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Elevage de précision:«Avec les faibles marges que l’on a, on se doit d’être performant à tous niveaux!»

C’est sur l’exploitation d’Hubert et Martine Devroede, à Soignies, que nous avons rencontré Bruno Massart, leur beau-fils, qui a pris en main la gestion du troupeau laitier. Exit la salle de traite, place à trois robots et à un analyseur de lait qui intègrent le système de gestion de troupeaux. Un investissement certes conséquent, mais qui permet non seulement de gérer un cheptel plus important mais aussi d’accroître la longévité du troupeau.

Temps de lecture : 7 min

Il y a quelques années encore, Bruno Massart trayait quelque 120 vaches avec Hubert Devroede, son beau-père propriétaire de la ferme du Bailli, à Soignies. Mais depuis les choses ont bien changé. La construction de la nouvelle fromagerie a été suivie par la construction d’une nouvelle étable automatisée en 2012. Une certaine révolution pour ces éleveurs qui apprécient l’aide apportée. Si traire 120 vaches nécessitait deux unités de main-d’œuvre, le smart farming permet désormais à Bruno de gérer seul un troupeau de près de 190 laitières.

Un passage obligé au robot

« Quand mon épouse et moi avons décidé de revenir sur l’exploitation en 2008, mes beaux-parents disposaient d’un cheptel de 120 vaches pour une production d’1,2 millions de litres de lait, dont 300.000 litres étaient transformées dans l’ancienne fromagerie de l’exploitation. »

À ce moment-là, nous travaillions encore à deux dans une étable équipée d’une salle de traite trigone Mélotte 18 postes, vieillissante. Lorsque nous nous projetions à plus long terme, la main-d’œuvre disponible pour gérer une ferme qui vit de vente directe, de culture et la traite commençait à poser question. Il était nécessaire de réinvestir !

Le point de départ ? « La fromagerie, qui devenait trop exiguë. Dans l’optique de développement de l’agrotourisme et d’augmentation de la production, nous avons réfléchi à une nouvelle structure plus adaptée à nos besoins. »

S’en est suivie la construction nouvelle étable conçue pour 200 laitières, avec des couloirs plus larges, équipée de trois robots de traite Delaval.

L’étable est divisée en deux lots : un de 120 et l’autre de 70 bêtes, ce qui permet à l’éleveur de s’occuper d’une laitière plus facilement. En moyenne, sur l’ensemble du troupeau, l’éleveur est à 2,5 traites par jour et par vache.

Notons que le premier lot est en circulation obligée, ou feed first, et le second est en circulation dite libre. Ce dernier semble plus performant que le premier. « Pour un même stade de lactation, on a deux litres en plus par vache en libre. » Bruno l’explique : « La vache qui veut se faire traire, se fait sa place et passe au robot, tandis qu’en feed first, la porte de tri redirige les animaux pour autant que l’aire d’attente soit pleine… »

Un début trop facile ?

Passer d’un système à l’autre n’est pas chose aisée. Il faut pouvoir assurer la transition. Dans le cas de la ferme du Bailli, la mise en route s’est trop bien passée ! « Nous nous étions préparés à la mise en route et avions gardé 130 vaches… C’était trop facile car elles avaient énormément d’espace pour circuler. Six mois plus tard, un lot de primipares est venu s’ajouter aux laitières, perturbant l’organisation de l’étable ! On a donc galéré le premier hiver. On a peut-être augmenté le troupeau trop vite, mais après un an, on est rentré dans une routine… »

La production et les taux y sont !

Après trois ans de fonctionnement, Bruno trait 2.100.000 litres par an à partir de 190 vaches. Quelque 500.000 litres de lait sont transformés sur le site. « On produit en moyenne 32 l par vache et par jour, ce qui nous donne une production quotidienne de plus 6.000 litres de lait avec de très bons taux : 4,2 % MG et 3,6 en protéines… De très bons chiffres en somme ! »

Monitoring permanent

« Dans une ferme laitière traditionnelle, 40 % du temps est consacré à la traite, 20 % à l’alimentation et à la gestion du lisier et 40 % à la gestion du troupeau, soit la gestion des chaleurs, des vêlages, des maladies… » Un temps d’autant plus important qu’à Soignies, le cheptel est passé de 120 à près de 200 vaches. Il était donc nécessaire d’investir dans du matériel destiné à manager le troupeau de manière efficace et optimale. Raison pour laquelle, une fois les robots bien en main, les exploitants ont mis en route le Herd Navigator, un analyseur de lait qui s’intègre naturellement aux robots.

Concrètement, chaque robot est équipé d’un échantillonneur de lait, qui en fonction de la demande du programme, va prendre un échantillon et l’envoyer vers l’analyseur. Ce dernier dépose un réactif sur l’échantillon et analyse la colorimétrie à l’aide d’un œil électronique.

« C’est une gestion automatisée de l’échantillonnage, qui est fonction du statut de la vache. L’ordinateur peut donc demander 1, 2 ou 3 analyses par échantillon. Les résultats de l’analyse du lait sont ensuite traités et envoyé au système de gestion de troupeaux avec des recommandations claires. Il signale les vaches requérant une attention spéciale, tout en proposant des suggestions sur les actions à prendre. À noter qu’il y a toujours un monitoring de Delaval pour s’assurer que le bon fonctionnement de la machine, et ce, pour garantir une fiabilité des résultats.

Progestérone, LDH et BHB, ces 3 indicateurs

Par ses analyses, le Herd Navigator peut détecter les mammites – cliniques et subcliniques – en mesurant le taux de LDH, la lactodéshydrogénase dans le lait ; les acétonémies en mesurant le taux de BHB, le bêta-hydroxybutyrate ; les chaleurs grâce au taux de progestérone.

« Sur base du taux de progestérone calculé, je peux détecter de manière précoce les chaleurs, mais également les gestations, les avortements, les kystes, et autres anœstrus. »

Par ailleurs, l’appareil donne une indication sur la qualité du cycle de chacune des vaches, soit un pourcentage appréciant la qualité de leurs chaleurs. « Avec l’expérience, j’ai remarqué avoir très peu de gestation lorsque la qualité de cycle était mauvaise. Les données provenant du système sont donc cohérentes, fiables. Nous connaissons nos vaches… hormonalement », sourit-il.

Et de poursuivre : « Quand il fait trop chaud, je peux me permettre de ne pas inséminer tout en étant à 100 % sûr de pouvoir redétecter les bêtes en chaleur plus tard. Je perds peut-être 21 jours pour ces laitières mais auraient-elles été gestantes ? Je vois davantage la technologie comme une sécurité que comme un risque. »

« Pour ce qui est des détections de l’acétonémie, nous nous devons d’agir vite. Près de 85 % des cétoses sont subcliniques, elles sont donc légères mais peuvent causer énormément de dégâts (difficultés d’avoir une vache pleine, problèmes de pattes, mammites, chute de production…). Dès que l’on passe au-dessus d’un certain seuil de corps cétoniques dans le lait, le programme nous prévient et nous donnons un shoot énergétique (des glucoformateurs) à l’animal de sorte qu’il arrête de mobiliser ses graisses. Après 24h, tout estgénéralement sous contrôle. »

Agir quotidiennement tant sur la fertilité, que sur les cétoses et les mammites, a une réelle influence sur la longévité deson cheptel.

Avoir confiance en son système

Pour Bruno, pouvoir surveiller seul un aussi grand troupeau est une avancée majeure. « Gérer une ferme de 2.000.000 litres avec si peu de main-d’œuvre est devenu une routine quotidienne. Grâce à la conception du bâtiment, je peux gérer le déplacement de lots, faire la traite des retardataires, des vaches à surveiller, nourrir les veaux, inséminer… Quel gain de temps ! En ce qui concerne les inséminations, je suis prévenu entre 35 et 45 h avant le moment idéal, je peux donc les planifier aisément. »

Pour l’éleveur, le smart farming est donc devenu une obligation ! « Avec les faibles marges dégagées sur la production de lait, tout éleveur se doit d’être performant à tous niveaux. Vu que la main-d’œuvre coûte, il faut aller chercher l’optimum grâce à la technologie. »

Mais Bruno tempère : « Je ne crois pas pour autant que la traite robotisée puisse convenir à tout le monde ! Il faut pouvoir être à l’aise avec la technologie et pouvoir avoir confiance dans les chiffres donnés. » Avec un robot, l’éleveur n’a jamais fini de traire. Les machines travaillant 24h/24, Bruno peux être rappelé à tout moment mais pour lui l’important est d’être bien dans son système. »

Une approche raisonnée

Ce que permet l’outil, Bruno le voit comme un coût d’opportunité. « La technologie a un coût mais nous permet d’agir extrêmement rapidement quand des symptômes subcliniques apparaissent. Avant nous ne pouvions agir que sur du clinique, quand il était déjà trop tard ! »

Toutefois, l’éleveur ne se précipite pas ! « Je suis dans une approche raisonnée On travaille avec du vivant, il faut donc laisser le temps à l’animal de faire son immunité.

Baisser le taux de réforme

Pour le moment, pour un troupeau de 190 bêtes, le taux cellulaire est inférieur à 200.000 cellules, et les cas de mammites avoisinent 40 unités, un résultat tout à fait correct pour un aussi grand troupeau.

À terme, l’objectif est de descendre le taux de réforme sous la barre des 25 %, ce qui réduirait le besoin en génisse de renouvellement.

P-Y L.

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