Voici notre pays séparé en deux camps : ceux qui se shootent au foot, et ceux qui se foutent des shoots ! L’Euro de football a envahi le quotidien de nos médias, difficile d’y échapper. Il est venu à point nommé pour distraire le bon peuple des enjeux économiques et sociaux de ce printemps humide, orageux sous tous les cieux. « Du pain et des jeux » des Romains est devenu « de la bière et du foot ». Si cela peut rendre un maximum de gens heureux, tant mieux pour eux, mais gare à la démesure…
Le football est en effet un sport très envahissant. Déformation paysanne oblige, je me suis amusé à calculer la surface footballistique utile belge (enlevée à la surface agricole, j’imagine). Un terrain de foot a pour dimensions 90-120 mètres de long sur 45-90 mètres de large. Cela représente entre 40,5 ares minimum et 1,08 hectare maximum. Le plus souvent, chaque club compte plusieurs terrains, auxquels il faut ajouter les zones neutres, les buvettes (indispensables !), les vestiaires, les tribunes et les parkings. On arrive vite à 6 hectares par club, en moyenne. La Belgique compte environ 1.800 clubs, ce qui donne 10.800 hectares dédiés au football, soit environ l’équivalent d’une bonne centaine d’exploitations agricoles, voire bien davantage.
Quand on y songe… Tous ces hectares tondus, roulés, entretenus, sans qu’aucune vache n’y broute, n’y produise ni lait, ni viande ! Toute cette biomasse gaspillée, déversée dans les parcs à containers ! Toute cette énergie fossile brûlée en l’honneur du dieu Foot ! Les chaussures à crampons laissent une sacrée empreinte écologique !
Le football est devenu une véritable religion ! Déjà, dans mon enfance, on y célébrait la deuxième messe dominicale, bien plus bruyante et beaucoup mieux suivie ! Je me rappelle du terrain de foot villageois, où pâturaient des vaches en semaine. Le dimanche matin, des bénévoles venaient préparer le terrain. Ils replaçaient les piquets de corner, redressaient les montants de la cage de but, où venaient se frotter vigoureusement les vaches. Ils fauchaient le plus gros des refus, enlevaient ou étalaient les taupinières et les bouses, comme ils pouvaient. Si les héros du gazon ne sentaient pas vraiment la rose lors de leur retour au vestiaire, ce n’était pas dû uniquement à leur transpiration…
L’odeur n’était pas le pire des risques encourus par ces glorieux footballeurs de village. J’ai vu une fois un genou ouvert sur 10 cm, après une glissade sur une pierre de quartz, et un shoot malencontreux dans une taupinière oubliée, qui envoya le propriétaire du pied à l’hôpital. Sans compter la troisième mi-temps, à la buvette, où les phases litigieuses étaient « discutées » entre les deux équipes chauffées à blanc par la bière, ce qui se traduisait quelquefois par un pugilat généralisé, histoire de se prouver que l’on est vraiment des hommes !
Le club ne roulait pas sur l’or, et les ballons se comptaient sur les doigts d’une main. Parfois le ballon, objet des désirs virils de 22 combattants bourrés d’adrénaline, en avait marre de se faire taper dessus : il s’envolait bien loin des limites de jeux et allait se cacher dans des broussailles, dans un champ de foin ou même une céréale. Les « comitards » diligentaient des enfants à la recherche du trésor perdu, en leur promettant un coca ou un paquet de chips. Une année, le champ d’épeautre voisin fut piétiné aux trois-quart, lors de la quête éperdue menée par une meute de gamins. On accusa les sangliers, et le ballon passa dans la moissonneuse, une Clayson M133 qui le digéra sans même un hoquet…
Aujourd’hui, le terrain de foot a mangé tous les champs alentour. Plus aucune vache en loge VIP pour admirer le spectacle ; le gazon est tip-top nickel. La buvette dispose d’un bar immense, long comme un jour sans foot et sans bière. Un écran géant y est prévu pour accueillir les supporters des Diables Rouges. Comme on dit : y’a plus qu’à !
Et pour ceux qui s’en footent, il reste un petit mois à patienter…
Un peu de logique
J’ai entendu à la radio que l’Afsca voulait imposer aux pâtissiers du Pays de Herve préparant leur renommée tarte au riz d’utiliser uniquement du lait pasteurisé, et non du lait de ferme.
Je ne vois pas très bien où on veut en venir. Le lait pasteurisé a en effet été chauffé à 72 ºC pendant 20 secondes mais pour préparer du riz au lait, il faut cuire pendant 50 minutes à l’ébullition (95 ºC).
Je ne vois donc vraiment pas l’utilité d’utiliser le lait pasteurisé, sauf pour éradiquer les petits fermiers et les petits artisans au profit de la grande distribution. De plus, question d’hygiène, acheter les blisters des grandes surfaces que tout le monde a tripotés n’est certainement pas un exemple à suivre.
De même, l’Afsca impose, lorsqu’on installe une fromagerie dans une ferme, de carreler les murs jusqu’à 2 mètres de haut et de prévoir un sterfput au milieu de la pièce. Là, mon bon sens paysan ne suffit plus. Faire déboucher un égout dans une pièce qu’on veut par ailleurs aseptique comme une salle d’op’ me laisse rêveur.
Je finis par croire qu’il y a dans le monde politique une vraie volonté de génocide social. L’Afsca est une de ses créations. J’en veux pour preuve un postcast du Journal Télévisé de la RTBF trouvé sur internet et donc accessible à tous : fin 2013, la Fonderie de graisse Verkest, qui avait déclenché la crise de la dioxine, a été condamnée à verser 100 millions aux fabricants d’aliments pour bétail qu’elle avait lésés. Par contre, ni l’État, ni la Région flamande, ni l’Afsca n’ont demandé les 400 millions auxquels ils avaient droit.
Pas très propre tout ça.
La fête
à la grenouille ?
« Il pleut, il mouille, c’est la fête à la grenouille », chante gaiement le petit Charles allant d’une fenêtre à l’autre. Pas si sûr, trop c’est trop.
Voilà que ça coule, ruisselle, « fontaine, ça s’amoncelle, ça déborde ! Ça ne s’arrête plus. on commence à s’inquiéter. Bon, ça va bien finir ?
Eh bien non, ça continue, encore et encore. On guette le niveau de la « Douve ». c’est sûr, elle sortira de son lit.
21h, ça y est ! Et à une vitesse incroyable, l’eau monte et recouvre la prairie. Les génisses, pas si bêtes, se réfugient sur le point le plus haut.
Que faire ? Prendre la bétaillère, se tremper comme une soupe, les chasser à contrevent, à contre pluie… ? Pas évident ! Jamais on n’a vu cela en si peu de temps !
Et le matin, quelle désolation ! Les pommes de terre en partie sous eau, les jeunes plantules arrachées par le courant, l’escourgeon aplati par les coulées d’eau, le maïs à peine sorti invisible sous la boue… Les génisses sont restées en tas au seul endroit non inondé, se laissant approcher et charger sagement. Ah, la vache ! Que d’eau, que d’eau ! Nous ne sommes vraiment pas à la fête !
Les agriculteurs supermans
Il y a peu, je lis un article traitant du quotidien d’un agriculteur. Cela m’édifie : il a plusieurs centaines de bêtes et un métier annexe. Il perd de l’argent sur le lait depuis des années et le prix de la viande est le même depuis 20 ans. Par contre, les prix des matières premières et du matériel ont eux considérablement augmenté. Pourtant, il possède plusieurs bâtiments agricoles. Mais comment fait-il pour s’en sortir en produisant à perte ?
Sans doute est-il comme tous ces « gros agriculteurs » : il bénéficie de toutes sortes de facilités et astuces et peut continuer à s’accaparer les terres des « petits fermiers », eux qui ne peuvent pas avoir accès ou refusent ces avantages.
Que ces gros producteurs arrêtent de se plaindre, ils ont beaucoup d’avantages et si l’agriculture va mal, j’estime que c’est en grande partie à cause de personnes comme eux.
À chacun son tour de subir les prix agricoles.
