«Comme tous les agriculteurs, nous travaillons la terre mais nous avons choisi le sapin de Noël plutôt que les céréales»

Tailles de formation réduites, traitements phytosanitaires peu fréquents, absence de désherbage chimique...  Christophe Denis produit ses sapins de Noël le plus naturellement possible.
Tailles de formation réduites, traitements phytosanitaires peu fréquents, absence de désherbage chimique... Christophe Denis produit ses sapins de Noël le plus naturellement possible. - J.V.

La culture de sapins de Noël, c’est une véritable histoire de famille que perpétuent les Denis depuis le début des années 80. « À sa pension, mon grand-père a progressivement réduit la taille de son cheptel et s’est lancé dans la production d’épicéas. Ceux-ci étaient vendus exclusivement sur pied », se souvient Christophe.

Quelques années plus tard, son papa, Michel, a repris l’activité et l’a fait évoluer. « Les prix des sapins ont chuté, la vente sur pied n’avait plus d’avenir… Il fallait soit arrêter la culture soit réinventer la commercialisation. C’est le choix qu’a fait papa, en collaborant avec des jardineries notamment. »

De son côté, Christophe a travaillé durant plus de 16 ans à la laiterie de Recogne. « D’abord en 4/5ème, puis en 3/5ème car la production de sapins gagnait du terrain. » En 2007, il a pris la décision de quitter son emploi et de se consacrer pleinement à l’agriculture. « Combiner les deux sur ce même rythme n’était plus faisable, et je n’envisageais pas de travailler à mi-temps à la laiterie. »

Épicéas, Nordmann et Fraseri

Aujourd’hui, l’agriculteur livre essentiellement ses sapins à des associations, écoles, communes, marchés de Noël, grossistes, jardineries et pépinières ; ces deux dernières se chargeant de la commercialisation aux particuliers. Son offre a évolué en fonction de la demande, mais aussi des législations.

« À ses débuts, mon grand-père ne cultivait que des épicéas. Puis le Nordmann est arrivé, d’abord sur une parcelle puis sur la majeure partie de nos terres afin de répondre à la demande grandissante des acheteurs. J’ai aussi testé l’Omorika et le Fraseri. Ce dernier est encore cultivé sur l’une ou l’autre parcelle, mais est attaqué par le puceron lanigère, Adelges picea. » L’insecte cause d’importants dégâts, rendant impossible la commercialisation des arbres. Vu les pertes engendrées, le producteur envisage sérieusement de renoncer à cette espèce.

Tous les sapins sont commercialisés coupés. Si des plants en mottes et en pots faisaient autrefois partie du catalogue, ceux-ci n’ont pas résisté aux contraintes réglementaires. « La législation pour ce type de produits est particulièrement lourde, notamment en matière d’étiquetage et d’informations devant figurer sur les étiquettes. En ce qui me concerne, la demande était également très faible. Je ne propose donc plus que des sujets coupés », éclaire-t-il.

Le Nordmann est l’espèce la plus cultivée. Sa forme, sa couleur  et la bonne tenue de ses aiguilles séduisent les acheteurs.
Le Nordmann est l’espèce la plus cultivée. Sa forme, sa couleur et la bonne tenue de ses aiguilles séduisent les acheteurs. - J.V.

Et d’ajouter : « Si les arbres coupés venaient à tomber sous une législation similaire, je crains que de nombreux petits producteurs soient contraints de cesser leurs activités. Alors que nous devons déjà composer avec les contrôles de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire et le respect de la réglementation agricole. »

Savoir anticiper la demande

Avant d’être coupés et d’orner nos maisons, les arbres demandent plusieurs années de soin et d’attention. « La production de sapin ne diffère pas des autres cultures. Comme tous les agriculteurs, nous travaillons la terre mais nous avons choisi le sapin plutôt que les céréales, la betterave ou le colza. »

Christophe acquiert ses graines auprès de l’Union Ardennaise des pépiniéristes qui, elle-même, les obtient du Comptoir à graines de Marche-en-Famenne. Les semis sont effectués en plates-bandes d’une largeur de 1 m, sur lit finement préparé et à la main. Quelques arrosages peuvent suivre, si nécessaire, pour augmenter le taux de germination.

« Les sapins demeurent en pépinières 4 à 5 ans avant d’être repiqués sur les parcelles de culture. Il faut donc anticiper la demande longtemps auparavant pour éviter la surproduction, ce qui n’est pas toujours évident… » Une fois repiqués, les sapins restent en place plusieurs années et sont prélevés au fur et à mesure de leur croissance. Certains arbres sont donc coupés assez rapidement après leur transfert, d’autres ne le sont qu’après 7, 8 voire 10 ans.

Ces prélèvements successifs ont un double objectif. D’une part, ils permettent de répondre à la demande, en proposant des arbres de diverses tailles à la vente. D’autre part, la place ainsi gagnée permet aux autres sujets de poursuivre leur croissance.

Avec un minimum d’intrants

Sur les parcelles, le soin apporté aux arbres est attentif, sans être excessif. « J’ai quelque peu revu ma manière de travailler. Les sapins sont généralement taillés pour leur assurer une conformation et une densité satisfaisantes d’un point de vue ornemental. Mais chaque taille ouvre de nouvelles portes favorisant les attaques de champignons et insectes et, par conséquent, l’emploi de produits de protection des plantes. Depuis que j’ai réduit la fréquence des tailles, les attaques sont moins nombreuses. Le pulvérisateur n’est plus que très rarement de sortie. »

Côté fertilisation, un engrais azoté est apporté à la fin du printemps. « Il apporte aux sapins leur belle couleur verte, tant désirée par les clients, mais n’est pas nécessaire à leur développement. Or, l’engrais contribue à la croissance des arbres, ce qui nous oblige à les tailler et, in fine, à utiliser des produits phytosanitaires décriés par certains particuliers. La culture du sapin est paradoxale… C’est parfois un défi de faire comprendre à notre clientèle qu’une action en entraîne d’autres. »

Un couvert est maintenu dans les parcelles car il crée de l’ombre  et maintient l’humidité du sol ; un avantage certain durant les années de sécheresse.
Un couvert est maintenu dans les parcelles car il crée de l’ombre et maintient l’humidité du sol ; un avantage certain durant les années de sécheresse. - J.V.

Aucun désherbage chimique n’est effectué dans les parcelles, seulement quelques opérations mécaniques et ponctuelles. « Les années de sécheresse, comme celle-ci, la végétation crée de l’ombre et maintient l’humidité du sol. Conserver un couvert dense est à notre avantage. »

Une récolte organisée…

La récolte des arbres débute fin octobre. Ceux-ci sont coupés, à la débroussailleuse ou à la tronçonneuse selon le diamètre de leur tronc, puis débardés et mis en filet de protection pour le transport. Les épicéas et Fraseri sont classés en deux catégories, les Nordmann en trois, selon la densité de leur branchage, leur couleur, leur flèche… afin de satisfaire tous les goûts et budgets. Ils sont ensuite acheminés chez les acheteurs.

« Cela demande une sacrée organisation. Il convient d’échelonner les coupes sur toute la saison pour assurer la disponibilité de la marchandise et répondre à temps à la demande des clients. Ils doivent disposer d’un délai suffisant pour revendre les sapins. » La saison prend habituellement fin à la mi-décembre.

Après avoir été coupés, à la débroussailleuse ou à la tronçonneuse selon le diamètre  de leur tronc, les sapins sont débardés et mis en filet de protection pour le transport.
Après avoir été coupés, à la débroussailleuse ou à la tronçonneuse selon le diamètre de leur tronc, les sapins sont débardés et mis en filet de protection pour le transport.

Une fois la parcelle entièrement récoltée, ce qui prend plusieurs années, un nouveau cycle commence. Le terrain est nettoyé et préparé à la fraise forestière, puis à la fraise agricole et au rouleau. Les plants, issus de la pépinière, peuvent alors être repiqués. Un amendement est apporté avant ou après la replantation, selon les conditions météo et le planning. « Avoir une bonne gestion de sa pépinière est impératif pour replanter ses parcelles au moment opportun. »

… et particulière, en 2020

Cette année, en raison de la crise sanitaire, la fin d’année est particulièrement perturbée. « J’ai commencé les récoltes à la même date qu’habituellement, tout en sachant qu’elles prendraient fin plus tôt. D’autres ont préféré décaler les premières coupes et terminer leur saison en décembre », détaille Christophe.

Christophe a débuté la récolte des sapins le 28 octobre, pour un premier  départ des marchandises le 6 novembre. Si la saison se termine généralement  mi-décembre, elle prendra fin plus tôt cette année en raison de la crise sanitaire.
Christophe a débuté la récolte des sapins le 28 octobre, pour un premier départ des marchandises le 6 novembre. Si la saison se termine généralement mi-décembre, elle prendra fin plus tôt cette année en raison de la crise sanitaire.

Et d’ajouter : « J’enregistre 50 % de ventes en moins par rapport aux années précédentes… Le marché français nous a été fermé durant plusieurs semaines. Les municipalités se sont alors tournées vers des producteurs français, ce qui représente un certain manque à gagner. Cette année est assez particulière, mais le marché du sapin de Noël a toujours connu des hauts et des bas. Il faut continuellement s’adapter pour assurer la rentabilité de la culture. »

J. Vandegoor

Des chevaux énergiques et maniables,au caractère typiquement ardennais

Dans les semaines à venir, trois poulains viendront agrandir le troupeau de Christophe, aujourd’hui composé de dix chevaux.
Dans les semaines à venir, trois poulains viendront agrandir le troupeau de Christophe, aujourd’hui composé de dix chevaux.

Passionné depuis toujours par le monde équestre, Christophe s’est finalement aventuré dans l’élevage de Trait ardennais voici une petite quinzaine d’années. « J’ai longtemps attendu avant de franchir le pas. Les études, le boulot… m’ont freiné, jusqu’au jour où j’ai acheté mon premier cheval. Puis un deuxième est venu le rejoindre et je me suis lancé dans la reproduction… Aujourd’hui, j’élève dix chevaux. Trois poulains verront encore le jour dans les semaines à venir. »

Pour le travail

L’éleveur souhaite développer des chevaux qui présentent des aptitudes au travail (débardage, attelage, voire maraîchage), tout en étant plus énergiques et maniables. Il veille aussi à ce qu’ils conservent le caractère typique des Traits ardennais.

« Depuis un an, je dispose de mon propre étalon. Auparavant, mes juments étaient présentées à la saillie chez d’autres éleveurs comme Freddy Schmitz, qui croise l’Ardennais avec l’Arabe, ou Sébastien Rigaux, qui croise l’Ardennais avec le Cob normand. ». Ces croisements apportent davantage de légèreté aux Traits ardennais, dans la lignée de ce que recherche l’éleveur, sans empêcher leur inscription au stud-book.

Christophe dispose de tout le matériel, d’attelage notamment, nécessaire au débourrage de ses chevaux. « Habituer le cheval à l’attelage, le guider, lui apprendre à travailler, veiller auprès des juments à l’approche du poulinage… Quand on a l’amour du cheval, c’est un réel plaisir. Et quelle fierté d’observer les résultats de votre travail ! »

Plus d’une corde à son arc

À terme, il envisage de proposer des balades attelées aux écoles, homes ou encore vacanciers de passage dans la région. Car il rénove actuellement la ferme de ses grands-parents, en vue d’en faire un gîte, et souhaite proposer une activité peu commune à ses hôtes.

Cette nouvelle corde viendra ainsi s’ajouter à son arc, déjà bien garni. En effet, en plus de ses activités de producteur de sapin de Noël et d’éleveur, il est également revendeur de la marque Granit et commercialise des pièces et accessoires agricoles, horticoles et forestiers. Les semaines sont donc bien remplies et laissent peu de place à l’ennui !

J.V.

Le direct

Le direct