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Assurer la pousse et la santé de ses veaux

« Réussir son veau » est une équation très complexe qui demande, outre une bonne alimentation de la mère, une bonne ingestion d’un colostrum de qualité et une synchronisation de la phase lactée avec des aliments secs. Emilie Knapp et François Pauly, tous deux vétérinaires, abordent tous les aspects qui assurent leur bonne pousse.

Temps de lecture : 9 min

Il est demandé énormément de choses au veau et ce en très peu de temps : les transitions énergétique (le changement d’alimentation) et immunitaire, la maturation du système digestif et si possible un bon GQM ! L’équation est donc bel et bien complexe.

Privilégiez un colostrum de qualité !

François Pauly, vétérinaire : « En 15 ans, peu de chose a évolué au niveau de l’apport en colostrum en ferme. On rencontre encore beaucoup de soucis de conservation d’un aliment hyper riche ! »

Pour preuve, des mesures ont montré une relation de 90 % entre les immunoglobulines (Igg – les anticorps spécifiques du lait), que l’on retrouve dans le colostrum et ceux présents dans le sang du veau. La qualité du colostrum a donc un impact direct sur la qualité du transfert colostral.

Pour réussir ce dernier, un seuil doit être atteint afin d’avoir des veaux résistants, une diminution de la mortalité et de la morbidité des veaux.

« À partir de 10 à 16 g Igg/l, le transfert commence à réussir mais cela reste mitigé. On observe une diminution drastique du taux de mortalité chez les veaux, passant de 25 % à 7,5 %. Mieux vaut viser un transfert de 16 à 24 g Igg/l dans le sang du veau pour une réussite du transfert.

« En Blanc-bleu, la recommandation actuelle vise l’absorption de 110 g d’Igg minimum dans les premières heures après la naissance et de 300 à 400 g d’Igg en 24h. Plus l’on dépasse ce seuil, moindre seront les quantités à administrer (Cf Tableau 1) »

Malgré ces recommandations, peu d’éleveurs mesurent la qualité de leur colostrum. « Il est nécessaire d’installer une nouvelle routine dans les élevages, qui consiste à d’abord tester son colostrum. L’important ? Donner un premier lait de qualité, qui contient au minimum 70 à 75 g Igg/l. »

« Trayez donc un maximum de vaches dès qu’elles ont vêlé afin de vous constituer une réserve de colostrum. S’il est de mauvaise qualité, il existe une alternative : le colostrum congelé du CER à Marloie. N’allez pas en chercher chez votre voisin. Il existe un risque d’une transmission de pathogènes d’un élevage à l’autre. »

Pour sa conservation, il est conseillé de le pasteuriser. F. Pauly : « Une étude a montré une diminution de la mortalité/morbidité des veaux uniquement en pasteurisant le colostrum, à qualité de colostrum égale. Le top ? Le pasteuriser avant congélation. »

Alimentation lactée

Une fois le colostrum ingurgité, faut-il encore que le lait prenne le relais, au risque de voir le jeune épuiser toutes les Igg, les protéines et l’énergie emmagasinées.

D’un point de vue énergétique, le Blanc-bleu a toujours des besoins en énergie plus élevés que la Holstein.

« De 0 à 4 semaines, pour atteindre ses besoins alimentaires, 8 litres de lait sont nécessaires. N’espérez pas faire ce GQM avec 2 x 2,5 l ! Les besoins pour 500g de GQM sont à peine couverts », explique Emilie Knapp.

Certains éleveurs ne donnent pas plus de 5 l/ jour pour éviter les diarrhées de lait. « En réalité, le problème réside dans la matière grasse (MG). Un veau ne peut digérer qu’au maximum entre 100 et 150 g MG. Tout dépend donc de la qualité du lait donné et du rapport MG/protéines. En allaitant, le taux de protéines est toujours plus important que le taux de matière grasse, ce qui permet au jeune de bien digérer le lait. Chez les laitières, ce rapport est inversé. Pour autant que l’éleveur utilise du lait d’allaitante, la consommation de lait peut monter facilement à 6 ou 8 l par jour.

Notons que les besoins en énergie de l’individu vont également augmenter lorsque la température diminue. Les besoins énergétiques augmentent de 6 à 7 % par perte de 5ºC, d’où l’importance de garder une chaleur dépassant les 15ºC dans les bâtiments, ou d’augmenter la quantité de lait aux veaux de 0 à 3 semaines.

Quant aux besoins en protéines du jeune, ils dépendent du poids et de la croissance. Plus le veau est gros, plus il a besoin de protéines ! Ces dernières sont importantes dans la digestion. Elles permettent de cailler le lait. Si on n’a pas de caillé, le risque de problèmes de digestion augmente. « Seule la caséine caille, toutes les poudres en dessous de 30 % de protéines de lait écrémé ne caillent pas. c’est donc une digestion qui est complètement différente. »

De 0 à 3 mois, il est conseillé d’avoir 20 % de protéines dans la matière sèche.

Nombre d’études se sont intéressées à la qualité de la protéine pour la digestibilité et l’énergie. En 2003, les engraisseurs de veaux laitiers se sont intéressés à différentes poudres de lait pour des jeunes qui grandissent vite et produisent de la viande maigre. Ils ont constaté, à même ingestion de lait, le GQM des animaux était meilleur quand la poudre est plus riche en protéines. Autre constat : des animaux plus haut et un dépôt de muscles plus important que le dépôt de graisse (Cf. Tableau 3).

Développer le volume du rumen…

À côté de l’alimentation lactée, un autre challenge consiste à développer le rumen en volume. « Et pour monter en litrage, il faut pouvoir le faire assez vite ! »

Et de rappeler : « Pour la partie ruminant, il n’y pas d’ingestion de sec sans eau ! Pour 1kg MS ingérée, le veau doit consommer 4 l d’eau. Si le fourrage est nécessaire pour développer le rumen, un apport en concentrés de 0 à 6 semaines est nécessaire avant que le fourrage ne prenne le relais.

Le second challenge ? Que les besoins en énergie et protéines, liés au départ à la quantité de lait digérée dans la caillette, viennent du rumen.

Classiquement, il existe pour le lait deux grands plans d’alimentation : le classique – 600 à 700 g de poudre ou 2*2,5 l lait entier – ou l’intensif – 1 kg poudre ou 8 à 10 l lait. Que l’on choisisse un plan ou l’autre, l’ingestion d’aliments secs et le développement du rumen vont se voir impactés.

Du côté du rumen, des bactéries vont digérer le fourrage. Or, en ce qui concerne le développement de la flore, on sait que les bactéries présentes à la naissance vont permettre rapidement de la faire tourner.

Après 5 jours, les bactéries butyriques vont digérer l’amidon, les sucres et diminuer le pH afin que d’autres bactéries puissent s’installer. Les papilles, importantes à l’absorption des nutriments, peuvent alors se développer. Les bactéries propionique se développent à partir de J15 ; les bactéries cellulolytique, à partir de J20.

Il faut 2 à 3 semaines pour chaque type de bactéries soit efficaces à partir de leur apparition.

E. Knapp : « Il y a donc un équilibre à trouver entre aliments secs et lactés… pour avoir une croissance importante et éviter les problèmes de malnutrition. »

… à partir des concentrés

Pour le développement du rumen, l’éleveur a à sa disposition des concentrés. La vétérinaire pense notamment au « calf starter ». Très appétent, cet aliment de démarrage est adapté pour les 3 à 4 premières semaines. Les 5 à 10 % de fibres qu’il contient sont intéressants pour le développement de la flore cellulolytique.

Ensuite, vient le « 1er âge » qui propose deux styles d’aliments qui vont être choisis en fonction du plan d’allaitement du veau. Les aliments riches (18-22 % PBT, plutôt riches en amidon et en sucres, faible en cellulose) et les sécurisant (16 à 17 % PBT, et qui font moins d’amidon et plus de cellulose).

Mieux vaut privilégier l’achat d’aliments sécurisants si les mères ont une bonne production laitière. Si la production de lait est faible, il est plus intéressant de se tourner vers des aliments plus riches afin d’obtenir une compensation de la croissance.

Penser son plan alimentaire comme un système global

Emilie Knapp revient sur une étude menée en 2017-2018 dans un élevage de 200 mères (CF; Tableau). Celui-ci a un système classique (2x2,5l) dans lequel deux concentrés (un granulé NDF et un granulé plutôt mixte) ont été testés. Les résultats montrent une courbe de croissance exponentielle, classique de ce système.

Jusqu’à 2 mois, les deux lots ont 500 g de GQM. « À partir du moment, où ils mangent plus d’un kilo d’aliments, ils démarrent. Le choix du concentré et le timing sont donc importants. Le choix du programme d’allaitement conditionne le choix et la façon dont on gère l’aliment sec avec les deux aliments différents. »

Entre 3 et 4 mois, les GQM sont de 750g pour le lot qui reçoit le granulé NDF (fibreux), et de 900 g pour les lots lot au granulé plus riche. On voit que le rumen a pris assez vite le relais. À 6 mois, il n’y a plus de différence de croissance.

La vétérinaire : « Pour gagner le maximum de croissance le plus rapidement possible et améliorer la santé, le plan d’alimentation doit être pensé comme un système global. »

Quid des fourrages ?

Et d’aborder la question des fourrages : « C’est un grand débat ! Si l’éleveur en met trop tôt (avant 4 semaines), il peut y avoir un souci énergétique avec un encombrement du rumen sans digestion ni absorption. »

« Si on les donne trop tard (8 à 10 semaines), un risque acidose peu survenir au sevrage. D’où l’importance de trouver le bon moment pour en donner. »

Pour l’oratrice, que l’on donne du foin de foin, de la paille… peu importe… les veaux doivent en manger. À chacun de trouver son système ! Si la paille fonctionne dans une ferme, qu’elle continue dans cette voie. Toutefois, il faut penser au fait que la paille n’apporte aucun nutriment. L’aliment à côté devra être un peu différent.

En ce qui concerne les ensilages, mieux vaut ne pas en donner trop tôt. Elle préconise de ne pas donner du maïs avant 5 mois. En ce qui concerne les ensilages d’herbe, ça dépend leur qualité. Idéalement, le veau doit être sevré d’un mois avant d’en recevoir. Et ce, pour avoir une bonne digestion et pour linéariser les croissances. « Toutefois, si les ballots sont bien conservés et qu’ils ont un bon taux de sucre avec plus de 50 % de MS, on peut en donner au sevrage sans problème», indique-t-elle.

Et l’eau ?

L’eau est évidemment importante pour plusieurs raisons. Elle permet de développer le rumen, de faire travailler le métabolisme et la bonne ingestion d’aliments secs. Il est donc très important d’apporter de l’eau en plus du lait. Et surtout quand l’éleveur pense s’orienter vers des programmes intensifs en lait.

Pour Emilie Knapp, la qualité de l’eau peut poser problème. « Il est important de prendre en compte la dureté de l’eau surtout pour les éleveurs qui utilisent des poudres de lait. Elle a vraiment un impact sur la solubilisation de la poudre… Mieux vaut analyser son eau que ce soit d’un point de vue qualité, dureté et sanitaire !»

P-Y L.

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