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Combien coûtent les espèces envahissantes à l’humanité?

Pression sur la biodiversité, pertes économiques agricoles et forestières, nuisance à la santé publique. Des scientifiques d’institutions françaises viennent de livrer l’estimation la plus complète des coûts engendrés par les espèces envahissantes : près de 1.300 milliards de dollars en l’espace de 40 ans. L’augmentation annuelle de ces coûts, encore très largement sous-estimés, ne montre aucun signe de ralentissement. Au contraire, elle ne cesse de progresser depuis quelques décennies.

Temps de lecture : 4 min

Les espèces exotiques envahissantes, aussi appelées espèces invasives, sont des espèces – plante terrestre, aquatique, invertébrés, poisson, oiseau, mammifère – introduites par l’homme volontairement ou non en dehors de leur aire d’origine et qui constituent, pour le nouveau milieu concerné une menace importante pour la biodiversité et les services fournis par les écosystèmes (comme la production végétale, l’épuration de l’eau ou la pollinisation…).

En plus des impacts écologiques comme la perte de biodiversité, elle peut engendrer d’importantes pertes économiques dans certains domaines d’activité tels que l’agriculture, les forêts, les infrastructures et le tourisme mais aussi en termes de santé publique.

Bien qu’il s’agisse de la seconde cause d’extinction d’espèces, les invasions biologiques restent encore très méconnues du grand public et des décideurs.

Plante aquatique, la jacinthe d’eau fait partie de la liste d’espèces exotiques envahissantes de préoccupation européenne établie en août 2016.
Plante aquatique, la jacinthe d’eau fait partie de la liste d’espèces exotiques envahissantes de préoccupation européenne établie en août 2016.

Une étude de très grande ampleur

Ce travail constitue la première synthèse de tous les coûts reportés pour les invasions biologiques, dans le monde entier, toutes espèces confondues.

Il se fonde sur l’analyse de quelque 850 études, soit plus de 2.400 données disparates que les chercheurs et chercheuses ont standardisées pour pouvoir les comparer et les classer selon une quarantaine de variables (espèces, régions, type de milieu, secteur économique…), au sein de la base de données InvaCost dont l’évolution en cours permettra d’obtenir une image en temps réel de la portée de ces coûts associés aux invasions biologiques. InvaCost est une base de données publique des coûts économiques des invasions biologiques dans le monde.

Un coût astronomique…

Après cinq ans de travaux, l’équipe de recherche internationale dirigée par des scientifiques du laboratoire Écologie, systématique et évolution – Cnrs/Université Paris-Saclay et AgroParisTech – a estimé que les espèces envahissantes ont coûté au moins 1.288 milliards de dollars entre 1970 et 2017.

Cela représente un coût annuel moyen de 26,8 milliards de dollars, qui a cependant triplé chaque décennie, jusqu’à atteindre 162,7 milliards de dollars pour la seule année 2017. Cette somme est 20 fois supérieure aux budgets combinés de l’Organisation mondiale de la santé et du Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies la même année, et qui dépasse par exemple aussi largement le produit intérieur brut de 50 des 54 pays africains.

… encore très sous-estimé

Ces coûts demeurent massivement sous-estimés et sous-reportés . Leur augmentation au cours des dernières décennies ne montre aucun signe de ralentissement car le nombre d’espèces envahissantes tend à croître avec la multiplication des échanges à l’échelle globale. Les scientifiques notent par ailleurs que les montants liés à la prévention, la surveillance et la lutte contre la propagation de ces espèces restent marginaux en comparaison des coûts des dégâts engendrés.

Un problème croissant

On identifie ainsi des organismes aussi divers que le moustique tigre venu d’Asie du sud-est et aujourd’hui largement disséminé à travers le monde, l’ambroisie en Europe de l’Ouest, la fourmi de feu aux États-Unis, la jussie rampante, plante herbacée aquatique originaire d’Amérique latine que l’on retrouve désormais dans de nombreuses zones humides européennes, la moule zébrée dans les grands lacs du Canada, le longicorme asiatique, coléoptère devenu ravageur des forêts d’Amérique du Nord et présent désormais aussi en Europe, ou le rat noir en provenance du sous-continent indien et répertorié comme l’une des espèces les plus envahissantes au monde et prédatrice des récoltes céréalières…

Au total, ils cumulent chacun des dizaines de milliards de dollars dus aux ravages engendrés dans les régions et pays qu’ils envahissent.

Urgence de moyens et d’actions

Les résultats de ce rapport appellent la mise en œuvre de mesures de gestion et d’accords politiques internationaux visant à réduire la dissémination incontrôlée des espèces envahissantes au cours des prochaines décennies.

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