Le confinement et la chute d’activité de la restauration hors domicile ont logiquement boosté les ventes de produits laitiers dans la grande distribution. En France, sur les semaines 11 (avant confinement) et 12 (première semaine de confinement), les ventes de laits conditionnés en supermarchés et hypermarchés ont bondi, en volume comme en valeur, de près de +70 % par rapport à 2019. Celles de beurre et de crème ont aussi fortement progressé, respectivement +52 % et +46 % en semaine 12 par rapport à l’an dernier. Les achats d’ultra-frais, produits à date limite de conservation courte, ont plus modérément progressé (+22 % en S11 et +16 % en S12 en valeur).
Hausse saisonnière modérée de la collecte française
Boostée par des conditions printanières précoces et propices à la production herbagère, la collecte laitière française a progressé modérément en mars, de +1,1 % par rapport à 2019. Elle est ainsi juste remontée au niveau de la moyenne des 5 dernières années laitières.
La fermeté de la collecte a incité tous les transformateurs à envoyer des signes de modération à leurs livreurs, à quelques semaines du pic de lactation (avril-mai), où la collecte hebdomadaire dépasse de près 10 % le niveau hebdomadaire moyen (décembre) et de 20 % le creux estival (fin août).
La collecte printanière pourrait se stabiliser au niveau de l’an dernier si les éleveurs suivent les consignes de modération de leur collecteur et bénéficient du fonds de solidarité exceptionnel.
Baisse prononcée du prix du lait au printemps
Les grands groupes laitiers ont adopté des dispositifs plutôt incitatifs dont les modalités diffèrent selon les laiteries. Ils appliquent un malus ou pénalité sur le prix du lait payé au printemps pour modérer la collecte printanière, compensé dans certains cas d’un bonus sur le prix payé en été pour encourager la production lors du creux saisonnier. Leur mix-produit varié et la diversité de leurs débouchés leur permettent de mieux résister à la modification profonde de la demande que les sociétés laitières très spécialisées.
Avec de telles dispositions, le prix du lait à la production s’infléchira ce printemps en France. Stable au 1er trimestre à 355 €/1.000 l, le prix du lait standard (toutes qualités) retrouvera au mieux le bon niveau de 2019 au 2nd trimestre, et se situera plus probablement à mi-chemin entre 2018 et 2019.
Poursuite de la chute des cours des ingrédients laitiers
Le déséquilibre croissant entre offre et demande continue de faire pression sur les cours de la poudre maigre. La cotation Atla a encore perdu 110 € en semaine 14, soit -440 € en quatre semaines, pour afficher 2.050€/t (+150 € par rapport à 2019 soit +8 %). À un tel rythme de baisse, elle pourrait fin avril retomber au prix d’intervention (1.699 €/t).
Après avoir bien résisté, le cours du beurre a également décroché, la cotation Atla a perdu 150€/t début avril. À 3.120€/t, elle se retrouve 26 % sous son niveau de 2019.
À noter toutefois, que les enchères de la plateforme GlobalDairyTrade ont connu le 7 avril leur première séance haussière (+1,2 %) depuis fin janvier et 4 séances consécutives de baisse.
Une situation tendue dans le reste de l’UE
En Allemagne, la pression s’accentue sur les producteurs laitiers. Plusieurs transformateurs ont demandé à leurs livreurs de réduire leur livraison de lait. La laiterie Schwälbchen-Molkerei appelle à une réduction des livraisons de 20 % en avril par rapport aux volumes de mars. Le Bayern MeG a également demandé à ses 135 organisations de producteurs, avec environ 14.000 producteurs de lait, de réduire considérablement leur production. Le Nord MeG prévient également ses livreurs de ne pas produire de lait supplémentaire. La perte de débouchés intérieurs et extérieurs est mise en avant pour justifier de telles actions. La hausse saisonnière de la collecte allemande a déjà été interrompue en semaine 13, avec un recul de 1,1 % d’une semaine sur l’autre et un niveau à peine supérieur à celui de l’année dernière (+0,3 %). En outre, certaines laiteries ont annoncé des baisses de prix pour le mois d’avril.
Au Royaume-Uni, les baisses de prix touchent maintenant une majorité des transformateurs et le surplus de lait, face à une demande en recul, grossi, alors que le pays entre dans sa période de pic saisonnier. Un certain nombre de producteurs de Freshways ont ainsi été contraints de se débarrasser de leur lait. Le plus grand transformateur de lait indépendant d’Écosse, Graham’s Family Dairy, a informé ses fournisseurs qu’il avait des inquiétudes quant à sa capacité de ramasser du lait dans les fermes au cours des prochains jours. Certains transformateurs ont également dû jeter du lait déjà collecté.
En Irlande, la collecte de lait n’a pas encore été affectée et les transformateurs poursuivent normalement leurs productions. Cependant, la nervosité grandit parmi les agriculteurs quant à l’évolution du prix du lait. Les coopératives n’hésitent plus en effet à évoquer d’inévitables baisses du prix du lait, de -20 €/1.000 l dans un premier temps mais pouvant aller jusqu’à -40 € à l’été, si la situation ne se rétablit pas.
Aux Pays-Bas, la collecte se poursuit encore normalement. Les laiteries ont convenu d’un plan d’urgence en cas de problèmes liés à la transformation du lait, permettant de transférer le lait d’une entreprise à une autre si nécessaire. Cependant, les producteurs de lait néerlandais sont informés qu’en cas de saturation de la capacité de transformation, le lait pourrait temporairement ne plus être collecté.
Évolutions contrastées en Océanie
Les mesures prises pour lutter contre le Coronavirus ont considérablement freiné la demande dans un pays où environ 55 % des dépenses alimentaires se font en restauration hors domicile (RHD). Si les achats de produits laitiers par les ménages ont augmenté depuis la fin mars, ils ne compensent pas la chute des achats en RHD. L’aide alimentaire, compte tenu de la hausse du chômage, pourrait constituer un débouché pour les produits laitiers dans les mois à venir.
Une logistique contraignante
Le prix du lait est fonction des stocks de produits laitiers
Les évolutions des fabrications de produits laitiers vont rapidement peser sur les prix du lait. En effet, de nombreux transformateurs écrèment le lait et transforment la matière grasse en beurre, abondant ainsi des stocks déjà à des niveaux records. Les prix du beurre et de la crème ont donc entamé un recul rapide aux États-Unis. Une mécanique similaire se met en place sur le fromage, dont 45 % des fabrications sont utilisées par la RHD. La fermeture de nombreux restaurants fait plonger les ventes de mozzarella qui sont difficilement compensées par les achats des ménages. Les fabrications de cheddar pourraient donc augmenter et entraîner une baisse encore plus rapide du cours des fromages et du prix du lait Classe III, principale composante du prix du lait aux États-Unis.
Freiner la production