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2 kg de bon sens et 4 litres de jugeote

C’est vers le début juin que les premières taches de mildiou apparaissent dans les potagers sur les pommes de terre et ensuite sur les tomates. C’est le moment de faire le point, alors que l’épidémie de mildiou risque bien de se rappeler rapidement à notre souvenir comme chaque année au printemps ou à l’été.

Temps de lecture : 7 min

Pour que le mildiou se développe sur le feuillage des pommes de terre ou de la tomate dans notre potager, il faut que soient réunies plusieurs conditions.

La présence d’un foyer…

D’abord, il faut que les spores qui transmettent le champignon arrivent dans notre potager. Elles peuvent venir de plusieurs centaines de mètres, emmenées par le vent au départ d’un terrain voisin. Mais la probabilité de contamination s’atténue rapidement si la distance entre le foyer contaminateur et le jardin est longue. Le plus grand risque vient du jardin lui-même. Des repousses de pommes de terre au départ de tubercules abandonnés l’an dernier sont une source potentielle. Des déchets de triage contenant des tubercules contaminés par la maladie sont aussi des foyers dangereux de contamination. Le compostage de ces débris végétaux n’élimine les risques que si la fermentation s’est bien déroulée et avec de bonnes élévations de température.

… d’un hôte sensible…

Si une spore du mildiou de la pomme de terre atterrit sur une feuille d’une autre espèce, d’une feuille de carotte par exemple, elle ne pourra pas y trouver les circonstances favorables à son développement. Il faut qu’elle se pose sur une partie aérienne d’une plante qui est favorable à son développement, comme la pomme de terre, la tomate, ou une autre plante de la même famille (solanacées).

De plus, il faut que la variété de cette espèce soit sensible à la souche du mildiou concerné par cette spore.

… et des conditions météo favorables

Pour qu’une spore soit capable de se développer sur une plante qui lui est sensible, il faut encore que les conditions soient favorables à sa multiplication. La maladie devient redoutable lorsqu’elle atteint un seuil épidémique : les conditions météo sont déterminantes. Et c’est lorsqu’elles sont favorables pendant plusieurs semaines consécutives que les ravages sont les plus impressionnants.

Il faut de l’humidité sur la feuille pour que la germination de la spore se déroule bien. Il faut que l’humidité relative de l’air soit élevée pour que le champignon puisse fructifier, c’est-à-dire produire des spores à son tour. Enfin, il faut que la température soit favorable : entre 8 et 30ºC, les plus grands risques se situant toutefois entre 12 et 20ºC.

Ne nous fâchons pas

Mais alors, que pouvons-nous faire ? Prenons le problème avec ordre et méthode : en tenant compte des conditions de développement de ce fameux mildiou !

Les foyers sous ma responsabilité

Les risques sont d’autant plus grands que le foyer de contamination est proche de mon potager. Commençons donc par gérer les risques situés sur mon propre terrain. Nous devons limiter les abandons de tubercules lors de la récolte : ce sont des repousses potentielles pour l’an prochain. De plus, les repousses seront arrachées systématiquement dès leur apparition. Ce sont des foyers en moins.

Les déchets de triage, les tubercules pourris, sont des sources évidentes de contamination. Les abandonner en terre, c’est courir le risque de voir la maladie se développer lors de la saison suivante.

Les variétés sensibles

En pommes de terre comme en tomates, il existe des variétés moins sensibles au mildiou. Ce sont elles que nous devons préférer. Une variété de pommes de terre comme Bintje a certainement sa place chez les professionnels pour des raisons économiques et de débouchés. Mais dans un potager, d’autres choix existent. Notons que la population de ces champignons pathogènes évolue dans le temps en tendant à s’adapter et donc à contourner la résistance d’une variété, surtout lorsque celle-ci est cultivée sur de larges surfaces. Nous avons donc intérêt à consulter les services spécialisés pour s’informer des dernières observations locales (www.carah.be).

Le Sillon Belge publie aussi régulièrement les listes mises à jour des variétés de pommes de terre et leur résistance au mildiou. Parmi les variétés les plus récentes, certaines se comportent bien vis-à-vis du mildiou, mais il n’y a pas de variété absolument résistante !

En tomates, les listes professionnelles ne reprennent que rarement les comparaisons en plein air. Mais les données sur les hybrides récents sont à leur avantage.

Les conditions météo et le microclimat de mon potager

Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de faire la pluie et le beau temps ! Mais dans une serre, sous une couverture transparente (effet parapluie), le feuillage n’est pas mouillé par la pluie… ni par les arrosages à condition d’y prendre garde ! Si en plus nous aérons bien la serre pour éviter la condensation, les risques de développement épidémique de mildiou y seront fortement diminués. Les housses plastiques individuelles donnent également une protection de la pluie, mais seuls les modèles bien aérés évitent la condensation et donc le film humide sur le feuillage.

Mais encore ?

Une bonne hygiène dans le jardin, des variétés peu sensibles, une protection de la pluie pour les tomates : est-ce suffisant ? Pour les cultures sous abri, nous pouvons penser que cela sera suffisant dans une large majorité des cas. Restons malgré tout vigilants et n’hésitons pas à sectionner et enlever la ou les feuilles atteintes, et les éliminer du potager avec la prudence qui s’impose pour éviter la dissémination des spores (emballage clos dès la capture des feuilles contaminées, éviter ce travail lorsque l’air est très humide).

En plein air, cas le plus fréquent pour les pommes de terre mais aussi en tomates, il faut surveiller attentivement sa culture pour repérer les tout premiers symptômes. Pour nous aider dans nos choix d’intervention, un répondeur automatique est disponible pour toute la Wallonie : 068/264.634. Il est destiné à la fois aux professionnels et aux amateurs et diffuse une synthèse des messages d’avertissements officiels.

Lorsque les premiers symptômes de mildiou sont repérés, ou mieux, un peu plus tôt sur la base des avertissements, il faut choisir entre défaner la culture (sectionner les tiges des pommes de terre au ras du sol, effeuiller la tomate et ne laisser que les fruits apparemment sains) pour éviter de laisser la récolte se gâter complètement ou appliquer soigneusement une protection fongicide sur l’ensemble du feuillage. Le site www.fytoweb.be nous indique la liste actualisée des fongicides disponibles.

Et puis il y a les « recettes miracles »

Je sens que je vais me faire des ennemis. Tant pis, osons et écrivons ce que nous pensons.

Et le fameux fil de cuivre traversant la tige de la tomate ? Il crée une lésion à la tige, mais le cuivre métallique est pratiquement insoluble dans la sève de la plante, il ne la protège en rien. Vous connaissez des jardiniers qui le font et n’ont pas de mildiou en tomates ? C’est très possible, mais n’établissons pas un lien entre l’un et l’autre de ces événements. Par contre, les fongicides à base de sels de cuivre, appliqués en fine pulvérisation sur toute la surface foliaire, protège préventivement du mildiou.

Et l’eau de Javel ? Ce désinfectant de contact agit très rapidement, mais durant un très court moment, quelques dizaines de minutes après l’application, tout au plus. D’abord, ce n’est pas un fongicide agréé pour cet usage, ensuite, son action serait bien trop courte.

Et le bicarbonate de soude ? Ce produit aux propriétés digestives et aux usages ménagers intéressants n’est pas non plus un fongicide agréé et les expérimentations scientifiquement menées donnent des résultats très inconstants et très incomplets.

Et les purins d’orties, de prêles et de consoudes ? Le sujet est loin d’être clos. Les apports foliaires de bouillies à base de purins aux plantes font partie des pistes étudiées en solutions alternatives aux fongicides. Les résultats obtenus sont très variables, comme le sont les compositions des produits artisanaux.

En conclusion, les bonnes recettes sont celles qui peuvent être répétées avec des résultats qui se confirment. Les autres sont trop dépendantes du hasard. D’autant qu’il s’agit de cultiver sainement des légumes du jardin et qu’il s’agit de l’environnement.

F.

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