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Élever ses veaux autrement: les nouvelles tendances passées à la loupe

L’élevage des jeunes bovins peut, lui aussi, suivre des modes et des nouvelles tendances. Par ailleurs, la science ne cesse de progresser et révèle constamment des découvertes intéressantes, qui méritent d’être suivies de près. Parallèlement, ce secteur doit s’adapter afin de répondre aux attentes des consommateurs. Voici donc un tour d’horizon des dernières évolutions en la matière.

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Ces dernières années, l’Europe a réalisé des progrès significatifs dans l’élevage des jeunes animaux, en mettant l’accent sur l’amélioration de la santé, du bien-être et de la productivité des veaux.

L’hébergement individuel devenu la cible des critiques

Dans l’élevage des veaux, il faut trouver un juste équilibre entre, d’une part, la garantie de la santé et de la longévité de l’animal, et d’autre part, le maintien de coûts bas et de l’allégement du travail. Avec l’industrialisation de l’élevage, il est devenu normal d’héberger les nouveau-nés individuellement. Les avantages sont multiples. L’éleveur peut ainsi éviter la propagation des maladies, contrôler les animaux et leur appétit de manière individuel. Il peut aussi éviter un comportement de succion entre les jeunes bovins.

Cependant, ces dernières années, le bien-être animal est devenu l’une des priorités, ce qui a conduit à des critiques croissantes concernant l’hébergement individuel des veaux. L’initiative citoyenne européenne (ICE) « Stop à l’ère des cages » a appelé la Commission européenne à proposer une législation visant à interdire l’utilisation de cages pour les animaux d’élevage au sein de l’Union. La Commission a demandé à l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) de formuler un avis sur la question, basé sur les preuves scientifiques existantes, afin de déterminer les conditions nécessaires à l’interdiction de ce mode d’hébergement.

Des animaux grégaires…

Certains éleveurs, quant à eux, restent sceptiques et redoutent que l’hébergement des veaux en duo ou en groupe n’engendre plus de problèmes de santé qu’il n’apporte de bénéfices. Toutefois, rappelons que les bovins sont des animaux grégaires. Les veaux recherchent naturellement de la compagnie, un troupeau, et un environnement sans peur, douleur ou stress.

Les résultats des récentesrecherches sont particulièrement intéressants à sujet. Ils montrent que les interactions sociales entre ces jeunes bovins présentent de nombreux avantages pour leur vie future. Par exemple, les veaux élevés dès la naissance à plusieurs s’adaptent plus facilement par la suite à de nouveaux groupes, comme lorsqu’ils sont intégrés, en tant que génisses, à un troupeau de vaches laitières. En revanche, ceux vivant individuellement et placés ensemble seulement après le sevrage présentent un comportement agité : ils courent nerveusement dans l’étable et meuglent fréquemment. De plus, ils tombent plus rapidement malades lors de cette phase de regroupement que ceux ayant été élevés ensemble dès la naissance.

Enfin, au-delà du bien-être animal, pour les éleveurs, cet hébergement par pair permet à leurs animaux une croissance quotidienne plus élevée, en raison d’une plus grande consommation d’aliments.

La vie à deux, en pratique

Actuellement, il est interdit au niveau européen d’héberger des veaux individuellement pendant plus de huit semaines. Par ailleurs, l’Efsa recommande de les mettre par deux dès leur plus jeune âge. Cela permet de conserver un contrôle individuel sur les animaux tout en garantissant l’aspect social et en réduisant les maladies chroniques, plus fréquentes dans les grands groupes. De plus, il est préférable d’éviter un écart d’âge de plus de deux semaines. Dès l’âge de trois semaines, un duo peut être intégré à un groupe plus large en tenant compte, là encore, de limiter cette différence d’âge.

Lors du regroupement des jeunes bovins, l’on peut craindre qu’ils commencent à se téter entre eux. Le conseil pour éviter ce comportement est de laisser les seaux d’alimentation à disposition pendant au moins 15 minutes après le repas. Une autre option consiste à utiliser des tétines qui délivrent le lait plus lentement.

Notons aussi que ces animaux ont besoin de suffisamment d’espace. Pour passer facilement de l’hébergement individuel à celui par deux, il suffit, par exemple, de relier deux igloos entre eux à l’aide d’une sortie commune.

Les veaux élevés seuls développent souvent des  comportements moins adaptés lorsqu’ils rejoignent  le troupeau.
Les veaux élevés seuls développent souvent des comportements moins adaptés lorsqu’ils rejoignent le troupeau. - B.B.

La séparation entre la mère et son jeune

Ce n’est pas seulement l’hébergement individuel des veaux, mais aussi la séparation immédiate entre la mère et son petit qui fait l’objet de vives critiques de la part du grand public. Et comme le secteur agricole doit continuellement s’adapter aux attentes des consommateurs, les premières études vétérinaires et zootechniques sur ce sujet ont vu le jour. Récemment, l’Efsa a publié un rapport recommandant de laisser le veau avec sa mère pendant au moins un jour et au maximum quatre jours avant de procéder à cette séparation.

Étant donné que l’ensemble des élevages laitiers, davantage concernés par cette problématique, ne peut pas être transformé du jour au lendemain, on parle de plus en plus de l’utilisation de « vaches nourrices » ou de « vaches adoptives ». Les premiers résultats montrent que, lorsqu’un groupe de jeunes animaux a la possibilité de téter une vache en bonne santé (et non en quarantaine ou en convalescence), ils souffrent nettement moins de diarrhée et bénéficient, bien entendu, de bénéfices sociaux.

En revanche, dans ce type d’hébergement, il est absolument essentiel de savoir si le troupeau est porteur de maladies comme la paratuberculose ou le mycoplasme, car le contact entre vaches et veaux représenterait alors un risque sanitaire majeur. Il est également très important de respecter les principes de base d’une bonne gestion du colostrum.

L’Efsa recommande de laisser les veaux avec leur mère pendant au moins un jour et au maximum  quatre jours avant de les séparer.
L’Efsa recommande de laisser les veaux avec leur mère pendant au moins un jour et au maximum quatre jours avant de les séparer. - B.B.

Les avantages d’une administration prolongée du colostrum

Le colostrum est l’élément le plus important pour un veau. Il est établi depuis longtemps qu’il en a besoin dans les premières heures suivant sa naissance pour une transmission de l’immunité. À présent, des études montrent qu’une alimentation prolongée en colostrum après les premières 24 h offre des avantages supplémentaires, avec des effets significatifs à long terme sur la santé et les performances de l’animal.

Bien que les veaux absorbent principalement les anticorps dans les 12 à 24 premières heures, la nutrition continue de ce premier lait permet de fournir des substances bioactives qui soutiennent l’immunité et protègent contre les agents pathogènes. Par exemple, la lactoferrine et les facteurs de croissance présents dans celui-ci favorisent la santé intestinale et réduisent le risque de maladie en renforçant la barrière intestinale.

Le lait de transition et le colostrum ajoutés au lait améliorent le développement intestinal et l’absorption des nutriments. C’est particulièrement important, car un système digestif bien développé permet aux bêtes de digérer plus efficacement les nutriments et de passer plus facilement à l’alimentation solide. Il en résulte une croissance quotidienne accrue, directement liée à de meilleures performances lorsqu’ils seront adultes.

Un sevrage plus tardif

L’alimentation lactée représente une période coûteuse dans l’élevage des jeunes bovins à la ferme. Pendant des années, il a d’ailleurs été conseillé de limiter les quantités pour des raisons financières. Il était d’abord recommandé de ne fournir qu’une ration équivalente à 10 % du poids corporel, avant que ce seuil ne passe à un minimum de 15 %.

Aujourd’hui, on sait qu’il est préférable d’offrir des volumes plus importants, voire une alimentation à volonté. Les animaux nourris plus fréquemment au cours de la journée présentent, une fois devenus génisses, une production laitière plus élevée que ceux alimentés, par exemple, seulement deux fois par jour. Une quantité accrue ne réduit pas seulement la faim : elle stimule logiquement la croissance quotidienne avant le sevrage. En outre, cela leur permet de constituer de meilleures réserves corporelles, un atout en cas de maladie.

Une transition plus progressive vers le sevrage est toutefois essentielle. Contrairement aux éleveurs des États-Unis, les agriculteurs européens sèvrent généralement leurs veaux à un âge plus avancé, une manière de procéder soutenue scientifiquement. En effet, les bovins sevrés plus tard et de manière progressive présentent une meilleure croissance, ont moins faim et jouent davantage avec leurs congénères. Tout indique également que ces animaux seront en meilleure santé, même si à l’heure actuelle, il est difficile d’en tirer des conclusions claires et scientifiquement prouvées.

Des génisses parfois oubliées

Dans la plupart des exploitations, les génisses représentent le troisième poste de dépense le plus important. Traditionnellement, et parfois encore aujourd’hui, les éleveurs les conservaient toutes, leur donnaient la moins bonne alimentation et les plaçaient dans des coins inadaptés et oubliés de l’étable. Toutefois, aujourd’hui, on comprend qu’il est essentiel de leur accorder beaucoup d’attention dès la naissance et que bien élever ces animaux est largement rentable à long terme. Pour cette raison, il n’est plus conseillé aux agriculteurs qui ne peuvent pas vendre leurs génisses comme bétail de reproduction de toutes les conserver. Il est plutôt recommandé d’inséminer les vaches laitières les moins productives avec des races à viande, et les meilleures laitières avec du sperme sexé de races laitières.

Lorsqu’on parle de génisses « oubliées », on ne peut pas ignorer l’alimentation après le sevrage. L’objectif reste le même : améliorer leur efficacité à moindre coût et avec un minimum de main-d’œuvre, sans négliger leur bien-être général. L’idée est de favoriser une croissance rapide, mais sans excès de poids. Celle-ci est cruciale, car le poids corporel est étroitement lié au début de la puberté.

Après le sevrage et au début de la puberté, un régime riche en fibres était traditionnellement proposé. On sait cependant qu’un passage trop précoce à une telle alimentation peut freiner la consommation et le développement à un moment où l’efficacité de l’alimentation solide est à son maximum. Si ce type de ration est généralement offert à volonté, dans de nombreuses exploitations c’est seulement tous les deux jours.

Une discussion existe sur la question de savoir s’il ne vaudrait pas mieux proposer des portions plus petites et plus concentrées. Cela favoriserait une croissance rapide tout en réduisant la production de fumier. Ce mode d’alimentation demande toutefois beaucoup d’attention, car il comporte un risque : une prise de poids trop rapide.

À l’inverse, certains s’interrogent sur le fait qu’une alimentation restreinte pourrait freiner le développement du rumen, ce qui pourrait ensuite nuire à la production laitière. D’un point de vue sanitaire, il n’existe pas de preuve claire permettant de trancher entre les deux méthodes.

Aujourd'hui, les veaux sont nourris avec de plus grandes quantités de lait ou même à volonté.
Aujourd'hui, les veaux sont nourris avec de plus grandes quantités de lait ou même à volonté. - B.B.

La gestion des veaux excédentaires

La gestion des veaux laitiers excédentaires soulève un débat à la fois éthique et économique. Les pratiques traditionnelles consistent souvent à transporter ces bêtes vers des exploitations spécialisées dans l’engraissement, ce qui suscite des préoccupations en matière de bien-être, en raison du stress et des problèmes de santé liés au transport ainsi qu’au mélange d’animaux de différentes origines.

Ces dernières années, de nombreuses discussions ont eu lieu concernant l’augmentation de l’âge minimum des veaux au moment de la vente, ainsi que sur les moyens d’améliorer l’immunité des nouveau-nés. Un nouveau test sanguin, qui permet de vérifier s’il a absorbé suffisamment d’anticorps issus du colostrum (niveaux d’IgG), a remporté le premier prix lors de l’événement UK Dairy-Tech 2024. Il s’agit d’un test innovant qui, à partir d’une simple goutte de sang, mesure directement la valeur d’IgG en seulement 10 minutes.

Au Royaume-Uni, les éleveurs dont les veaux présentent une bonne absorption du colostrum reçoivent des paiements plus élevés pour leurs animaux destinés à la production de viande. Ce test est particulièrement intéressant, car il permet de prédire la protection en anticorps jusqu’à l’âge de 40 jours. En temps normal, l’immunité conférée par le colostrum doit être testée entre 2 et 7 jours après la naissance.

La Commission européenne évalue actuellement avec attention les aspects importants des rapports de l’Efsa. Il est essentiel de rester attentif à d’éventuelles nouvelles modifications législatives, car celles-ci deviendront probablement le facteur principal qui influencera l’avenir de l’élevage de jeunes bovins en Europe.

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