pente. - M. de N.

Le désherbage est un élément clé du succès de cette technique puisqu’il doit éliminer les adventices tout en préservant le couvert en sous-semis.

Pour le semis de maïs dans un couvert vivant, l’itinéraire cultural commence par le semis du couvert (féverole d’hiver, phacélie, vesce velue), au début octobre. Au printemps, vers la mi-mai, le maïs est semé dans ce couvert vivant, qui dès le lendemain est détruit en généralisé au moyen d’un rouleau, et ensuite dans l’interrang, début juin.

Et enfin, la 4e technique repose l’utilisation du combiné Eruistop qui permet de créer des dépressions entre les rangs de maïs. Celles-ci retiennent l’eau et les boues lors d’événements pluvieux intenses ; la succession des reliefs créés par le passage de l’outil permet de réduire fortement l’érosion sur les terres en pente.

Semis de maïs avec une plante compagne

Avec la cellule bio du Centre wallon de recherches agronomiques, l’asbl Greenotec participe au projet de recherche sur l’agriculture biologique de conservation qui entend tirer parti des synergies entre les deux concepts. Les pratiquants de l’agriculture bio sont interpellés par le respect de la vie du sol, la simplification des façons culturales et l’emploi des couverts végétaux. Les férus d’agriculture de conservation s’intéressent aussi aux pratiques permettant de réduire l’usage des produits phytos pour optimiser les processus de régulation naturelle. La collaboration s’est ainsi faite naturellement avec un partenariat pour la réalisation de petits essais exploratoires vers cette voie commune qui serait l’agriculture biologique de conservation.

La cellule bio du Cra-w et Greenotec collaborent sur le thème de l’agriculture biologique de conservation. A Ligny, un essai exploratoire porte sur la culture de maïs grain associée à des plantes compagnes de la famille des légumineuses telles que la féverole.
La cellule bio du Cra-w et Greenotec collaborent sur le thème de l’agriculture biologique de conservation. A Ligny, un essai exploratoire porte sur la culture de maïs grain associée à des plantes compagnes de la famille des légumineuses telles que la féverole. - M. de N.

Daniel Jamar (Cra-w) : « L’agriculture de conservation repose sur les trois piliers que sont les rotations, les couverts et la diversité biologique (en espèces). L’essai mis en vitrine à Ligny porte sur la culture de maïs grain associé à des plantes compagnes (on connaît déjà en essais le colza associé à des légumineuses) de la famille des légumineuses. »

Il y a deux méthodes pour réaliser cela en pratique :

– semer un couvert de légumineuse dans la culture de maïs lorsque celui-ci a atteint le stade de développement de 6 à 8 feuilles (comme le fait le Cipf) ;

– associer les deux espèces dès le semis. C’est ce qui est illustré à Ligny. La réussite de cette association nécessite de recourir à une plante compagne peu concurrentielle vis-à-vis du maïs. De plus, comme la culture est conduite en mode bio, l’idée est d’associer la légumineuse au semis sur le rang du maïs, ce qui permet, pour la lutte contre les mauvaises herbes, de continuer à travailler le sol superficiellement par binage dans l’interrang.

« Cette association répond à trois objectifs :

– l’apport d’azote au maïs par la légumineuse ;

– apporter de la matière organique plus riche en azote pour favoriser la décomposition des pailles de maïs qui sont très volumineuses, riches en carbone et pauvres en azote. En bio, faute de disposer d’azote minéral, le besoin en azote est tel pour la décomposition des pailles que la culture suivante se retrouve en carence azotée. L’idée est donc de corriger quelque peu le rapport C/N des résidus de cultures ;

– combler l’interrang pour éviter une nouvelle levée d’adventices (mouron, etc.) au moment où le maïs commence à mûrir et où la lumière pénètre davantage au niveau du sol (le maïs grain arrive tardivement à maturité, de sorte que la terre a le temps de se salir).

Quelle plante compagne ?

La féverole s’est avérée très compatible avec le maïs, en raison de son cycle de développement plus court et de son enracinement pivotant, tandis que le maïs a un enracinement latéral, d’où l’absence de compétition racinaire entre plantes associées. Sur le plan aérien, la féverole se développe verticalement et ne contribue dès lors pas à couvrir l’interrang. Par contre, le soja dispose aussi d’un enracinement assez pivotant, mais son feuillage se développe latéralement. À la mi-juin, les plants de soja étaient encore tout petits (photo), ils resteront dans l’ombre du maïs et poursuivent leur développement latéralement en cherchant la lumière présente entre les rangs de maïs. À la mi-juillet, le soja aura complètement comblé les interrangs.

La simplification du travail du sol était illustrée par de nombreux matériels.
La simplification du travail du sol était illustrée par de nombreux matériels. - M. de N.

Profils, colzas associés, travail du sol…

Initiateur de l’événement, Greenotec, dont l’objet majeur est la préservation du sol, mettait notamment en évidence des profils de sol et toutes les observations (activité biologique, état structural de chaque horizon, impact des outils, enracinement des cultures…) qu’il est possible d’en tirer, de même qu’une plateforme consacrée aux colzas associés (sous-semis de trèfle, etc.). «Facile à mettre en place et idéale pour s’initier aux techniques de conservation des sols, cette technique rencontre plusieurs objectifs: réduire l’apport d’azote minéral au printemps, développer l’auto-fertilité des sols en recourant à des légumineuses, augmenter la concurrence vi-à-vis des adventices, perturber les insectes ravageurs d’automne, améliorer la structure du sol grâce à l’action des racines du couvert et donc améliorer l’enracinement du colza», rappelle Maxime Merchier.

Vue très partielle de l’espace proposé par Greenotec à Ligny.
Vue très partielle de l’espace proposé par Greenotec à Ligny. - M. de N.

L’asbl mettait également en lumière le système racinaire de différentes plantes et l’impact du travail du sol sur la stabilité structurale des mottes de terre prélevées dans différents contextes (labour, techniques culturales simplifiées, semis direct).

Propos recueillis par M. de N.

A lire aussi en Cultures

Mieux valoriser l’azote en culture de pommes de terre

pommes de terre Belfertil et Belgapom ont uni leurs efforts pour proposer aux producteurs et conseillers un nouveau site web centré sur la fertilisation durable de la pomme de terre. Celui-ci regorge d’informations et conseils pratiques pour optimaliser l’efficacité de la fumure.
Voir plus d'articles