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Laissez-moi vous expliquer pourquoi le cultivateur essaie de contrôler les mauvaises herbes!

Temps de lecture : 5 min

Je vais développer quelques points pour vous expliquer pourquoi le cultivateur essaie de contrôler les mauvaises herbes dans son champ.

Adventice

pas mauvaise herbe

Pour commencer, il faut préciser qu’en agriculture on préfère utiliser le terme « adventice » plutôt que « mauvaise herbe ». Une adventice est une plante qui pousse dans un endroit sans y avoir été intentionnellement installée. La repousse de pommes de terre dans une culture de betteraves est ainsi considérée comme adventice. Elle entretient des parasites (nématodes, mildiou, doryphores…).

De tout temps les cultivateurs ont combattu les mauvaises herbes. Bien sûr, certaines adventices ont des vertus bienfaisantes mais de nombreuses ont des effets très négatifs sur les récoltes, tant en quantité qu’en qualité.

Impact sur le rendement…

Tout d’abord sur le rendement quantitatif. Les adventices puisent des éléments nutritifs et sont ainsi en concurrence directe avec la culture. Cette compétition est aussi valable pour l’eau et la lumière. Il n’y a qu’à voir le maïs ou les betteraves dans un témoin non désherbé. Les cultures non entretenues ne valent pas la peine d’être récoltées. Pour se jouer de la concurrence, les plantes produisent des composés allélochimiques qui peuvent impacter positivement mais aussi négativement la culture implantée.

… et la qualité de la récolte

Ensuite sur la qualité de la récolte : les mauvaises herbes peuvent servir de plantes hôtes pour des parasites champignons où insectes. Les graminées dans les céréales sont des plantes hôtes pour le développement de l’ergot du seigle. Depuis que l’on maîtrise les graminées, ce champignon parasite a presque disparu. On le revoit parfois dans les champs de céréales biologiques et l’Afsca doit encore faire procéder au rappel de produits contenant l’ergot. Faut-il rappeler les hécatombes du Moyen-Âge à cause de l’ergotisme ? Ou au milieu du 20e siècle l’affaire du pain maudit à Pont-Saint-Esprit ?

Certaines adventices sont de violents poisons. Un exemple : le datura de la famille des solanacées. Si cette plante qui contient de puissants alcaloïdes est présente dans des cultures comme le haricot ou les épinards, l’industrie ne viendra même pas récolter. Les baies de la morelle noire peuvent facilement être récoltées avec les pois. Ces deux plantes sont présentes dans toutes les régions en Belgique.

Le contrôle des adventices est également indispensable pour permettre la récolte. Les machines de récoltes ne passent pas dans des parcelles enherbées, le gaillet s’enroule autour des rabatteurs de la moissonneuse, les chénopodes empêchent le bon fonctionnement des disques des arracheuses…

Des récoltes avec la présence de corps étrangers ne peuvent pas être traitées par les installations de l’industrie agroalimentaire. Les racines de chénopodes bloquent les couteaux à betteraves dans les sucreries.

Voici donc les principales raisons pour lesquelles les bons agriculteurs protègent leurs cultures contre les mauvaises herbes.

Mais je suis convaincu que cela vous le savez déjà. Ce que vous voulez dénigrer c’est plutôt la manière, c’est plutôt l’utilisation des herbicides.

Mais au fait,

comment faisait-on avant ?

« Avant, on faisait bien sans tous ces produits ! » Mais au fait, comment faisait-on avant ?

Les herbicides ne sont apparus en agriculture que dans les années 1950. Leur utilisation a été favorisée par la disparition de la main-d’œuvre dans les campagnes. Le désherbage manuel est un travail fastidieux et peu intéressant. La main-d’œuvre est souvent composée de femmes et d’enfants : les femmes sont plus souples et les enfants doivent moins se baisser. Les tableaux des peintres d’Émile Claus (1887) ou de Jules Breton (1901) témoignent de ce labeur.

À cette époque, ces pratiques agricoles étaient déjà à l’origine de « maladie professionnelle » : la plicature champêtre. Les travailleurs de la terre marchaient le dos plié et ne savaient plus se relever ils marchaient courbés jusqu’à la fin de leur vie. Certains ont encore le souvenir d’un grand-parent souffrant de cette pathologie.

Le désherbage manuel a été aidé par l’utilisation de machines comme les bineuses ou les herses étrilles. Leur utilisation est toujours dépendante des conditions climatiques et leur impact sur la biodiversité n’est pas négligeable : destruction de nids d’alouettes, de vanneaux…

En ce qui concerne l’impact des herbicides sur l’environnement et sur la santé (de l’agriculteur ou du consommateur), de nombreuses études sont réalisées avant la mise sur le marché et les produits sont constamment re-évalués. En cas de problème, l’autorisation de vente est retirée. Les anciens produits comme l’acide sulfurique, le white spirit ou les colorants ont ainsi été remplacés par des produits beaucoup plus sûrs comme les sulfonylurées. Avant on utilisait des kilos de substances actives par ha, maintenant on utilise des grammes.

Alors oui, grâce aux herbicides, l’agriculteur peut produire en quantité des produits de qualité, pour le plus grand plaisir du consommateur. Grâce aux herbicides les enfants ont pu rejoindre l’école au lieu de rester dans les champs. L’agriculteur et sa famille n’ont-ils pas droit eux aussi à une vie sociale ? N’ont-ils pas droit eux aussi aux progrès de la science ?

La nature est belle, mais elle n’est pas toujours aussi bienfaisante que certains poètes voudraient le faire croire. Les plus grands poisons sont d’origine végétale. Les plus grandes intoxications alimentaires se sont passées à l’époque du tout bio et les plus grandes famines aussi.

Si l’agriculteur est manipulé, ce n’est pas par les multinationales, mais par les citoyens qui ne connaissent plus rien à l’agriculture. Tous ceux qui se permettent de donner des leçons ou de jeter l’opprobre sur les pratiques agricoles devraient passer leurs vacances à arracher les mauvaises herbes dans les champs ; il y a de nombreuses exploitations bio qui cherchent des travailleurs. Alors, peut-être, ils comprendraient un peu mieux.

Mon papa était agriculteur et il était fier d’avoir son champ propre, sans mauvaises herbes. C’était, je crois, un bon agriculteur.

Guy Vroman

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