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Projet Protecow: optimiser la productivité tout en maîtrisant ses coûts alimentaires

Dans le Cadre du projet Interreg Protecow, le Cra-w a organisé une visite du Gaec des Monts des Flandres, une exploitation en polyculture-élevage à Noordpeene (Fr). Organisés autour de deux robots de traite en système dirigé, les deux éleveurs s’attellent à optimiser l’utilisation des concentrés et de la productivité de ses laitières. Rencontre avec Marie et Cédric Wyart.

Temps de lecture : 10 min

C’est en 2002 que Cédric s’installe en société avec son beau-père. À cette époque, le site n’est pas prévu pour accueillir du bétail. « On a repris une petite exploitation voisine qui disposait d’un quota laitier de 100.000 l. Il fallait choisir de continuer ou d’arrêter la production », explique l’éleveur.

Un éleveur sur le tard

Bien que n’ayant jamais été éleveur, Cédric se sent motivé, d’où la construction d’une étable. S’il fait construire la toiture, le reste est bâti en auto construction. Les deux associés veulent la structure très simple avec une aire paillée derrière le cornadis et une salle de traite pour démarrer.

Progressivement, l’éleveur accroît son volume de production mais est très vite bloqué par les quotas. Jusqu’en 2010, il stagne à 180.000 l mais c’est sans compter la reprise d’une exploitation extérieure qui lui permet d’augmenter son volume de 140.000 l, soit un total de 320.000 l

Deux ans plus tard, son beau-père prend sa retraite. Un départ qui coïncide avec l’arrivée sur l’exploitation de son épouse, Marie, avec un quota supplémentaire, à savoir 130.000 l. La particularité avec leur laiterie ? Ils peuvent vendre une partie de leur production à l’extérieur. Ils ont donc rapidement souscrit un contrat à la SAS Hauts de France pour livrer à Milcobel.

L’étable devient alors trop petite. Les associés décident de doubler la profondeur de l’étable et optent pour davantage de conforts en supprimant la stabulation au profit de logettes équipées de matelas auxquelles ils ajoutent de la paille.

En 2013, ils investissent dans leur 1er robot. Le deuxième arrivera en 2016

Ils ont alors 110 vaches. Leur objectif est de produire du lait de façon économique.

Bien que la production laitière se soit intensifiée de façon plutôt lente, l’exploitation a dû, dès le début, se diversifier dans les cultures pour avoir aujourd’hui : 30 ha de pommes de terre, 5 ha d’oignons, 7 ha de choux-fleurs, 37 ha de maïs (ensilage), 12 ha prairies, 7 ha Ray-grass et 30 ha de céréales.

Vient ensuite se greffer un atelier de volaille qui accueille 41.000 poulets par an.

Aujourd’hui, ils produisent 980.000 l de lait à partir de 95 laitières.

Simple, confortable et efficace

« Nous sommes dans un système relativement simple car l’agrandissement s’est fait en différentes étapes. L’objectif a toujours été de s’adapter à l’existant en étant le plus fonctionnel possible. Aujourd’hui l’étable nous satisfait, bien qu’il y ait encore quelques points à améliorer. On évolue doucement, on atteint progressivement notre vitesse de croisière.»

Au niveau de la main-d’œuvre, Cédric et son épouse ont embauché un salarié à temps plein.

Si le travail se décompose en tâches bien définies, tout le monde doit pouvoir remplacer tout le monde en cas de problème.

Cédric Wyart n’était pas éleveur quand il a décidé de reprendre un quota laitier à côté des cultures. Un choix surprenant mais qui a fini par payer.
Cédric Wyart n’était pas éleveur quand il a décidé de reprendre un quota laitier à côté des cultures. Un choix surprenant mais qui a fini par payer. - P-Y L.

Une alimentation au départ sans herbe

Pour l’alimentation de ses laitières, Cédric a très vite opté pour un système très simple à base de maïs en plat unique. « Nous nous sommes rapidement rendu compte que ce schéma ne nous convenait pas. Nous avions du lait, mais pas de taux ! En outre la ration était gourmande en concentrés. »

Il cherche donc des solutions à travers la marge brute et active différents leviers pour améliorer les résultats.

Une sucrerie n’étant pas très loin, ils se tournent vers la pulpe surpressée. Mais cela ne s’avère pas suffisant pour tenir les taux de matière grasse car la ration manque de fibrosité.

Pour remédier à ce problème, ils se tournent vers la paille broyée (difficilement mélangeable), ensuite vers les anas de lin. Une initiative peu concluante car elle déconcentre la ration tout en étant gourmande en concentrés.

Arrivé à 215g de concentrés/l de lait produit, il leur faut trouver une solution. C’est durant l’hiver 2014-2015 que Cédric et Marie vont se décider de se tourner vers l’herbe. « Elle a bouleversé notre quotidien car elle demande beaucoup de travail à côté des cultures. À cette époque, nous n’étions tout simplement pas équipés. » Raison pour laquelle ils investissent dans du matériel de récolte de fourrages, ainsi que dans une mélangeuse.

Le pari est assez ambitieux car pour payer tout ce matériel, ils doivent absolument baisser de 50g de concentré par litre de lait produit, ou alors gagner 2 points de MG et un point de TP.

En 2016, cette augmentation est validée d’emblée. « En 2017, nous avons fait un peu mieux et aujourd’hui, nous avons doublé la mise par rapport à ce qui était initialement prévu ! », affirme Cédric Wyart.

Des réunions 4x 100

C’est grâce aux réunions d’hiver organisées pour les adhérents au contrôle laitier qu’ils ont pu diminuer la consommation en concentrés. Différents groupes de travail ont été créés, dont notamment le groupe 4X100, qui se fixe pour objectifs d’avoir des vaches à 100 quintaux de lait/an, en visant les 100g de concentrés/l, en s’approchant des 100 euros de coûts alimentaires/1.000 l, SANS utiliser de concentrés de production.

« L’idée nous a tout de suite séduits et c’est ce qui nous a emmenés dans ce schéma de réduction dès 2016. Depuis, nous avons pu diminuer significativement l’utilisation des concentrés par vache pour passer de 170 à 134 g/ l entre 2016 et 2018. »

« Réaliser cette baisse, c’est difficile psychologiquement », avoue Cédric. « Sur le papier, nous voyions que nous pouvions diminuer l’usage de concentrés mais pour ce faire, nous devions pouvoir avoir confiance en nos aliments de base comme le maïs et l’herbe qui doivent être impérativement réalisés dans les bonnes conditions», témoigne l’éleveur.

« Quand nous étions en maïs plat unique, nous récoltions le maïs à 32 % de MS et quand on a commencé à récolter l’herbe, c’était plutôt au début de l’épiaison. Trop tôt pour l’un, trop tard pour l’autre… Le maïs n’était pas assez mûr, l’herbe avait tendance à déconcentrer la ration… Nous devions rajouter du concentré de production à la ration. »

Aujourd’hui, l’objectif est de récolter un maïs à +34 % et d’incorporer 3 à 4kg de MS d’herbe – récoltée au stade « 2 nœuds » – /vache/jour.

Ils donnent en outre 3kg de MS en pulpes surpressées. Deux intérêts : on évite d’augmenter trop fortement l’implantation du maïs sur l’exploitation et pour ne pas dépasser les 18 % d’amidon dans la ration.

Des vaches efficaces

Pour l’éleveur, deux fondamentaux sont nécessaires pour maîtriser son coût alimentaire : des vaches les plus efficaces possibles et des fourrages de qualité.

Et pour avoir des vaches efficaces, une bonne préparation est nécessaire. « Comme nous visons les 10.000 l par vache, nous donnons aux laitières en préparation des rations de 10 UF/1000 pdi. C’est difficile au début, car les vaches en préparation consomment des rations comprenant 1,8 à 2 kg de soja. L’objectif est non seulement de préparer la flore ruminale pour éviter une transition alimentaire mais aussi d’augmenter la taille des papilles ruminales pour optimiser la valorisation de cette ration.

Le couple d’éleveurs prête attention à deux critères mesurables pour s’assurer que leurs rations sont adaptées. « Tous les mois, via le contrôle laitier, nous avons le taux de corps cétoniques présent dans le lait, qui donne le critère acétonémie, et le TP des multipares et primipares de moins de 100 jours de lactation qui doit être de 30.

D’un point de vue critère acétonémie, nous visons 85 % d’animaux sains. En termes de résultats, 88 % des animaux sont sains, 9 % de vaches ont flirté avec l’acétonémie. Seuls 2 à 3 % des laitières ont été détectées «positives». « Des animaux qui ont peut-être boité ou eu un vêlage compliqué », explique l’éleveur.

Pour les valeurs du TP, ils sont en moyenne à 30,4 %.

Comme les vaches ne pâturent pas, une attention particulière est prêtée à leur confort. Les logettes équipées de matelas sont paillées tous les jours à raison de 3 à 4 kg par espace.
Comme les vaches ne pâturent pas, une attention particulière est prêtée à leur confort. Les logettes équipées de matelas sont paillées tous les jours à raison de 3 à 4 kg par espace. - P-Y L.

Des fourrages de qualité

« Aujourd’hui, en termes de chiffres d’affaires, l’atelier lait est en concurrence à raison de 50 % avec les cultures (pommes de terres, oignons et choux-fleurs). L’atelier lait est donc conduit de manière intensive », explique Cédric.

Chez les Wyart, le maïs est récolté autour de 35 % de MS pour avoir un maximum d’amidon dit lent. « Quand on coupe la carotte en deux, les grains doivent être presque farineux », témoigne l’éleveur qui l’implante relativement tôt – aux alentours de la 2e quinzaine d’avril – pour le récolter tôt. Cette année, ils sont à 35,8 % de MS. En termes d’UFL, ils sont à 0.95 (soit l’équivalent de 950 VEM), avec 0,93 UEL (unité d’encombrement dans le système français), leur maïs s’avère peu encombrant dans le rumen.

En ce qui concerne le ray-grass, il le récolte au stade deux nœuds. « Dès que l’on obtient plus de 40 % de MS, on optimise les PDIE (protéines digestibles dans l’intestin grâce à l’énergie). Lorsque l’on vise ce pourcentage, il faut faner, andainer et récolter l’herbe le plus rapidement (si possible dans les 3 jours). leurs objectifs : une herbe à 0,90 UFL (équivalent de 900 VEM), 15 à 17 % de MAT et 220 à 260 de cellulose. Notons que couple s’interdit de travailler avec les variétés tétraploïdes car trop riches en eau et donc difficiles à faner. Pour la récolte, il va de soi que c’est la fenêtre météo qui prédomine.

Une fois l’herbe et le maïs analysés, il faut ensuite trouver le bon mariage entre les besoins des vaches et les apports des fourrages tout en ayant le compromis richesse en amidon en tenant compte de leur valeur d’encombrement. C’est en calculant ce rapport qu’ils vont savoir s’ils doivent ajouter un concentré de production. Si les besoins sont supérieurs, ils rajoutent du cornfeed (ou un concentré tanné) qui apporte beaucoup d’énergie avec un faible degré d’encombrement. La ration de base avoisine les 22 Kg de MS et se compose de 10kg MS de maïs , 8 à 12 kg brut en pulpes surpressées, 3 à 4 kg de MS en herbe. Notons encore que toute la ration est corrigée au robot.

Stimuler l’ingestion

« Nous essayons de tout mettre en œuvre pour stimuler l’ingestion. Une primipare qui produit 15 l/jour aura besoin de 18, 1 kg MS de la ration de base alors qu’une qui produit 40l/ jour aura besoin de 19,3kg MS. Idem du côté des vaches ! Une laitière à 20l/jour va consommer 20.58 kg MS de la ration de base tandis qu’une vache à 50 l/jour va en consommer 24,6 kg MS).

Cédric Wyart : « Lorsqu’une vache vêle, elle est enregistrée au robot et elle reçoit un plan de complémentation établi sur trois semaines. Pour les correcteurs azotés, l’éleveur commence à en donner à partir de 1,5kg pour finir à 2,3 kg au bout de 21 jours. Le tanné n’est donné qu’à travers le robot (max 2,5kg). Si la ration de base permet la production de 32 à 33l/ jour, nous complémentons nos laitières jusqu’à 43 kg de lait par jour. Aujourd’hui, nos vaches reçoivent 134 g de concentrés pour produire entre 9.800 et 10.000 l de lait et, parallèlement à cela, on observe une croissance des taux », se réjouit Cédric.

Pour éviter tout problème qui pourrait diminuer l’ingestion, un pareur vient 4 fois par an. La ration est quant à elle repoussée un certain nombre de fois pour pousser les vaches à venir ingérer davantage. « Avoir une auge nettoyée, c’est le b.a.-ba quand on mise tout sur l’ingestion. La ration doit être la plus appétente possible. Elle ne peut en aucun cas chauffer à l’auge ! », explique l’éleveur.

Un intérêt économique évident

À cette démarche, il y a clairement un intérêt économique. Cédric en veut pour preuve ses données au robot comparées à la moyenne des 16 autres robots de la région.

En ce qui concerne le coût alimentaire aux 1000 l, il est à 107 € quand la moyenne des 16 autres robots est à 117 €; en quantité de concentrés, il est à 138g/l, les autres sont à 210g/l.

Il calcule l’économie réalisée par rapport au groupe témoin : « Ces 72 g/l de concentrés pour une production d’1.000.000 l, c’est une économie de 72 tonnes à 300 euros/t, soit une économie de 21.600 euros sur une année. Mais nous y avons été petit à petit, d’autant qu’à nos débuts, nous n’étions pas contents de notre culture de l’herbe. »

P-Y L.

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