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La ferme du Planois à Hennuyères: ferme d’accueil social depuis toujours

À Hennuyères, près de Braine-le-Comte, Françoise et Philippe Lemercier-Lecocq sont impliqués dans l’accueil social à la ferme depuis de nombreuses années. Lors de la présentation du mémorandum du même nom, Françoise nous parle de son expérience.

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Le mémorandum pour le développement de l’accueil social à la ferme en Wallonie explique entre autres : « L’accueil social à la ferme s’adresse à une diversité de publics dit « fragilisés » qui peuvent y trouver une solution alternative non-institutionnelle, non-médicalisée et moins coûteuse que les possibilités auxquelles ils ont généralement accès. C’est aussi une nouvelle opportunité de diversification pour le secteur agricole en collaboration avec les secteurs social et de la santé. Les racines de cette activité sont profondes en Wallonie. L’accueil à la ferme a toujours existé mais de manière plus informelle ».

C’est bien le cas chez Françoise et Philippe Lemercier qui, en plus de leurs activités pédagogiques, ouvrent également les portes de leur ferme à des personnes fragilisées depuis de nombreuses années. « Nous étions une ferme sociale sans le savoir », dit Françoise, « Nous travaillons avec divers organismes et accueillons différents publics depuis toujours. Cela fait par exemple 8 ans qu’une jeune fille souffrant d’un léger handicap mental nous aide bénévolement au sein de l’exploitation, et ce plusieurs jours par semaine. Elle s’occupe des animaux, effectue des petites tâches à nos côtés. Elle fait tout cela à son rythme, on connaît ses limites et on les respecte. On n’attend pas d’elle un travail précis, si elle n’est pas là, cela n’a pas de conséquences sur l’organisation de la journée. Elle fait des petits travaux qui lui font du bien et qui nous font du bien ».

En collaboration avec l’ASBL « Nos oignons », la ferme du Planois accueille également une seconde personne une fois par semaine. Dans le cadre de la mesure 16.9 du PwDR, la ferme propose aussi un accueil à des personnes provenant du CPAS de Soignies. Il lui arrive également d’accueillir des jeunes en décrochage scolaire ou devant effectuer des heures de travail d’intérêt général.

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« Elle fait des petits travaux qui lui font du bien et qui nous font du bien. »

Chaque accueil est différent

« L’accueil social à la ferme peut être occasionnel ou régulier, de courte ou de longue durée, individuel ou collectif, avec ou sans hébergement. Dans la pratique, la personne fragilisée participe à la vie et aux activités quotidiennes de l’accueillant par le biais de tâches simples. Il n’y a pas d’objectifs de formation ou d’insertion socio-professionnelle, mais bien une finalité de bien-être et d’inclusion sociale », précise encore le mémorandum.

Chez Philippe et Françoise, les accueillis sont présents depuis un certain temps… ou pas. « Certains ont besoin de s’inscrire dans une longue durée et sont réglés comme des horloges. D’autres ne font que passer, ils écourtent leur séjour à cause du trajet, pour des raisons de santé ou familiales. Il est ensuite plus compliqué pour eux de revenir. Chaque personne est différente, on ne peut pas prévoir comment ça va se passer. Parfois, on a un mauvais ou bon a priori et c’est tout le contraire qui se passe. Il faut juste essayer d’entendre les attentes et d’y répondre mais, ce n’est pas toujours possible. Pour l’agriculteur non préparer, une conclusion de ce type n’est pas toujours facile à vivre et peut être vécue comme un échec », dit Françoise.

Au début de l’accueil, il y a toujours une période d’adaptation. Les responsables de projet accompagnent les accueillis quelques jours au sein de la ferme. « L’accueil exprime parfois plus facilement son ressenti auprès des responsables et on peut alors ajuster notre manière de fonctionner si cela est nécessaire. Mais, on reste des humains, il est toujours possible que ça ne marche pas ».

Diverses activités sont proposées aux accueillis et ils sont libres de les réaliser et de s’organiser selon leurs besoins et envies. « On leur assigne des tâches ou ils nous suivent dans notre travail quotidien mais, ils ne sont jamais largués seuls dans la ferme. Ce ne sont pas des travailleurs, ce sont des personnes qui ont besoin d’un lien social. Tout dépend aussi du contrat verbal de départ. On a besoin de connaître leurs attentes et leurs préférences. Certains souhaitent être en contact avec les animaux, préfèrent voir du monde. Pour d’autres, le défi, c’est de se lever tôt. Il arrive aussi que des personnes aient besoin de plus de cadre ou au contraire qu’on leur laisse un peu de responsabilités… En fonction de tout cela, je leur donne la possibilité de travailler en fromagerie avec moi, de nourrir les chevreaux, nettoyer les boxes des brebis et des chèvres, faire des balades avec les ânes, cueillir des fruits au verger, faire des travaux de réparation avec mon mari… Ils sont inclus dans la vie de la ferme. On leur propose ce qu’on a et ils prennent ou pas », explique Françoise.

En pleine saison, la ferme du Planois trait entre 30 et 40 chèvres et  une trentaine de brebis. Les 17 ha de l’exploitation familiale sont dédiés  à l’alimentation des animaux. Elle ouvre également régulièrement ses portes aux enfants en tant que ferme pédagogique et propose ses produits  dans son magasin à la ferme.
En pleine saison, la ferme du Planois trait entre 30 et 40 chèvres et une trentaine de brebis. Les 17 ha de l’exploitation familiale sont dédiés à l’alimentation des animaux. Elle ouvre également régulièrement ses portes aux enfants en tant que ferme pédagogique et propose ses produits dans son magasin à la ferme. - DJ

Agricultrice, pas assistante sociale

Françoise est assistante sociale de formation. « Mon investissement dans l’accueil, c’est un peu une manière de continuer ce job. Lorsqu’on a côtoyé des problèmes pendant des années, on se dit qu’ils n’ont pas disparu parce qu’on a changé de métier ».

Lors de l’accueil, elle reste néanmoins « l’agricultrice » : « Malgré ma formation, je ne suis pas là pour régler leurs problèmes. Ce n’est pas l’endroit pour ça. Si une personne ne va pas bien, je l’écoute mais je ne m’apitoie pas sur son sort. Je lui conseille de prendre ce qui est bon à prendre ici et pour le reste, je la redirige vers les personnes compétentes ».

«Chez nous, c’est la même chose pour les hommes et les animaux.  Chacun prend ce qu’il a besoin, il n’y a pas de règles», dit Françoise.
«Chez nous, c’est la même chose pour les hommes et les animaux. Chacun prend ce qu’il a besoin, il n’y a pas de règles», dit Françoise. - DJ

Une démarche qui peut faire peur

Dans le cadre de la mesure 16.9, l’accueillant reçoit une compensation financière par journée ou demi-journée d’accueil. « C’est un petit plus et ça met du beurre dans les épinards. Certains agriculteurs ont besoin de ça pour se lancer », dit Françoise.

Elle insiste également sur le temps que demande cette activité : « Il ne faut pas sous-estimer la disponibilité que demande l’accueil social. On prend le temps avec les personnes accueillies. On est plus lent, on explique, on va à leur rythme… Je ne pourrais pas faire ça tous les jours. Après un certain délai, une dynamique se met en place et on s’organise en fonction mais les débuts sont plus compliqués. Je ne souhaite pas non plus accueillir plus d’une personne par jour car les accueillis ont besoin d’être individualisés et valorisés ».

« L’accueil social est une forme d’échange, ça apporte autre chose mais, pas toujours ce qu’on le pensait au début. »

Elle affirme aussi : « On ne peut pas demander à tous les agriculteurs de penser et de faire comme moi. L’accueil social, c’est l’inconnu et ça peut faire peur. Pour certains, ça peut être compliqué de consacrer du temps à quelqu’un d’autre alors qu’ils sont en général assez individualistes. Pour d’autres, ça peut par contre être une manière de rompre leur solitude. L’accueil social est une forme d’échange, ça apporte autre chose mais, pas toujours ce qu’on le pensait au début ».

Et de conclure : « L’accueil social est pour nous une manière d’apporter notre pierre à l’édifice. On vit dans un magnifique endroit et c’est on veut partager cette chance avec la société. Cela nous apporte aussi plein de choses. Des gens de passage pour trois jours prennent parfois tellement de place qu’on en parle encore des années après. Chez nous, chacun prend finalement ce qu’il a besoin, il n’y a pas de règles ».

Propos recueillis par DJ

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