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Pulvérisation: trouver le bon compromis entre la réduction de la dérive et l’efficacité des traitements

Lors de la dernière assemblée du Comice de Seneffe, Armelle Copus, de Protect’eau, faisait le point sur les moyens techniques de réduction de la dérive de pulvérisation.

Temps de lecture : 10 min

Pour rappel, la dérive correspond à des pertes non intentionnelles de produit de protection des plantes (PPP) en dehors de la parcelle traitée lors de la pulvérisation. Celles-ci ont pour conséquences la contamination des eaux de surface et des dommages aux zones riveraines ou aux cultures adjacentes.

« Pour réduire la dérive de pulvérisation on peut travailler de deux manières différentes. On peut tout d’abord abaisser l’exposition des zones sensibles à la dérive en utilisant des zones tampon pour éloigner les pulvérisateurs des cours d’eau. Mais, on peut aussi réduire la dérive à la source, c’est-à-dire au niveau de la technique d’application et du matériel que l’on va employer. L’idéal est bien évidemment de combiner les méthodes », explique Armelle Copus.

Des conditions météorologiques idéales

Pour réduire la dérive à la source on va commencer par s'’adapter aux conditions météo et respecter certains paramètres de température, vent et hygrométrie.

« Plus le vent est faible, mieux c’est. On conseille déjà d’utiliser des buses anti-dérive à pastille de calibrage à partir de 5 km/h. Et, depuis le 28 septembre 2018, il est interdit d’entamer une pulvérisation lorsque la vitesse du vent est supérieure à 20km/heure. C’est une mesure bien connue qui ne pose pas de problème. »

Plus il fait chaud et sec, plus la matière active est concentrée dans de fines gouttelettes sensibles à la dérive de pulvérisation. « On préconise donc de travailler de préférence le matin ou tard le soir puisque les températures sont plus faibles, le vent est moins fort et l’humidité est plus élevée ». L’optimum de traitement se trouve entre 12 et 20 ºC et 60 et 95 % d’humidité. « Il s’agit du principe de base, néanmoins, certaines techniques permettent de sortir de ces plages. »

«On conseille déjà d’utiliser des buses anti-dérive à pastille de calibrage  à partir de 5 km/h».
«On conseille déjà d’utiliser des buses anti-dérive à pastille de calibrage à partir de 5 km/h». - Protect’eau

Adapter la technique de pulvérisation

À côté du respect des conditions météorologiques, on adaptera les techniques et le matériel de pulvérisation afin d’augmenter la taille des gouttes et réduire leur sensibilité à la dérive. Le type et le calibre des buses ainsi que la pression influenceront la taille des gouttes. La hauteur de rampe et la vitesse d’avancement auront quant à elles un impact sur la prise au vent.

Les buses

Plus particulièrement, plus le calibre des buses est important, plus le diamètre des gouttes est élevé. L’angle du jet doit également être considéré : plus il est étroit, plus les gouttes sont grosses (80º>110º>120º). Enfin les buses classiques « pinceau » produiront des gouttes plus fines que les buses à pastille de calibrage. Ces dernières seront également moins efficaces que les buses à aspiration d’air.

Notez bien qu’une classification internationale associe un symbole et une couleur à la taille des gouttes. On retrouve cette information sur les tableaux de débit des constructeurs de buses mais il ne faut pas confondre la couleur des buses avec ce code de couleur.

La pression

Pour une buse donnée, plus la pression est basse, plus les gouttes produites sont grosses et moins elles sont sensibles à la dérive. « Lorsqu’on veut une bonne qualité de pulvérisation, on cherche une goutte la plus fine possible. On se dit donc qu’on a intérêt à monter en pression. Cependant, même si ça fonctionne en théorie, en pratique, ce n’est pas l’idéal pour l’usure du matériel. On conseille donc de travailler à plage de pression moyenne afin de permettre une variation de vitesse sans pour autant perdre en formation du cône de pulvérisation ».

L a hauteur de rampe

Plus la hauteur de la rampe est faible, plus la prise au vent est réduite, néanmoins, il faut veiller à respecter la règle du triple recouvrement. « La bonne pratique veut que, pour des jets à 100º, on reste à 50 cm au-dessus de la culture. Pour des jets à 80º, on est à une hauteur de 90 cm ».

La vitesse d’avancement

Plus la vitesse d’avancement est basse, plus la prise au vent est courte et faible.

Réduction de 50 % de la dérive obligatoire

Concrètement, au niveau réglementaire, depuis le 1er janvier 2019 (et depuis le 1er janvier 2020 en production fruitière arboricole), il est obligatoire d’utiliser du matériel permettant de réduire la dérive de minimum 50 %. Les techniques classiques ont été abolies et les outils utilisés doivent être repris dans la liste du matériel anti-dérive reconnu en Belgique (disponible sur www.phytoweb.be et régulièrement mise à jour par le SPF santé publique).

Le classement belge a été réalisé par un comité d’experts, sur base des classements allemand, anglais, néerlandais et français. « Attention qu’une même buse peut être classée différemment selon le pays. Dans ce cas, c’est l’évaluation la plus stricte qui a été retenue et c’est bien celle répertoriée en Belgique qui est valable. Trois classes de réduction de dérive par rapport à une pulvérisation classique ont été retenues pour les grandes cultures : 50, 75 et 90 %, avec la possibilité de combiner plusieurs moyens de réduction ».

Le matériel anti-dérive reconnu

Les buses anti-dérive permettent une réduction de la dérive de 50, 75 ou 90 % et ce, même sur un pulvérisateur dit de type classique.

L’assistance d’air permet, quant à elle, une réduction de dérive de 75 %, même avec des buses classiques. Associée à des buses anti-dérive, elle atteint une réduction de 90 %.

La désherbineuse offre une réduction de dérive de 75 % qui monte à 90 % avec des buses anti-dérive.

La rampe couverte permet une réduction de la dérive de 50 %, voire de 75 % ou 90 % avec des buses anti-dérive.

Les buses : connaître leur technologie

pour faire son marché

Il existe sur le marché une grande variété de buses et aucune d’entre elles ne convient à tous les traitements et toutes les conditions d’application. « La liste du SPF comprend différents types de pulvérisateurs et de buses. Il n’est pas inutile de comprendre la technologie de chaque type de buses pour pouvoir sortir de ses habitudes en termes de marque. En effet, si on ne considère qu’une marque, la liste peut être restreinte. Par contre, si on connaît la technologie et on sait ce dont on a besoin, on peut faire plus facilement son marché. Il n’est pas possible de tout traiter avec un seul type de buse. L’idée est donc de réaliser un panel de deux à trois jets qui permettent de répondre à toutes les situations réglementaires et d’efficacité de traitement ».

Les buses fente classique

Aussi nommées jet pinceau, elles sont interdites depuis le 1er janvier 2019 puisqu’elles offrent 0 % de réduction de dérive sauf les calibres 05 et 06 qui sont classés à 50 % et font office d’exception.

Les buses fente à pastille de calibrage

Elles sont munies d’un orifice qui calibre la bouillie à l’entrée. À l’intérieur, une chambre de décompression permet d’augmenter la taille des gouttes. Elles conviennent pour une pression de 2 à 4 bars, produisent des gouttes moyennes à grosses, de 200 à 400µm et offrent une réduction de dérive de 50 %.

Les buses fente à aspiration d’air :

– classiques  : L’air y est aspiré par effet venturi. Elles ont des pressions d’amorçage hautes. La chute de pression à l’intérieur de la chambre permet la formation de grosses à extrêmement grosses gouttes allant de 300 à plus de 450 µm. Leur plage de pression est de 3 à 8 bars avec 50 à 90 % de réduction de la dérive.

– basse pression  : Même principe que la classique mais la pression d’amorçage du venturi est plus basse. La chambre de mélange est raccourcie ce qui crée une dépression moins importante. Sa plage de pression est 1,5 à 6 bars avec des gouttes de taille moyenne à très grosse, de 200 à 450 µm, et 50 à 90 % de réduction de la dérive.

Les buses miroir :

– classiques  : La bouillie y est projetée sur une paroi à la sortie de la buse. Leur empreinte est large et plate lorsqu’elles sont utilisées à base pression (0,7-3 bar). La plage de pression est de 1 à 6 bars, avec des gouttes moyennes à très grosses en fonction du calibre ou de la pression (de 200 à plus de 450µm), et une réduction de 50 à 75 %.

– à aspiration d’air : Avec le système d’aspiration d’air en plus que la simple miroir, leur plage de pression est de 1 à 7 bars et elles produisent des gouttes extrêmement grosses, de plus de 450µm. La réduction de dérive est de 50, 75 ou 90 %.

Les buses à double fente « Twin » ou « Duo » :

La bouillie y est répartie en deux jets afin d’atteindre la face verticale des plantes. Ces buses sont généralement réservées aux traitements de contact sur épis ou pommes de terre. La plage de pression va de 3 à 5 bars. Il existe une version classique ou anti-dérive à aspiration d’air.

Les buses bout de rampe :

Également nommées buses de bordure, elles sont placées en bout de rampe. Elles ont un jet dissymétrique, un débit plus élevé, et un alignement net. « Il n’est pas nécessaire que la buse de fin de rampe dispose de la même classification que les buses de rampe. Le niveau de réduction de dérive du pulvérisateur sera celui des buses de rampe. »

Le choix : un compromis entre efficacité et réduction de la dérive

L’important est donc de trouver le bon compromis entre la réduction de la dérive et l’efficacité des traitements. « Ce compromis dépend, comme on l'a déjà précisé, des exigences légales et des conditions météorologiques, mais aussi des habitudes de travail et du produit utilisé ».

Le rendement chantier désiré, le volume/ha, la vitesse… sont autant de paramètres de fonctionnement qui vont influencer le choix des buses. Ce dernier sera aussi fonction du produit, de son mode d’action, de la qualité de dépôt, de la taille de gouttes souhaitée, de leur densité, leur impact ou encore de la cible (étroite ou large).

L’important est de trouver le bon compromis entre la réduction de la dérive et l’efficacité des traitements.
L’important est de trouver le bon compromis entre la réduction de la dérive et l’efficacité des traitements. - Protect’eau

La qualité du dépôt : privilégié ou non en fonction du produit

Avec le même volume de bouillie, plus les gouttes sont petites, plus les impacts sont nombreux et plus la surface couverte est importante. Le volume d’une goutte de 400 µm équivaut, par exemple, au volume de 64 gouttes de 100 µm mais la surface couverte par ces dernières est 4 fois supérieure. « Il est évident que si on travaille avec des produits de contact, systémiques foliaires ou systémiques racinaires, on ne va pas faire attention à la même qualité de pulvérisation ».

Plus les gouttes sont petites, plus les impacts sont nombreux et plus la surface couverte est importante. Le volume d’une goutte de 400 µm équivaut, par exemple, au volume de 64 gouttes de 100 µm mais la surface couverte par ces dernières est 4 fois  supérieure.
Plus les gouttes sont petites, plus les impacts sont nombreux et plus la surface couverte est importante. Le volume d’une goutte de 400 µm équivaut, par exemple, au volume de 64 gouttes de 100 µm mais la surface couverte par ces dernières est 4 fois supérieure. - Protect’eau

Les produits de contact agissant là où ils tombent, on recherche un bon taux de recouvrement. Le nombre d’impact doit être important et la pulvérisation fine. « Dans ce cas, c’est la qualité du dépôt qui prime. Les buses à pastille de calibrage restent tout à fait satisfaisantes par contre, avec les buses à aspiration d’air, on voit une différence en termes de recouvrement et de taille d’impact ».

Les produits systémiques foliaires migrant dans la plante, le nombre d’impacts est donc moins important et on pratiquera une pulvérisation moyenne à grossière. Par contre, on privilégiera des conditions poussantes avec une hygrométrie supérieure à 60-70 % et des températures clémentes sur sol humide. « Ici, ce sont les conditions qui priment ».

Enfin, les produits systémiques racinaires sont transportés par l’eau du sol et ne sont donc pas sensibles à la qualité de pulvérisation. Une pulvérisation grossière avec une humidité de sol et une teneur en argile et matière organique correctes feront l’affaire. « C’est dans cette situation que les buses anti-dérive sont le moins à craindre car, si les conditions de sol sont remplies, la qualité du traitement sera bien là, quelles que soient les buses utilisées ».

Le taux de recouvrement souhaité sera différent en fonction du type de produit utilisé.  Protect’eau propose un tableau du nombre d’impacts à rechercher selon le traitement.
Le taux de recouvrement souhaité sera différent en fonction du type de produit utilisé. Protect’eau propose un tableau du nombre d’impacts à rechercher selon le traitement.

Influence du volume/ha

Avec des buses anti-dérive 50 %, l’influence du volume/hectare sur l’efficacité d’un traitement de contact est clairement établie. À 50l/ha plus aucune buse n’est efficace. À 100l/ha les buses à fente classiques, à pastille de calibrage et à miroir classique gardent une bonne efficacité. Enfin, 150l/ha est le volume minimum pour les buses à aspiration d’air. Notez bien que les produits de contact sont les plus sensibles à une réduction du vol/ha et aux grosses gouttes.

Sur le porte jets...

En bref, on conseille donc de prévoir sur le porte jets :

–  une buse à engrais destinée aux applications spécifiques avec une pression de 2-3 bars ;

–  une buse à pastille de calibrage ou miroir classique , employée pour tout traitement. Elle sera moyennement efficace pour réduire la dérive et doit être utilisée en conditions météo moyennes, à 2-4 bars. Elle peut présenter une contrainte au nettoyage ou un risque de bouchage.

–  une buse à injection d’air classique qui est exclusivement réservée aux traitements systémiques et est très efficace pour réduire la dérive. Elle pourra être utilisée en conditions météo moins bonnes à 3-8 bars. Ce matériel est néanmoins plus encombrant sur le porte-buse.

– OU une buse à injection d’air basse pression utilisée de préférence pour les traitements systémiques. Elle est très efficace pour réduire la dérive et convient dans des conditions météo moins bonnes, à 1-6 bars. Elle est moins encombrante que la classique.

« Voici un panel qui devrait répondre à toutes les situations que l’on peut rencontrer ».

D. Jaunard

, d’après Armelle Copus de Protect’eau

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