pour nos sols ?
pour nos sols ?
L’autre jour, lors d’une marche en campagne, un « haut gradé de la médecine » m’interpelle de façon presque affirmative : « N’est-ce pas que nos sols sont morts ?… »
Gloups… Voilà que la propagande anti-agriculture touche même les scientifiques ! J’essaie de lui expliquer que les meilleurs protecteurs des sols sont les agriculteurs eux-mêmes, qu’avant l’hiver, ils les protègent et nourrissent avec des « engrais verts » que nous appelons maintenant des « couverts », comme « couverture ». Je lui épargne le jargon des incitants coercitifs comme Cipan, SIE, PGDA. Je lui parle aussi des pneus basse-pression pour le respect des structures, des pratiques de conservation, etc.
Peine perdue, les tracteurs sont trop gros, les pesticides omniprésents, la mort est sous nos pieds.
Par chance, à portée de vue, un agriculteur semait des céréales d’automne, et les mouettes, plus perspicaces que notre spécialiste de la santé humaine, avaient repéré le garde-manger qui s’ouvrait sous leur bec.
Je lui ai fait remarquer que, comme souvent à cette époque, quand les étourneaux ou d’autres oiseaux se regroupent pour quelque migration, ils passent d’abord en cuisine, si la charrue d’un agriculteur veut bien leur ouvrir la terre. Qui n’a jamais vu ces nuées d’oiseaux derrière le sillon ? Les citadins, évidemment. Et pour qui prendraient-ils partie ? Pour les oiseaux ou les vers de terre ?
Il faut croire que la vie est bien présente, et là, je marque un point en faveur des agriculteurs, qui, de fossoyeurs deviennent nourrisseurs de nos amis les oiseaux. Mais l’affaire n’est pas pliée pour autant. Notre ami réfléchit, et s’inquiète : « Mais les semences, ne sont-elles pas désinfectées chimiquement ? » Yes, sir ! Elles ne le seraient pas, qu’il faudrait sans doute ressemer. Cela m’est arrivé un jour avec du maïs, que les pigeons sont allés chercher, graine par graine, et ligne par ligne. Oh rage, au désespoir, est-ce là votre souhait ? Certes non, me répond-il, mais ces produits sont quand même toxiques…
Pour qui ? pour les champignons parasites ? sans doute, c’est le but du jeu. Il vaut mieux peu de produit, bien localisé au départ, que la maladie, traitée plus tard, en généralisé, avec force produits. Je n’ai pas osé lui demander comment il procédait pour ses patients.
Ceci dit, si l’homme moderne a un jour inventé le répulsif, c’est pour protéger les semences mais aussi pour éviter aux oiseaux l’envie d’y toucher. Ce répulsif, l’anthraquinone, n’est plus de mise aujourd’hui. L’homme post-moderne s’en passe désormais, se fiant au seul fongicide. Apparemment, cela suffit souvent, mais pas toujours. Ce qui serait paradoxal, c’est qu’en voulant protéger la nature, on prend davantage de risques, et pour le travail de l’agriculteur, et pour les oiseaux, quand ceux-ci ne trouvent rien d’autre à se mettre… sous la dent.
Autre paradoxe : l’homme post-moderne est aussi en mesure de doser l’activité microbienne des sols et de démontrer que ceux-ci n’ont jamais été aussi vivants qu’aujourd’hui. Par contre, en agriculture, on n’a toujours pas trouvé le moyen de le faire savoir.
À la Toussaint, ce n’est pas sur la tombe des sols « morts par l’agriculture » qu’il faudrait porter des chrysanthèmes, mais bien sûr l’image de cette agriculture, cette image que la désinformation a rendu moribonde dans l’esprit d’un certain public.
