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Pour un accès simple à des structures adaptées

Bien qu’ils soient un maillon essentiel au modèle agricole actuel, les abattoirs de proximité voient leur nombre se réduire à peau de chagrin. Une situation qui a poussé le Collège des producteurs à analyser les freins au maintien des structures existantes et à dégager des pistes de solution pour la préservation de celles-ci, voire au développement de nouvelles unités. L’occasion pour Sandrine Wattiez, dudit Collège, de faire le point sur le travail réalisé.

Temps de lecture : 6 min

Coûts de main-d’œuvre élevés, manque de qualification pour les petits abattoirs, investissements de modernisation, évolution de la réglementation sanitaire… Tant de difficultés qui ont non seulement poussé de nombreux abattoirs à cesser leur activité mais également mené les pouvoirs publics à réduire leur implication dans le domaine.

Sandrine Wattiez, du Collège des producteurs, s’interroge : « Beaucoup d’études promeuvent la centralisation pour augmenter la rentabilité. Mais qu’en est-il de l’accès aux abattoirs pour les particuliers ou les professionnels qui ont un cheptel réduit ou qui sont en voie de diversification ? N’est ce pas un blocage pour certaines filières ? D’un côté, on veut stimuler le circuit-court, mais de l’autre, les outils et les réglementations qui les régissent ne semblent pas adaptés… »

60 % d’abattoirs en moins en 30 ans

Durant les années 90, l’application de la réglementation européennes et du cachet d’exportation CEE a entraîné une disparition importante des abattoirs de proximité Au total, 67 structures en Belgique furent touchées par cette réglementation.

En 1985, on dénombrait 173 abattoirs en Belgique, dont 60 sur le territoire wallon. Actuellement, il n’en reste plus que 25 agréés en Wallonie… c’est une chute de plus de 60 % en trente ans.

Pour le secteur des volailles, le bilan est encore plus lourd puisqu’il ne reste plus que trois abattoirs en Région wallonne.

Et si l’on regarde autour de nous, on s’aperçoit que la France a subi les mêmes pertes ! En effet, entre 2002 et 2010, 125 abattoirs de boucherie ont été fermés, soit un établissement sur trois. Seuls, 8,1 % des tonnages abattus ont fait l’objet d’une redistribution entre les sites d’abattage à la suite de ces fermetures.

Et Sandrine Wattiez d’insister : « Leur fermeture n’a donc pas engendré de flux vers les grands abattoirs, que du contraire. On a plutôt assisté à l’arrêt de l’élevage pour certains agriculteurs. »

Autre problème potentiel : certains abattoirs ne veulent pas travailler en dessous d’un certain nombre de bêtes (lourdeur administrative, temps, mobilisation humaine…).

Les filières fortement impactées

Si une telle situation impacte déjà fortement les filières porcine et avicole, la filière ovine/caprine est davantage impactée par le coût d’abattage. Par ailleurs, il n’existe aucun abattoir « collectif » en aquaculture. Les éleveurs sont obligés d’assumer eux-mêmes le coût des investissements.

« On se retrouve donc avec une incompatibilité entre les besoins des agriculteurs et le fonctionnement économique et logistique des abattoirs », explique Sandrine.

Diverses solutions sont envisageables. Elle pense notamment au transport organisé de petits volumes vers des abattoirs plus gros ou le redéploiement d’abattoirs locaux (modulaires ou non, mobiles ou non). Mais l’important pour les éleveurs est de pouvoir bénéficier de services de qualité, à prix abordables avec des facilités de déchargement et de nettoyage des camions, la possibilité de certification Bio ainsi qu’un atelier de découpe et d’emballage adjacent.

Un accès simple à des structures d’abattage adaptées constitue donc un enjeu économique et territorial d’importance et déterminant dans le maintien des élevages, en particulier de ceux qui alimentent la boucherie traditionnelle, les circuits courts et la vente directe.

Trois freins principaux

Le Collège a donc consulté 14 abattoirs de proximité afin d’identifier les différents facteurs de contre-performance qui influencent leur viabilité. Il s’en est dégagé trois freins principaux : les charges financières, les réglementations sanitaires et environnementales, l’encadrement.

Dans la plupart des cas, ceux-ci sont interconnectés et ne peuvent généralement être résolus indépendamment les uns des autres.

Les charges financières

Il apparaît que le facteur de contre-performance le plus important est l’inadéquation entre l’augmentation des charges financières et l’incapacité à répercuter ces charges sur les maillons en amont et en aval de la filière. Les plus importantes ? La main d’œuvre, les amortissements et investissements, les frais d’entretien…

Notons que plus les abattoirs sont de petite taille, plus le rythme d’abattage est faible et moins les économies d’échelle sont possibles. Les charges liées à la main d’œuvre, à l’Afsca et à Rendac sont donc beaucoup plus complexes à rentabiliser et constituent les enjeux majeurs de gestion des structures actuelles et futures.

Réglementations

L’absence de possibilités d’allégements de règles au niveau de l’infrastructure pour les petites structures est également mise en avant par les abattoirs interrogés. Ils estiment également que leur capacité de lobbying est trop faible pour espérer des changements significatifs du contexte réglementaire sanitaire.

Par ailleurs, la modification « régulière » des réglementations, qui sont de plus en plus exigeantes, entraîne des coûts importants pour les abattoirs.

Encadrement

Vis-à-vis de la complexité de la réglementation sanitaire, les petites structures soulignent l’insuffisance d’accès à des services d’accompagnement. Il ressort également que lors des contrôles, l’Afsca se limite à signaler les manquements existants.

Six pistes d’amélioration

En réalisant cette étude, le Collège des producteurs visait à identifier les pistes d’amélioration pour faciliter l’accès aux abattoirs par les éleveurs et les particuliers ; soit en privilégiant un rayon proche, soit en prévoyant l’organisation du transport d’animaux afin de réduire le temps consacré à ce poste par les éleveurs. Six actions ont été identifiées :

– mise en place de moyens d’encadrement spécifiques (par exemple au sein de Diversiferm) pour accompagner les opérateurs existants (notamment les abattoirs communaux) et les nouveaux projets ;

– mise en place d’une structure de concertation pour favoriser un cadre réglementaire adapté à ces structures, en regroupant les acteurs qui sont aujourd’hui dispersés sur la problématique ;

– soutien financier à apporter pour le maintien des abattoirs existants, afin de couvrir les charges liées aux mises aux normes, investissements et fonctionnement, prioritairement pour les porcs, volailles et ovins. Pour ce faire, différentes pistes ont été retenues : favoriser le modèle coopératif de sorte à diminuer les frais de fonctionnement, favoriser le partenariat public/privé et coupler les abattoirs aux ateliers de découpe ;

– accompagnement de la mise en place d’abattoirs modulaires. Cette option constitue la voie la plus appropriée en termes coût/bénéfice sous l’angle généraliste. Proposer des solutions d’abattoirs à moindres coûts est une voie privilégiée, en lien étroit avec l’Afsca pour la validation des schémas. Pour ce modèle, l’installation à côté d’outils de découpe issus des halls relais est privilégiée.

S’il est évident que l’application d’une solution unique ne résoudra pas l’ensemble des problèmes, plusieurs voies sont à analyser. Selon leur faisabilité, l’une d’entre elle sera retenue.

Pour les filières ovines/ caprines et porcines, le système de transport organisé est privilégié afin d’améliorer l’accès aux abattoirs existants, tandis que les abattoirs modulaires fixes répondent davantage aux besoins des filières avicoles/cunicoles et aquacoles.

L’unité d’encadrement pourra étudier la solution la plus propice à proposer suivant le secteur et le type de besoin en outil d’abattage. La structure de concertation, quant à elle, permettra de travailler à l’adaptation des réglementations aux spécificités des différents outils.

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