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CO2, c’est odieux?

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » disait Nicolas Boileau au 17e siècle. Au 21e siècle, ce brave monsieur peinerait à appliquer sa maxime, si on lui demandait de donner son avis sur la problématique des gaz à effet de serre. Deux intervenants s’y sont essayés dans « Voix de la Terre » du Sillon Belge : « Climat et CO2, une vaste escroquerie ! »(25 février) et en réponse sur le même sujet : « Une mise au point s’impose » (4 mars). J’ai lu et relu ces deux articles en miroir, trois fois chacun. Avec l’âge, je deviens biesse, c’est sûr, car ces avalanches de chiffres et ces litanies de phrases m’ont laissé perplexe et peu convaincu.

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Le réchauffement climatique est un concept fort compliqué sur lequel il est malaisé de s’exprimer, si l’on ne dispose d’une formation scientifique, solide et spécifique. La toute grande majorité des avis des experts, -lesquels sont bien plus malins que nous –, convergent vers certaines évidences. La Terre se réchauffe, et trop vite. Pourquoi ? Le CO2 et d’autres gaz à effet de serre ont vu augmenter leur concentration dans notre atmosphère ; cet odieux CO2 en excès provient des combustibles fossiles que l’humanité brûle depuis 200 ans. La Terre a toujours connu des chauds et des froids, des poussées de fièvre et des frissons tout au long de son existence. Mais ici, c’est la rapidité de l’évolution qui pose problème ; les écosystèmes n’ont pas le temps de s’adapter et souffrent mille morts, dans un monde bousculé par une météo aux humeurs extrêmes. Le cycle du carbone est court-circuité, tout simplement, et les fusibles sautent les uns après les autres. C’est très mauvais pour nous, les humains, car à ce train-là, nous risquons d’hypothéquer notre avenir.

Ceci dit, la présence de CO2 et d’autres gaz à effet de serre n’est par nocive en elle-même ; s’ils étaient absents de l’atmosphère, les formes de vie que nous connaissons seraient très différentes, et infiniment moins florissantes. Voici 800 millions d’années, la Terre a ressemblé durant des millénaires à une grosse boule de glace, car selon les soupçons des paléontologues, les cyanobactéries des océans primitifs avaient « bouffé » tout le CO2 de l’air et rejeté de l’O2. Mais l’activité volcanique s’est réveillée à temps pour réexpédier dans l’atmosphère de grandes quantités de CO2, de la vapeur d’eau et d’autres gaz bien utiles pour rendre à notre planète sa chaude couverture. Mais celle-ci a tendance à trop s’épaissir, ces années-ci…

Au fil des ères géologiques, notre biosphère a pu s’adapter pour équilibrer le CO2, avec sur un plateau de la balance les autotrophes (végétaux, phyto-planctons, etc) qui produisent de l’oxygène et synthétisent de la nourriture, tandis que sur l’autre plateau, les hétérotrophes (bactéries, champignons, animaux) consomment cette nourriture et rejettent du CO2. Une équation toute simple à comprendre, complexifiée il est vrai par la tectonique des plaques et le volcanisme. La « bête » respiration des êtres humains représente de faibles émissions ; par contre, le charbon, le pétrole et le gaz naturel que nous brûlons, le ciment que nous fabriquons, dégagent un paquet de cet odieux CO2, incriminé dans le réchauffement climatique. Faut-il culpabiliser ? Les énergies fossiles ont permis à l’humanité de progresser à pas de géant, si on prend celle-ci dans sa globalité et si on considère les avantages indéniables de tous les progrès engrangés : en agriculture, alimentation, industrie, transports, médecine, confort de vie…

Seulement voilà, seule une poignée de pays occidentaux ont pu profiter pleinement du gazage en CO2 du carbone fossile, stocké durant des millions d’années par la nature. Les pays riches d’Europe et d’Amérique du Nord ont mis la planète au pillage. Les déchets de nos industries polluent la terre, l’air, l’eau…, et notre odieux CO2 s’accumule dans l’atmosphère. Nous souhaiterions, bien entendu, que les pauvres et les pays émergents comme la Chine n’en fassent pas autant. Hypocritement, nous voulons donner des leçons : « Ne brûlez pas votre charbon, arrêtez de vous reproduire comme des lapins ! ». 20 % de la population mondiale riche consomme et pollue autant, sinon davantage, que les 80 % restants. Ainsi, par exemple, 41,5 millions d’Ougandais ont une empreinte carbone trois fois plus faible que 11 millions de Belges ! Et on reprochera aux Africains d’avoir trop d’enfants…

Restons humbles et gardons-nous de juger. Les données arrivent par tombereaux entiers pour valider ou infirmer telle ou telle théorie. Les experts eux-mêmes tâtonnent pour trouver des solutions. L’idéal serait de coordonner les actions au niveau mondial, d’entrer la composante environnementale dans toutes les décisions politiques, quelles qu’elles soient. Ainsi, dans les projets d’accords entre le Mercosur et l’UE, l’économie mène les débats d’une main ferme, et ignore totalement la désastreuse empreinte écologique et sociale d’un potentiel deal « viande contre voitures », tel qu’il est proposé actuellement. C’est aux dieux de la finance que revient au final le management de cet odieux CO2  !

Tout cela est déprimant au dernier degré… Beaucoup de monde s’accorde à dire qu’il faudrait gérer les émissions de CO2, mais personne ne veut remettre en cause son propre comportement. Toutes sortes d’explications et de propositions tarabiscotées sont émises dans les discours et les écrits, mais aucune ligne d’action cohérente et globale n’est mise en place. Les gens se disputent et discutent sans fin, tandis que le feu est à la maison. Le CO2, c’est odieux, surtout dans sa gestion !

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