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Des intercultures en pâture aux moutons: une bonne idée?

Vous les avez peut-être aperçus l’automne dernier, des moutons broutaient des couverts d’interculture à plusieurs endroits en Wallonie. C’est une façon de transformer la contrainte de couverture du sol en une opportunité, celle de valoriser facilement le couvert en fourrage, même si l’on ne possède pas d’animaux, tout en préservant l’environnement et la qualité des eaux souterraines ! Mais quelles sont les modalités et est-ce une bonne idée ?

Temps de lecture : 4 min

Grâce à leur rusticité et leur faible poids, les moutons peuvent facilement pâturer les intercultures pendant l’arrière-saison. À condition d’implanter un mélange fourrager, celles-ci sont bien adaptées à l’alimentation de ces animaux. Et il n’est pas nécessaire de se lancer dans ledit élevage puisque dans la majorité des cas, il s’agit de partenariats : un agriculteur propose à un éleveur de venir faire paître ses ovins chez lui. Les termes du partenariat peuvent varier selon les exigences de chacun mais au final les deux parties s’y retrouvent ! En général, si c’est l’agriculteur qui implante le couvert, les semences sont en partie à charge de l’éleveur tout comme la pose des clôtures mobiles et la surveillance des animaux. Après le passage des moutons, la destruction de l’interculture est grandement facilitée voire superflue, au bénéfice de l’agriculteur.

Un projet de recherche sur six sites wallons

Mais qu’en est-il de l’impact des moutons sur la culture suivante et sur l’environnement ? Le pâturage des intercultures permet-il de préserver la qualité des eaux souterraines ? Ce sont les questions auxquelles tente de répondre un projet d’expérimentation mené par le Cra-w, l’UCLouvain et le Collège des Producteurs. Sous l’acronyme « Serveau » (www.cra.wallonie.be/fr/serveau), le programme de recherche s’inscrit dans le cadre d’un appel à projets « protection de la ressource en eau » financé par la SPGE. Il implique six sites en Wallonie (à Brugelette, Pont-à-Celles, Villers-la-Ville, Corbais, Wanze et Ferrières). Elles se composent d’un mélange d’avoine blanche, vesce commune, trèfle d’Alexandrie multi-coupe, radis chinois et phacélie qui a été choisi, pour ses qualités fourragères mais aussi pour son effet bénéfique sur la structure du sol grâce à sa diversité de types de racines. Les premières observations ont été réalisées en 2019-2020 et le développement des cultures principales qui ont suivi le passage des moutons est actuellement surveillé de près. Les conclusions du projet sont attendues fin 2021, après une deuxième année d’expérimentation.

Une pratique positive à bien des égards…

Les résultats préliminaires, combinés à de précédentes études, nous permettent déjà d’avoir une certaine idée de l’impact de la pratique. En dehors du risque de boiteries légères, ledit pâturage semble être une pratique ayant des effets positifs sur les ovins, avec notamment une riche valeur alimentaire et une très faible pression parasitaire.

Du point de vue du sol, les impacts négatifs sont faibles ou inexistants que ce soit en termes de bilan minéral ou de structure du sol. Le pâturage des couverts par les ovins ne présenterait pas de risque d’augmentation du lessivage de l’azote minéral par rapport à une interculture détruite mécaniquement. La pratique serait ainsi tout à fait compatible avec la préservation de la qualité des eaux souterraines !

En outre, les exportations de minéraux par les moutons seraient minimes : environ 4 % de l’azote, 8 % du phosphore et 0,3 % du potassium selon des estimations canadiennes. En présence de légumineuses fixant l’azote atmosphérique, l’abondance d’azote dans le sol serait donc très peu impactée. Une meilleure disponibilité de celui-ci pour la culture suivante serait même observée dans certains cas, grâce à la transformation de l’azote contenu dans les plantes via la digestion par le mouton. Le rendement de la culture principale qui suit le couvert pâturé reste habituellement inchangé.

Des réductions de rendement ont été observées dans de rares cas, lorsque le pâturage a été effectué dans de mauvaises conditions climatiques. Un meilleur contrôle des adventices annuelles et de certains ravageurs comme les limaces pourrait aussi résulter de la présence des moutons, mais cela reste à démontrer scientifiquement. Dans ce cas, la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires qui en découle serait également très positive pour la qualité des eaux, notamment en zone de captage.

Le meilleur pour la fin : la pratique permettrait un gain économique estimé à 135€/ha par l’Agrof’île en 2018. Celui-ci profiterait tant au cultivateur (65€/ha, grâce à l’économie des semences et de broyage notamment) qu’à l’éleveur (70€/ha grâce à l’économie de fourrage, selon le développement du couvert) dans le cadre d’un partenariat. Alors, les moutons qui pâturent les intercultures, c’est une bonne façon de recréer des liens entre les grandes cultures et l’élevage !

Intéressé par le projet de recherche ? Contactez Sophie Herremans (Cra-w) : s.herremans@cra.wallonie.be.

Pour un partenariat avec un éleveur de moutons proche de chez vous, contactez Cyril Régibeau du Collège des Producteurs (0494 75 76 95, cyril.regibeau@collegedesproducteurs.be)

D’après Sophie Herremans,

Centre wallon de Recherches

agronomiques

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