Accueil Cultures

Face à une urgence, comment sont délivrées les autorisations «120jours»?

Certaines menaces phytosanitaires ne peuvent être maîtrisées à l’aide des produits de protection des plantes disponibles sur le marché belge. Face à cette situation, le Comité d’agréation des pesticides à usage agricole peut autoriser l’usage temporaire de tout autre produit répondant à la problématique rencontrée. Toutefois, cela se fait dans le respect de conditions strictes.

Temps de lecture : 7 min

En vertu de l’article 53 du Règlement européen 1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, tout État membre de l’Union européenne a la possibilité d’autoriser, dans des circonstances particulières, l’utilisation temporaire sur son territoire d’un produit de protection des plantes qui ne serait pas agréé. Cette autorisation ne peut être délivrée que pour une période maximale de 120 jours, afin de lutter contre une maladie, un ennemi ou une adventice qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables.

« L’article 53 nous permet de déroger aux procédures classiques, mais nous devons démontrer le caractère exceptionnel de la situation. En outre, l’usage du produit temporairement autorisé doit être limité et contrôlé », explique Jérémy Denis, gestionnaire de dossiers de demandes d’autorisation en circonstances urgentes au Service produits phytopharmaceutiques et engrais (SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement).

À la demande des producteurs

Le règlement ne spécifie pas quel produit peut bénéficier d’une autorisation temporaire. En théorie, toute solution permettant de mettre un terme à la menace peut donc être acceptée, même si elle a été retirée du marché ou si son évaluation classique de mise sur le marché n’est pas terminée. « En pratique, nous demandons néanmoins que le produit soit évaluable en matière d’efficacité, de toxicité, d’écotoxicologie… La substance active doit donc disposer d’un DAR (Draft assessment report – rapport d’évaluation provisoire). »

Le règlement ne précise pas non plus avec exactitude qui peut demander une autorisation d’urgence. Il peut s’agir d’un secteur (producteur seul ou en association, centre d’essais ou de recherches…) ou d’une entreprise phytopharmaceutique, à condition que sa démarche soit introduite avec le soutien d’un secteur. Dans un cas comme dans l’autre, la problématique doit donc être rencontrée par des agriculteurs.

« Une fois la demande réceptionnée par nos services, elle est examinée par le premier Comité d’agréation qui suit, soit dans un délai d’un mois maximum. » L’autorisation est accordée dans les deux semaines qui suivent la réunion du Comité. Si la situation est à ce point critique que la décision doit être prise plus rapidement, les membres du Comité ont la possibilité d’opter pour une procédure écrite (échanges de mails). L’autorisation est alors délivrée, ou non, dans un délai plus court.

Comment introduire une demande ?

Toute demande doit être introduite auprès du Service produits phytopharmaceutiques et engrais, via le formulaire ad hoc (disponible sur Phytoweb, www.phytoweb.be). Une deuxième soumission doit être faite simultanément auprès de l’Europe, via la plateforme Pppams (Plant protection products application management system – système de gestion des produits de protection des plantes).

Plusieurs points doivent être abordés par le demandeur : description de la problématique, présentation du produit concerné (nom, substance active, type de formulation…), période demandée pour l’autorisation, usages demandés, études, argumentaires… « Nous avons besoins de ces informations pour comprendre aux mieux le pourquoi de cette demande et prendre la bonne décision », explique M. Denis.

La description de la problématique constitue un des volets les plus importants de la demande. Elle doit intégrer une description de l’ennemi rencontré et du danger qu’il présente. De même, l’importance de la situation doit être précisée (surface concernée, impact économique…). « Aucune autorisation ne sera octroyée si les pertes économiques sont nulles. »

Deux autorisations «
120
jours
» ont été octroyées dans le cadre des semis de betteraves
; la première pour le traitement de semences, la seconde pour le semis de semences traitées.
Deux autorisations « 120 jours » ont été octroyées dans le cadre des semis de betteraves ; la première pour le traitement de semences, la seconde pour le semis de semences traitées. - DJ

Le demandeur doit prouver que les moyens de lutte présents sur le marché ne permettent pas de s’affranchir de la menace. « C’est par exemple le cas lorsqu’un insecticide ne peut être appliqué que deux fois par saison, alors que le nuisible réalise sept cycles sur cette même période. »

L’autorisation d’urgence doit répondre à une problématique ponctuelle. Elle ne peut en aucun cas être octroyée systématiquement d’année en année. « Des solutions à long terme doivent être trouvées. Cela passe par la mise en œuvre des actions nécessaires pour obtenir une autorisation normale, lorsque c’est possible et s’avère nécessaire. Cette solution se présente notamment pour les produits déjà sur le marché mais qui pourraient bénéficier d’une extension de leur autorisation. Mener des activités de recherches est aussi primordial, pour trouver une alternative durable. »

Une description détaillée de la procédure est disponible sur Phytoweb (onglet « Produits phytopharmaceutiques », section « Procédure d’autorisation »). Les substances actives nécessitant une évaluation supplémentaire, comme les néonicotinoïdes, y sont également listées.

S’assurer de la pertinence et de l’absence d’alternative

Dès réception de la demande, le SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement débute une vérification administrative du dossier. Est-il complet ? La demande a-t-elle été introduite simultanément auprès de l’Europe ? Si la demande émane d’une entreprise, bénéficie-t-elle du soutien d’un secteur agricole ? « Nous vérifions particulièrement l’existence, ou non, d’alternatives. Nous nous assurons également que des mesures sont prises en vue d’éviter la répétition de la demande d’urgence. »

Les Régions interviennent aussi. Elles doivent confirmer la pertinence du problème et indiquer si le produit sollicité permettra d’y répondre. Si la demande n’est pas pertinente, elle sera refusée. Le SPF doit aussi s’assurer que d’autres schémas de protection ne sont pas plus adéquats.

Le Service produits phytopharmaceutiques et engrais s’attarde ensuite sur les caractéristiques « classiques » du produit (physico-chimie, toxicologie, résidus, comportement dans l’environnement, écotoxicologie et efficacité).

Enfin, la demande est soumise au Comité d’agréation. Ses membres remettront un avis positif ou négatif, sur base du contexte, du besoin et des évaluations réalisées. Si l’autorisation est octroyée, une notification est envoyée à l’Europe et un communiqué transmis à la presse. L’information est aussi diffusée sur internet, via Phytoweb.

Les néonicotinoïdes, une autorisation parmi d’autres

Parmi les produits et substances actives récemment autorisés pour une période d’utilisation de 120 jours, on peut citer l’herbicide asulam (dans les produits Asulox, Asulam 400 SL, Asultran et IT Asulam) pour un usage contre les dicotylées annuelles en céleri-rave, céleri (à côtes, blanc et vert), épinard, fenouil, persil et culture de racines de witloof.

La phéromone (Z)-11-hexadecenal (matière active du Box T Pro Press) a été autorisée pour l’usage contre les chenilles défoliatrices en buis. Le cyantraniliprole (matière active du Verimark 20SC) a, quant à lui, été autorisé pour l’usage contre la mouche du chou en chou de Bruxelles, chou brocoli, chou-fleur et choux pommés, mais aussi contre Tuta absoluta (mouche mineuse) en tomates.

Suite à leur interdiction au niveau européen, les néonicotinoïdes ont également été concernés, cette année, par la procédure « 120 jours ». « Deux autorisations ont dû être délivrées », explique Jérémy Denis. « La première pour le traitement de semences, la seconde pour le semis de semences traitées. »

Afin d’assurer les futures récoltes, le semis de semences de carottes traitées 
contre la mouche de la carotte a été autorisé durant 120
jours.
Afin d’assurer les futures récoltes, le semis de semences de carottes traitées contre la mouche de la carotte a été autorisé durant 120 jours. - M. de N.

Ont ainsi été accordées les autorisations en semis de : semences de carottes contre la mouche de la carotte ; semences de laitue, d’endives, de radicchio rosso, de pain de sucre contre les pucerons ; semences de betteraves sucrières contre les taupins, blaniules, scutigérelles, altises de la betterave, atomaires, mouche de la betterave et pucerons. Et s’ajoute à cela l’autorisation accordée pour les traitements de semences de betteraves sucrières

« Le semis de semences traitées ne peut être effectué que par des producteurs qui peuvent démontrer qu’ils appliquent les principes de la lutte intégrée. » En outre, l’autorisation précise la liste des cultures pouvant être semées/plantées dans les deux ans suivant une culture dont les semences ont été traitées aux néonicotinoïdes, ainsi que la liste des cultures pouvant être semées/plantées à partir de la troisième année. « Le but est d’implanter des espèces non attrayantes pour les abeilles les deux premières années, et moins attrayantes les trois années qui suivent, en vue de préserver les pollinisateurs. »

J.V.

A lire aussi en Cultures

Pois protéagineux, féverole et lupin: quel potentiel en Région wallonne?

Protéagineux Depuis de nombreuses années, des essais sont réalisés en pois protéagineux, à la Ferme expérimentale de Gembloux Agro-Bio Tech. Longtemps connue pour ses variétés de printemps, cette culture fait l’objet d’une sélection génétique européenne dynamique, notamment en variétés de pois protéagineux d’hiver. La féverole revient dans les essais depuis peu, suite au renouvellement variétal aussi bien en féverole de printemps que d’hiver.
Voir plus d'articles