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Un éclairage sur les bonnes pratiques phytos sur les sols karstiques et vulnérables au lessivage!

À ce stade de la saison, il est utile de rappeler les précautions à prendre sur les zones karstiques, très favorables à l’infiltration des eaux pluviales. Certaines relèvent de la législation et d’autres, des bonnes pratiques.

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En Wallonie, 30 % du sous-sol sont constitués de roches calcaires, fortement ou modérément affectées par des « phénomènes karstiques ». La majorité de l’eau potable produite provient de ces sous-sols particuliers. Les zones karstiques sont très favorables à l’infiltration des eaux pluviales. C’est pour cette raison que les masses d’eau souterraine localisées sur ces territoires sont aussi extrêmement vulnérables aux pollutions issues de la surface. Les sols très faiblement pourvus en matières organiques sont également à risque pour la qualité de l’eau.

Zones karstiques ?

Le mot « karst » désigne une région calcaire ou crayeuse dont le sous-sol rocheux, tel une éponge, est caractérisé par de nombreuses cavités creusées par l’action de l’eau. L’eau, en s’infiltrant dans le sous-sol, dissout la roche calcaire, ce qui agrandit les fissures présentes et crée aussi des poches de vides.

En cas de pluie, l’eau s’écoule alors rapidement au travers de ces fractures, entraînant avec elle les substances à risque jusqu’à la nappe. Les masses d’eau souterraine sont d’autant plus vulnérables à ces infiltrations qu’elles sont proches de la surface.

Le taux d’humus et, plus précisément, la teneur en carbone organique des sols, constitue un autre critère de vulnérabilité. La matière organique a, en effet, la capacité de « fixer » les substances actives. Les sols trop peu pourvus ne sont donc pas en mesure de retenir ces molécules qui sont alors rapidement drainées en cas de pluie.

La quantité de matière organique renseigne également sur le potentiel qu’a un sol à dégrader les substances actives. Un taux élevé favorise la vie microbienne du sol et donc une dégradation plus rapide des substances actives.

Que dit la réglementation ?

Certains produits phytos font l’objet d’interdiction d’usage sur les sols vulnérables au lessivage. Ces limitations sont indiquées sur l’étiquette du produit, dans la mention Spe2, de la manière suivante : « SPe2 : pour protéger les eaux souterraines, ne pas appliquer ce produit sur sol vulnérable au lessivage. Sont considérés comme vulnérables (conditions non cumulatives) :

– les sols dont la teneur en carbone organique de la couche arable est inférieure à 1 % (ce qui correspond à un taux d’humus de 2 %) ;

– les sols présentant une nappe phréatique à une profondeur inférieure à 1 mètre ;

– les sols présentant de la roche karstique à moins d’1 mètre de profondeur par rapport à la surface du sol. »

Des mentions complémentaires relatives au respect de mesures de lutte contre l’érosion sont également indiquées. Il s’agit principalement de l’enherbement des bas de pentes sur 6 m dans le cas de cultures sarclées sur les parcelles R10-R15 (pente supérieure à 10 % ou 15 % sur plus de 50 % de leur superficie ou sur plus de 50 ares).

Sols «vulnérables au lessivage»: quelles régions en Wallonie ?

Si votre parcelle est mal drainée, caractérisée par une forte charge en cailloux (roches calcaires) et que le soc de la charrue touche la roche lors des travaux agricoles, il s’agit très probablement d’une parcelle vulnérable au lessivage. La roche karstique et la nappe phréatique sont proches de la surface.

Plus de la moitié des communes wallonnes sont concernées par des « phénomènes karstiques ». La vulnérabilité au lessivage varie selon la profondeur du sol et de la nappe phréatique.

L’atlas des karsts wallon est disponible sur le géoportail de la Wallonie (geoportail.wallonie.be). La carte n’indique cependant pas à quelle profondeur la roche karstique se situe. Les zones concernées couvrent les territoires du Condroz, de la Famenne et de la région herbagère (Liège) ainsi que l’axe Tournai-Mons et l’extrême ouest de la Wallonie. Le géoportail wallon permet également d’afficher les teneurs en carbone organique des sols (carte « Carbiosol »). Les zones ciblées, sur base de ce critère, sont essentiellement situées au nord de la province du Brabant wallon et à l’extrême ouest de la province de Hainaut. Néanmoins, la manipulation de ces outils ne s’avère pas toujours aisée. Les conseillers de Protect’eau sont en mesure de répondre aux questions concernant la situation de vos parcelles, de manière indépendante et confidentielle.

Quelles sont les molécules concernées ?

Actuellement, seule la bentazone fait l’objet d’une interdiction d’utilisation sur les sols vulnérables au lessivage. Il ne faut cependant pas perdre de vue que l’application de désherbants racinaires sur sols nus exerce le même type de risque sur la qualité de l’eau. Sur un sol peu épais ou filtrant, les substances actives qui composent les herbicides sont susceptibles d’atteindre rapidement, et sans être préalablement dégradées en surface, la nappe, en cas de pluie. Ces molécules, une fois dans l’eau, se décomposent beaucoup plus difficilement. Par exemple, l’atrazine, interdite depuis 2004, est encore retrouvée de manière quasi systématique dans les eaux souterraines.

Conseils et bonnes pratiques

Compte tenu des risques pour la qualité de l’eau, il est essentiel de prendre en considération la vulnérabilité des parcelles au moment de composer un programme de désherbage.

Concernant la bentazone, la règlementation est claire : son usage est strictement interdit sur les « sols vulnérables », tels que définis dans cet article. Il faut donc s’assurer que les cultures légumières (pois, haricots, oignons), qui nécessitent souvent l’usage de cette molécule, ne soient jamais traitées sur les parcelles concernées.

L’idéal est de gérer ses rotations de manière telle que ces terres ne soient jamais emblavées en pois, haricots et oignons. En effet, tout rattrapage en postémergence avec la bentazone étant exclu, le risque pesant sur la rentabilité de la culture est élevé en cas de présence de morelle ou datura.

Pour les autres cultures sarclées, il convient de limiter le recours aux herbicides, notamment racinaires, en privilégiant, par exemple, des méthodes de lutte mécanique.

Plus d’infos : Protect’eau ; www.protecteau.be.

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