Accueil Elevage

Sécheresse et canicule: certaines espèces fourragères ont une meilleure résistance!

En Wallonie comme ailleurs, l’augmentation de la fréquence des épisodes de sécheresse perturbe les systèmes fourragers. Le ray-grass anglais est la graminée la plus utilisée dans les mélanges fourragers et la plus présente dans les prairies permanentes, mais elle est particulièrement sensible au déficit hydrique et aux températures caniculaires.

Temps de lecture : 7 min

L ’analyse des résultats des essais de testage variétaux menés par les partenaires de Fourrages Mieux à Louvain-la-Neuve et à Michamps au cours des 20 dernières années montre que le rendement des ray-grass anglais est fortement dépendant des précipitations reçues pendant la période de pousse. Le coefficient de corrélation entre le rendement et la quantité de précipitations reçue pendant la période de croissance est significatif et la pente est marquée ( Voir Fig. 1 ).

Fig. 1: Rendement des ray-grass anglais (RGA) et dactyles (DAGL) en fonction des précipitations reçues pendant la période de croissance
Fig. 1: Rendement des ray-grass anglais (RGA) et dactyles (DAGL) en fonction des précipitations reçues pendant la période de croissance

Un déficit de précipitations de 100 mm pendant la période de production induit en moyenne une diminution de rendement de 1.600 kg/ha pour les ray-grass anglais (ray-grass anglais intermédiaires et précoces à Louvain-la-Neuve et tardifs à Michamps).

Le rendement des dactyles ( Dactylis glomerata ) est moins impacté. La relation n’est pas significative et la pente indique une diminution de seulement 850 kg de matière sèche par 100 mm de précipitations reçues en moins. En Région limoneuse, en 2018, année la plus sèche, le dactyle a produit 11,5 tonnes, soit 4 tonnes de MS en plus que les ray-grass anglais intermédiaires et précoces.

Côté maïs

Le maïs est également une culture fourragère importante en Wallonie (8 % de la SAU). Il est réputé sensible à la sécheresse. Cependant, les rendements obtenus avec les variétés demi-précoces à tardives en Basse et Moyenne Belgique dans le réseau d’essais du CIPF sont généralement supérieurs à 20 tonnes de MS par ha et montrent peu de variation d’une année à l’autre, même lors des années plus sèches ( voir Fig. 2 ).

Fig.2: Rendement du maïs en fonction des précipitations reçues en Basse et Moyenne Belgique et en zones froides (400m
Fig.2: Rendement du maïs en fonction des précipitations reçues en Basse et Moyenne Belgique et en zones froides (400m

En zone froide (altitude entre 400 et 500 m), on observe que les rendements des variétés de maïs ultra-précoces et très précoces (indice FAO< 200) sont généralement supérieurs lors des années sèches. Les rendements peuvent varier fortement d’une année à l’autre allant de 12 tonnes de MS/ha les années « normales » à plus de 18 tonnes. Cela est principalement lié au fait que les sommes de températures sont généralement supérieures lors des années sèches également. La température est souvent le facteur le plus limitant pour le rendement et la maturité de cette culture au-dessus de 400m d’altitude. Au-delà d’une altitude de 500m la culture du maïs est généralement déconseillée. Attention cependant, lors des années sèches, des pertes de production importantes peuvent être rencontrées localement sur les sols plus sableux ou superficiels ainsi que sur des parcelles où le maïs est implanté après une coupe de Ray-grass italien semé en interculture.

Si le maïs est réputé sensible à la sécheresse, les rendements obtenus avec les variétés  demi-précoces à tardives en Basse et Moyenne Belgique dans le réseau d’essais du CIPF  sont généralement supérieurs à 20 tonnes de MS par ha et montrent peu de variation  d’une année à l’autre, même lors des années plus sèches.
Si le maïs est réputé sensible à la sécheresse, les rendements obtenus avec les variétés demi-précoces à tardives en Basse et Moyenne Belgique dans le réseau d’essais du CIPF sont généralement supérieurs à 20 tonnes de MS par ha et montrent peu de variation d’une année à l’autre, même lors des années plus sèches. - J.V.

Les rendements des espèces fourragères

À travers le projet ForDrought, les chercheurs ont évalué l’intérêt fourrager de 14 espèces fourragères pérennes et 6 espèces annuelles dans 2 régions agricoles contrastées (Région sablo-limoneuse et Ardenne) (voir Tab ). En Ardenne, le suivi a duré seulement 2 ans car les semis ont dû être recommencés à cause d’une mauvaise implantation et des dégâts de campagnols.

FOURRAGES

De manière générale, pour l’ensemble des espèces étudiées, les rendements obtenus en Région sablo-limoneuse sont supérieurs à ceux mesurés en Ardenne. Le départ en végétation plus précoce, combiné à une arrière-saison plus longue, permet un allongement de la durée d’exploitation par rapport à l’Ardenne, région où le climat plus froid ne permet pas toujours de réaliser une quatrième coupe.

En Région sablo-limoneuse, les graminées les plus productives sont le festulolium Félina (ray-grass d’Italie x fétuque élevée) et la fétuque élevée . Pour les quatre années d’essai, la production annuelle moyenne de ces espèces dépasse les 17 t MS/ha. La fétuque élevée et le festulolium (cv félina) ont aussi pour point commun d’avoir une production assez stable tout au long de la période de végétation. Même lors d’étés plus secs comme en 2015, les productions estivales restent conséquentes.

En Ardenne, le fromental est la graminée la plus productive, avec un rendement moyen sur deux ans qui avoisine les 13 t MS/ha (Tableau). Cette espèce n’est généralement pas proposée actuellement comme espèce fourragère dans le commerce. Le festulolium Félina est en deuxième position.

Le ray-grass hybride montre d’excellents résultats sur les deux sites notamment en première année d’exploitation. Au centre comme au sud du pays, la production annuelle du ray-grass hybride (cv Marmota) lors de la première année d’exploitation, est largement supérieure à celle des autres graminées.

Réputés peu sensibles aux températures élevées, les bromes montrent de bons résultats sur les deux sites d’essai, avec des rendements qui sont compris entre 14,2 et 16,9 t MS/ha en Région sablo-limoneuse, et environ 12 t MS/ha en Ardenne. Les résultats démontrent également les bonnes performances du dactyle, surtout lors des coupes estivales.

Le ray-grass anglais et le festulolium Matrix (ray-grass anglais x fétuque des prés) sont les graminées les moins productives. En 2015 (année sèche), la production des meilleures espèces est presque le double de celle du ray-grass anglais.

En Région sablo-limoneuse, parmi les légumineuses, la luzerne, avec un rendement moyen de 18,5 tonnes de MS/ha, est l’espèce la plus productive. Elle est suivie par le trèfle violet. En Ardenne, c’est le trèfle violet qui donne le meilleur rendement. Il s’accommode mieux que la luzerne de l’acidité des sols ardennais, mais reste plus sensible à la sécheresse que la luzerne.

Le sainfoin et le lotier sont des espèces présentant une très bonne résistance à la sécheresse, mais dont la production est faible et comparable à celle du trèfle blanc. Tant en Ardenne qu’en Région sablo-limoneuse, ces trois légumineuses sont les espèces pérennes qui ont le plus faible rendement annuel moyen. Le lotier et le sainfoin ont connu des problèmes à l’implantation. Semé en septembre 2012, le lotier n’a pas supporté l’hiver. Les parcelles ont alors été ressemées au printemps 2013. De plus, le lotier et le sainfoin sont très peu concurrentiels vis-à-vis des adventices et le salissement est rapidement devenu problématique. Ces espèces doivent être plutôt privilégiées pour une utilisation en association avec d’autres espèces fourragères dans des situations pédologiques très spécifiques.

Parmi les espèces annuelles, le moha est l’espèce la moins productive. Sa production totale ne dépasse pas les 5 tonnes de MS/ha en moyenne et une deuxième coupe n’est pas toujours possible, surtout si la première pousse a été fauchée à un stade avancé (proche de l’épiaison). Ces résultats confirment que l’utilisation de cette graminée à cycle court et peu exigeante en eau, doit se limiter uniquement à un rôle de complément, lorsque la production fourragère est fortement pénalisée par la sécheresse. L’utilisation des sorghos multicoupes permet d’obtenir une production nettement plus importante qu’avec du moha. Le sorgho hybride est plus productif mais le choix entre ces deux espèces se fera plutôt en fonction du mode de conservation. Le sudan grass dont les tiges sont plus souples est mieux adapté à l’enrubannage. Le millet perlé présente également un certain intérêt en période de sécheresse.

De manière générale, les légumineuses annuelles (trèfle d’Alexandrie et trèfle de perse) montrent également une bonne productivité. Lorsque les conditions sont favorables comme en 2013, une troisième voir une quatrième coupe sont envisageables. Dans ce cas, la production peut dépasser 10 t MS/ha sur une période de 4 à 5 mois. Ces légumineuses peuvent également être semées en mélanges avec d’autres plantes pour obtenir un fourrage plus équilibré entre protéine et énergie et également faciliter la conservation.

La production de certaines espèces en situation de stress hydrique plus marqué a été mesurée dans des essais avec placement d’une couverture en polyéthylène transparent. En 2018, le stress hydrique qui a débuté lors de la deuxième coupe a été amplifié par le placement de la couverture après la deuxième coupe. On observe qu’en situation de déficit hydrique important, la luzerne produit encore plus de 4 tonnes de MS par ha pour la troisième coupe alors que le trèfle violet et le dactyle ont produit moins de 500 kg et le ray-grass est complètement desséché ( Voir Fig. 3 ). Après la troisième coupe, une irrigation a été pratiquée afin de voir la capacité de « récupération » des 4 espèces. Le dactyle a pu redémarrer assez rapidement, contrairement au ray-grass anglais et au trèfle violet qui n’ont pratiquement pas pu repousser après la troisième coupe en 2018.

Fig.3 : Comparaison de la production en situation de forte sécheresse (coupe 3) et capacité de récupération post-sécheresse (coupe 4).
Fig.3 : Comparaison de la production en situation de forte sécheresse (coupe 3) et capacité de récupération post-sécheresse (coupe 4).

R. Lambert, C. Decamps, S. Cremer et D. Knoden

UCL – Earth & Life Institute

Centre de Michamps

Fourrages Mieux

A lire aussi en Elevage

Sauvons Bambi: pour repérer les faons avant les fauches

Elevage Sauvons Bambi est une asbl de bénévoles regroupant des pilotes de drones, des agriculteurs ainsi que des amoureux de la nature qui proposent gratuitement leurs services. Leur mission principale est de sauver les faons de chevreuil et les nids d’oiseaux nicheurs au sol au moment de la fauche des prairies sur l’ensemble de la Belgique et du Luxembourg.
Voir plus d'articles