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Secteur porcin: qualité et prix ont une nouvelle vie en Allemagne

« Dans le secteur de l’abattage, l’on assiste à une renaissance de la qualité, qui s’accompagne d’une augmentation des prix », a expliqué le baron allemand de la viande, Clemens Tönnies, lors d’une conférence à EuroTier. Mais les défis restent nombreux. Au secteur d’en prendre acte pour se défendre au mieux !

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C lemens Tönnies n’est pas n’importe qui ! Il est non seulement propriétaire principal mais également CEO du géant de la viande du même nom. Depuis sa création (1971), le producteur de viande de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a connu une forte croissance. Aujourd’hui, 8.000 personnes travaillent pour l’entreprise. Le siège social s’étend sur 18 ha et l’entreprise produit 1,7 million de tonnes de « production » annuelle de porc et de bœuf, de produits de commodité, de sous-produits d’abattage et de logistique.

Consommateur vs citoyen

Les parents Tönnies avaient une boucherie dans les années 1950 où ils abattaient sept porcs par semaine. C’est à cette époque que les supermarchés sont apparus », se souvient Clemens.

À partir des années 60, le prix devait toujours être de moins en moins élevé. Après tout, la viande était l’aimant qui attirait le consommateur dans le magasin. « Si le citoyen estime que la viande doit être plus chère et que les animaux doivent être mieux gardés, le client, lui ne regarde que les prix. À nous de briser ce cercle vicieux pour permettre à la chaîne de devenir durable, a averti Clemens Tönnies.

Mais Tönnies n’est pas fataliste. Il voit même une renaissance de la qualité. « Nous assistons à une reprise de la qualité et du prix. Nous avons un nouveau procédé de refroidissement qui influence positivement la tendreté de la viande. Il rend la viande plus juteuse et donne une belle couleur foncée. Nous constatons que les prix augmentent et que les clients sont prêts à mettre le prix. »

Un discours qui est encore éloigné des prix pratiqués chez nous. On peut dès lors comprendre l’amertume de nos éleveurs. D’autant qu’une partie de cette explication vient de la pression exercée sur les prix par l’Allemagne.

Mais pour les Allemands, nombreux sont les « défis » à relever. Et ils sont sans aucun doute familiers à nos éleveurs de porcs. C’est ainsi que la politique allemande veut en terminer cette année avec la castration chirurgicale non anesthésiée pour les porcelets.

S’autoévaluer

Tout comme pour notre pays, la traçabilité est un point brûlant pour Tönnies. Son entreprise relie les données d’abattage à celles de l’éleveur. De cette façon, ce dernier peut se situer par rapport à son travail et à celui de ses collègues. « L’abattoir peut savoir quel animal provient de quel abattoir et de quel élevage. Notre propre laboratoire vérifie la sécurité des produits. L’exportation vers l’Extrême-Orient se fait par conteneurs. À ce niveau également, on sait encore quelle viande se retrouve dans quel conteneur. ce dernier est ensuite scellé et envoyé au port par rail. »

L’exportation nécessaire

Ce qui vaut pour notre pays vaut également pour l’Allemagne : les exportations sont absolument nécessaires. D’autant que la consommation intérieure est en baisse. En Allemagne, la consommation totale de viande par habitant est passée de 62.8 kilos en 2011 à 59.2 kilos. Le grand perdant ? La consommation de viande de porc, avec une diminution de cinq kilos sur sept ans (de 40,1 kg/tête/an à 35 kg/tête/an). A contrario, durant cette période, la consommation de poulet et de bœuf/veau a légèrement augmenté. « Nous ne perdons donc pas de la consommation à cause des alternatives végétariennes, mais aussi à cause d’autres viandes comme le poulet. »

Le nombre d’abattages dans les abattoirs allemands a stagné après une forte croissance jusqu’en 2011 (59,7 millions d’abattages) et a même quelque peu diminué jusqu’à cette année (57,3 millions de porcs abattus prévus). Cette année, Tönnies en aura pris 17 millions à sa charge.

Tönnies voit toujours un marché de la viande porcine en croissance, mais en dehors de l’Europe. Il existe toujours une forte demande de porc au Vietnam, en Afrique, au Brésil, en Australie et aux États-Unis. Le marché mondial veut encore plus de porc, et c’est à ce marché que nous devons nous adresser », poursuit l’orateur.

L’Espagne, le pays du porc

D’où devraient venir ces porcs ? En Europe, le leader de la production n’est autre que l’Espagne (30,1 millions de porcs) qui devance l’Allemagne (27,6 millions).

Par ailleurs, le nombre de sites porcins croît plus rapidement en Espagne qu’en Allemagne, où la croissance en 2017 était inférieure à 1 %. Le duo est suivi de loin par quatre pays (France, Danemark, Pays-Bas, Pologne). Viennent ensuite l’Italie et la Belgique (6,1 millions d’abattages).

Dans un avenir proche le PDG du groupe voit la Pologne devenir plus importante, de même que la Roumanie et l’Espagne, son concurrent. Mais Tönnies n’a pas peur. « Nous devrions prendre l’industrie automobile allemande comme exemple. Il y a trente ans, on disait que tout le monde allait conduire des voitures japonaises et coréennes. Mais les constructeurs automobiles allemands ont assuré leur avenir avec les normes de qualité les plus élevées. Nous devons prendre cela comme exemple et relever ensemble le défi. La viande n’a jamais été aussi sûre et de haute qualité. Elle est savoureuse, a une bonne valeur nutritive et fait partie d’une alimentation saine. »

A l’écoute de la société

Des thèmes tels que le véganisme et la castration des porcelets sont autant polémiques en Allemagne que chez nous. Et si Clemens Tönnies n’apprécie pas le goût des alternatives à la viande, il estime que le secteur porcin doit pouvoir entendre les critiques de la société. « Pour autant que cette dernière continue à nous accepter en tant que secteur, il ne peut rien nous arriver. Le secteur doit cependant apporter une réponse aux questions parfois justifiées sur la castration et le logement des porcelets. L’environnement, la politique en matière de matières premières et la manipulation du personnel sont autant de sujets auxquels le secteur doit pouvoir répondre de manière responsable. »

Et la peste porcine africaine ?

L’homme de Tönnies voit une menace majeure dans l’arrivée de la peste porcine africaine (PPA). Plus précisément, il met le secteur en garde contre les accords commerciaux dans lesquels aucune distinction n’est faite entre les animaux touchés : porcs d’étable et sangliers sauvages. « Nous devons vraiment être capables de faire cette distinction ; nous essayons de sensibiliser tout le monde et nous y travaillons avec le commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan. Nous voulons que cette distinction soit faite, et nous voulons le faire avant que la peste porcine africaine n’entre en Allemagne. Car elle passera nos frontières ! », assure-t-il.

Les fermes familiales

Enfin, le dirigeant plaide en faveur du monde rural. « Nous avons un secteur porcin très performant, loin de l’élevage industriel. Nous croyons à l’importance des exploitations familiales car elles en sont les meilleures représentantes. Nous rappelons aux politiciens à ne pas oublier le secteur primaire ! Un agriculteur ou un représentant de notre modèle agricole se doit d’accompagner chaque mission économique. Au vu du poids de notre industrie alimentaire (1 million d’emplois), nous devrions être plus chauvins. »

D’après IDC

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