Cultiver pommes et poires, plus qu’un travail, une passion!
Au milieu des paysages vallonnés de Bierbeek, dans le Brabant flamand, est installée Janssens Fruit, l’exploitation de Dirk Janssens et sa femme Ann Rummens. Bien que le secteur fruitier soit en proie à de graves difficultés, ils restent déterminés et passionnés par leurs cultures de pommes et poires.




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De génération en génération
C’est par le grand-père de Dirk que le virus de l’agriculture est arrivé dans la famille Janssens. Dans une petite ferme mixte, il élevait des vaches et des cochons et cultivait des céréales sur une surface limitée. Sa passion, il l’a transmise à son fils Jules, le père de Dirk. Et l’histoire a continué : Jules a repris l’exploitation paternelle jusqu’à sa pension et Dirk est à son tour arrivé sur la ferme.
Dirk raconte : « J’ai toujours eu un regard lucide sur mon avenir. Sans aucun doute, je voulais être agriculteur. Mais les cultures traditionnelles ne m’intéressaient pas… De plus, avec la petite surface dont nous disposions, les possibilités n’étaient pas nombreuses, à part élever des porcs et cultiver des chicons. Ce qui me plaisait, c’était la fruiticulture ! ». À ses 19 ans, l’agriculteur a donc planté ses premiers fruitiers. « Mon objectif était clair : transformer les champs hérités de mon père et de mon grand-père en vergers fleuris. »
Dirk a progressivement agrandi son exploitation, jusqu’à atteindre 20 ha de pommiers. Chambres froides, tracteurs et pulvérisateurs ont été progressivement achetés. Un hangar de triage a également été construit. Cultiver, trier et stocker : la famille gère l’ensemble des étapes. C’est d’ailleurs ainsi qu’est née Janssens Fruit.
« Si je pense au futur ? Je serais ravi que mon fil Jens reprenne les rênes de l’exploitation, à condition que le climat politique soit favorable au secteur. Tout comme moi à son âge, il a l’ambition qu’il faut pour réussir. » La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre !
Et soudain arriva la Pologne…
La Belgique n’est pas le seul pays
Entre pommes et poires
Faire appel aux saisonniers
Investir pour être rentable
Pour maintenir son exploitation rentable sur le long terme, Dirk n’a pas d’autres choix qu’investir. Un de ces investissements est l’achat de cinq Pluk-O-tracks. « Ces machines permettent de réduire le travail manuel durant les récoltes. » Cet achat lui a permis de réduire de 20 % le coût de la cueillette. Le Fonds flamand d’investissement agricole (Vlif) favorise les investissements durables par l’octroi de subventions.
Le coût de l’énergie est également important. Afin de maintenir en fonction les installations de triage ainsi que les chambres froides, mieux vaut disposer d’énergie bon marché. Dirk a donc fait le choix de placer des panneaux photovoltaïque. Les coûts de cette installation sont compensés par le fait qu’une partie de l’énergie ne doit pas être achetée sur le réseau. En outre, des subsides l’ont aidé à concrétiser ces achats.
Protéger les fruitiers
« Lorsque c’est possible, nous envisageons de remplacer les produits de lutte chimiques par des produits de lutte biologiques présentant la même efficacité contre les pathogènes et parasites. Nous nous efforçons d’avoir un minimum de résidus sur nos fruits, car les exigences des acheteurs sont chaque année plus sévères. Les coûts et les travaux à effectuer doivent également être équivalents », explique l’arboriculteur. Janssens Fruit s’est inscrite dans une logique de protection intégrée des cultures : produits bio si possible, mais en combinaison avec des moyens de lutte traditionnels.
La famille utilise des bourdons afin d’améliorer la pollinisation des fruitiers. Des capsules de phéromones sont également placées entre les pommiers et permettent d’éviter deux à trois traitements contre le carpocapse de la pomme. Ces capsules libèrent des phéromones sexuelles de femelles qui attirent les mâles. Confus, ceux-ci ne trouvent pas les femelles et ne se reproduisent pas. Ainsi, la population de nuisible diminue fortement.
« Passer d’une gestion intégrée au bio n’est pas possible pour notre exploitation. La surface occupée est trop importante et nous n’avons pas assez de personnel. Cultiver en bio requiert bien sûr plus de travail. En outre, la conversion s’étale sur 3 ans durant lesquels il n’est pas facile d’être productif. En bio, on produit deux fois moins de fruits et ceux-ci sont légèrement rugueux. » Un verger bio peut fonctionner, à condition de choisir des variétés adaptées et plus résistantes aux maladies fongiques telles que la tavelure et l’oïdium.
Maladies, ravageurs…
Parfois, il arrive qu’il y ait plus de ravageurs, parfois plus de maladies, notamment quand le temps est pluvieux. La tavelure peut être un problème mais rien qu’on ne sache pas contrôler par des moyens de lutte chimiques ou biologiques. Des traitements préventifs à l’aide de produits de contact sont également réalisés. Mais l’exploitation Janssens n’a pas encore été confrontée à des coûts exorbitants en matière de lutte.
… et (très) mauvais temps
Le mauvais temps est une autre source de soucis. « Nous avons eu quelques saisons difficiles en raison de dégâts de grêle. En 2013, nous avons connu une tempête de grêle sévère. Idem en 2014, à la Pentecôte. La tempête du 23 juillet dernier a touché de nombreux vergers dans la région de Saint-Trond. Cependant, de notre côté nous avons moins souffert de cet aléa climatique. »
Après ces revers, nous avons décidé, pour chaque nouvelle plantation, de protéger les fruitiers en les couvrant de filet anti-grêle. La priorité était de couvrir les pommiers, plus sensibles à la grêle que les poires Conférence. 16 ha de pommiers sont déjà protégés et l’ensemble du verger le sera dans les années qui viennent. Les plants qui ne sont pas encore couverts ont été assurés contre les dégâts de grêle. « Au mieux, les frais seront remboursés. Mais les pommes endommagées ne nous rapportent quasi rien. Elles ne sont pas acceptées sur le marché. Nous les écoulons donc dans l’industrie », explique Ann.
Pour la vente de ses fruits, Janssens Fruit est affilié jusque fin mars à la criée Haspengouw. Celle-ci s’est néanmoins placée sous la loi sur la Continuité des entreprises afin de se protéger de ses créanciers. « Nous attendons de voir quel sera le résultat de cette procédure et ensuite nous verrons comment réagir », commente Dirk qui livre aussi directement à quelques grossistes.
Arboriculteurs sous pression
L’embargo alimentaire décrété par la Russie sera en vigueur au moins jusque fin 2017, ce qui n’est pas sans conséquence. Joke Schauvliege, la ministre flamande de l’Agriculture, discute donc d’une possible indemnisation avec les syndicats. « Espérons que ce ne soit pas que des paroles ! Nous avons réellement besoin d’action. Une alternative serait que les relations commerciales entre l’Europe et la Russie reviennent à la normale. »
Outre l’embargo russe, il y a également le problème du Brexit. Le Royaume-Uni est le deuxième plus grand marché pour les poires belges et la sortie du pays de l’Europe pourrait être une menace. « Les poires seront plus chères pour les consommateurs anglais qui, en réaction, risquent de réduire leur consommation. Quelles seront les conséquences de ce Brexit ? Nous ne le savons pas encore et nous attendons », explique Dirk.
Mais soutenus par leurs pairs
« L’embargo russe et le Brexit sont d’importants sujets de conversation pour les arboriculteurs. Nous nous soutenons l’un l’autre et cherchons des solutions pour maintenir nos exploitations à flot. Mais nous ne nous limitons pas à chercher comment augmenter nos profits. Nous réfléchissons également à l’achat de nouveaux matériels et aux possibilités d’investir à faible coût. Les gens ne se rendent pas compte que planter une nouvelle variété de pommes ou de poires n’est pas si facile. Lorsque nous plantons un arbre, nous attendons trois ans, pour les pommes, ou six ans, pour les poires, avant de tirer les fruits de notre travail. Littéralement ! Pendant ce temps, il faut également entretenir l’arbre, ce qui a un coût. Mais, c’est vrai, peut-être devrions-nous diversifier les espèces destinées à l’export. Nous pensons par exemple à Red Prince Select pour les pommes et éventuellement à Migo du côté des poires. »
Mais heureusement, tout n’est pas négatif. « Nous aimons notre travail et nous ne sommes pas près de l’abandonner. Nous nous soutenons mutuellement et espérons que notre voix sera entendue ! »