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En mai, vote pour qui te plaît

En avril, les jours défilent ; en mai, on ne va pas chômer, et particulièrement les politiciens ! Les mauvaises langues affirment que les parlementaires ne travaillent que durant un mois tous les cinq ans. C’est le moment, c’est l’instant de faire le beau ! Les élections régionales, fédérales et européennes sont en effet programmées pour le 26 de ce mois. À Neufchâteau, on va même revoter pour les communales, le 16 juin : ils adorent jouer du gros crayon rouge, ces Chestrolais ! Quant à nous, électeurs lambda, il va falloir faire son choix entre des candidats de tous bords, lesquels vont s’efforcer de nous séduire, de nous surprendre, de nous convaincre…

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En avril, les jours défilent ; en mai, on ne va pas chômer, et particulièrement les politiciens ! Les mauvaises langues affirment que les parlementaires ne travaillent que durant un mois tous les cinq ans. C’est le moment, c’est l’instant de faire le beau ! Les élections régionales, fédérales et européennes sont en effet programmées pour le 26 de ce mois. À Neufchâteau, on va même revoter pour les communales, le 16 juin : ils adorent jouer du gros crayon rouge, ces Chestrolais ! Quant à nous, électeurs lambda, il va falloir faire son choix entre des candidats de tous bords, lesquels vont s’efforcer de nous séduire, de nous surprendre, de nous convaincre…

Wallonie, Belgique, Europe : trois niveaux à élire, c’est tout de même beaucoup en une fois ! Le pouvoir politique est aujourd’hui éclaté, morcelé, dispersé, de quoi désorienter le plus fervent des citoyens. Ainsi, notre Agriculture belge possède trois ministres rien que pour elle, et dépend encore d’autres départements, comme la Santé et l’Environnement. Impossible d’influencer une nomination particulière, en ce qui nous concerne ! En Wallonie, de législature en législature, nous avons invariablement droit à un ministre CDH (ex-PSC) : on se demande bien pourquoi ? L’agriculture n’intéresse peut-être pas les autres partis ?

Vous voyez un ministre PS ou PTB de l’agriculture ? Ce serait drôle ; ils voteraient une réforme agraire, installeraient des kolkhozes ou des kibboutz avec plans quinquennaux. Un ministre MR ou Écolo ? Le premier laisserait la bride sur le cou à la spéculation et à la concurrence sauvage ; le second interdirait aux vaches de ventiler par-devant et par-derrière, supprimerait l’emploi de pesticides et rendrait l’agriculture biologique obligatoire. On ne sait jamais, si notre « gentil » petit CDH, comme annoncé, subit dans trois semaines une dégelée digne d’Anderlecht en play-off 1, il sera relégué sur le banc le temps d’une législature, et qui le remplacera aux commandes de l’agriculture wallonne ?

En réalité, personne ne peut prévoir de quoi demain sera fait. Bien voter est pratiquement impossible, car les messages de gauche et de droite, du centre et des extrêmes, se ressemblent un peu les uns les autres, et les différents thèmes sont abordés en employant des formules éculées, des idées toutes faites. En principe, les gens de droite prônent le libéralisme, et favorisent l’ordre spontané : il faut laisser faire les plus malins, les plus forts, les plus compétitifs ; cela favorise la croissance et « tout le monde » (surtout les riches) en tire profit (sauf les pauvres de plus en plus pauvres). C’est ce qu’ils prétendent en tout cas, et leur doctrine a le vent en poupe en Europe, les agriculteurs écrasés sont là pour en témoigner. Les gens de gauche, quant à eux, prône le partage des richesses et veulent organiser un ordre rationnel, planifié, optimalisé, normalisé, avec en point de mire la création d’une société égalitaire.

Gauche et droite me donnent froid dans le dos ; le centre ne vaut guère mieux, car il mange aux deux râteliers et zigzague d’une alliance à l’autre sans vergogne. Alors, qui choisir ? Ne vaudrait-il pas mieux créer soi-même son parti, se lancer en politique, au lieu de se lamenter et de critiquer les gens en place ? En réalité, entrer en politique n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît ! Imaginons le cas de figure. Vous avez envie de changer le monde : vous avez des idées, un cœur gros comme ça, et de nombreux amis qui vous soutiennent.

Première idée : créer son propre parti, le PP (Parti Paysan), Pépé pour les intimes. Comment s’y prendre ? Pépé devra recruter des adhérents, leur expliquer sa doctrine, sa stratégie, se doter de moyens de communication capables de faire entendre sa voix face aux grosses machines de guerre mises en place par les autres partis. Le challenge est épuisant et quasiment impossible à relever. Pépé se fatiguera à courir partout, et Mémé, excédée de se taper tout le boulot à la ferme, mettra très vite le holà !

Deuxième idée, davantage réalisable : et si votre Pépé rejoignait un parti existant ? Celui-ci, géré par une poignée d’oligarques, va vous juger selon des critères bien précis. Ils vous engageront sur leur liste électorale si vous êtes capable d’attraper pour eux des suffrages, beaucoup de suffrages. Si vous êtes trop futé ou trop populaire à leur gré, susceptible de les dépasser et devenir un jour calife à la place du calife, vous serez impitoyablement placé en fond de liste, ou assigné à des tâches subalternes. Les oligarques piqueront vos idées sans aucun complexe, les utiliseront à leur profit ou les rangeront au fond d’un tiroir. L’idéal est d’être « fils ou fille de », nièce ou neveu, copain-copine, cousin-cousine. Là, votre avenir est tout tracé, et vous gravirez les échelons du pouvoir à vitesse grand V.

Dans un autre cas de figure, si un grand ponte du parti fait de vous son poulain (ou sa pouliche), pour l’une ou l’autre raison, vous avez également toutes vos chances d’aboutir. Mais vous perdrez rapidement votre innocence et vos bons principes. Le monde politique n’est pas peuplé de Bisounours. La loi du plus fort y règne en maître, et les coups fourrés entre potes sont monnaie courante. Il faut savoir mentir en toute sincérité, promettre sans jamais s’engager, affirmer une chose un jour et son contraire le lendemain. Il faut être sacrément fort mentalement, disposer d’une tournure d’esprit particulière, généreusement égoïste, séductrice et manipulatrice, sans peur et sans remords.

Notre « démocratie parlementaire » est en réalité une particratie, où quelques partis politiques dirigent le pays, bien installés dans le pouvoir politique comme des souris dans un sac de froment, des rats dans un fromage, des tiquets dans une toison de mouton. Une poignée d’hommes et de femmes forment une oligarchie toute-puissante et nous proposent des candidats inféodés à leurs intérêts. Entrer dans leur cercle restreint relève du miracle. Nous devons choisir parmi ceux-là, toujours les mêmes, et vogue la galère… En mai, votez donc pour qui vous plaît, ne faites pas trop les difficiles !

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Voix de la terre Il n’aura fallu que cinq jours ! Lundi matin, l’énorme vieille ferme dressait encore ses murs orgueilleux au milieu du village, défiant le temps et les saisons depuis trois cents ans. Vendredi soir, elle n’était plus là, tout simplement ! Disparue, envolée, comme si elle n’avait jamais existé. Un bulldozer, deux pelleteuses, ainsi qu’une noria de très gros tracteurs attelés de bennes, ont tout rasé et enlevé en quelques dizaines d’heures. Sur le terre-plein ainsi dégagé, sera bientôt construit un complexe de vingt appartements. L’un après l’autre, les derniers témoins de la vie agricole d’autrefois disparaissent des paysages intérieurs de nos localités.
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