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Quel corps on a?

Une épidémie, ça va ’co vite ! Il n’a pas fallu longtemps à un bête petit virus pour mettre sur le flanc notre glorieux et invincible monde capitaliste ! L’ensemble de la population est maintenant invité à rester chez elle, obligée quasiment, puisque tous les lieux de rassemblement sont fermés. Le confinement ne nous effraie guère, nous autres agriculteurs, c’est plutôt notre lot quotidien. Du 1er janvier au 31 décembre, année après année, nous sommes coincés dans nos exploitations, à soigner et surveiller notre cheptel. Pour tous les autres, ces interdictions résonnent un peu comme un emprisonnement, une restriction drastique des libertés. Le Coronavirus, c’est un fameux cor au pied, et notre société boite bas !

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On croit rêver, évoluer en plein cauchemar, dormir debout sans qu’il soit possible de se réveiller ! La crise actuelle se déroule exactement comme dans l’intrigue de romans fantastiques ou de films très connus : Le Fléau, de Stephen King ; Le Dernier Homme, de Margaret Atwood ; L’Armée des Douze Singes , avec Bruce Willis, etc. Un virus apparaît, naturel ou artificiel ; il commence à se répandre, lentement à son début, puis accélère follement sa dissémination. Tout de suite, les scientifiques crient au désastre et demandent des mesures d’urgence, mais le monde politique tempère, blablate, atermoie, prend des décisions au compte-gouttes, afin de ne pas impacter l’économie, pour éviter de paniquer la population. Puis la maladie explose ; le nombre de cas double et quadruple chaque jour et le monde entier est contaminé après un mois, avec des centaines de milliers, des millions de décès. L’armée est appelée en renfort et au final, toutes nos civilisations s’effondrent, pour renaître sous d’autres formes, parfois meilleures, et souvent pires.

Ce ne sont là que des bouquins, des histoires fictives nées dans l’esprit bouillonnant et fêlé des écrivains. Le cas qui nous occupe semble (?) sous contrôle, puisque nos gouvernements ont pris la mesure de la gravité potentielle de cette « pandémie ». Ils ont stoppé, ou plutôt tenté de juguler, le vaste et perpétuel grouillement des fourmilières humaines, afin d’arrêter la croissance exponentielle de la contamination. Surréaliste ! Les éternels chantres de la croissance économique à tout prix, imposent soudain une brutale décroissance. Tout tourne au ralenti, comme une faucheuse rotative engorgée par trop de fourrage, dont les courroies patinent et chauffent avant de caler. Ensuite, -sapristi ! –, il faudra tout dégager et relancer la machine. Cela demandera du temps, et pas mal d’énergie… Ici, nos responsables publics parlent tantôt en termes de semaines, tantôt en mois ! Bref, on n’est pas encore sortis de l’auberge !

Notre agriculture, n’ayez crainte, aura à payer sa part de pots cassés ! Déjà, les marchands parlent de baisses de prix, de transactions fort difficiles lors du dernier marché de Ciney. Il faudra pourtant continuer à manger, même si les gens ne vont plus au restaurant et dans les fast-foods ! De toute façon, le commerce est une activité qui consiste à enrichir les riches et à appauvrir les pauvres, chacun le sait. La pénurie de masques sanitaires a déjà provoqué le renchérissement de ceux-ci ; à l’inverse, la fermeture des restos va être invoquée pour justifier des offres de prix très faibles pour nos produits agricoles. Est-il utile de polémiquer et de crier au scandale ? Nous subissons régulièrement, au fil des ans, ce genre de déflagration, au gré des événements exceptionnels qui jalonnent nos carrières d’agriculteurs. Cette histoire va encore nous coûter, et sans doute fort cher…

En ce qui nous concerne, les travaux de printemps vont bientôt nous accaparer et nous faire oublier un peu ce maudit virus. Nos enfants et petits-enfants, empêchés d’écoles, auront à s’occuper dans nos fermes. De la viande et des légumes du jardin au congélateur, des pommes de terre et des carottes à la cave, du lait dans le pis des vaches : personne n’aura faim chez nous ! Et puis, les agriculteurs disposent d’un système immunitaire super-entraîné, plongé dans le grand bain des microbes et virus des étables : Covid-19, même pas peur ! Enfin, mieux vaut ne pas trop faire le malin, quand on voit ce qui se passe en Italie et en Espagne…

Quel corps on a, quand on a contracté la maladie ? Mieux vaut s’en prémunir, puisque celle-ci avance à la vitesse éclair d’une diarrhée virale dans un élevage de veaux, ou de la PPA dans une porcherie. Quels cors on a, quels cors on aura à nos pieds avec tous ces ennuis qui s’annoncent ? Pour nous faire souffrir et claudiquer dans nos vies de fermiers…

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