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La salinité en serre maraîchère

Récurrent chaque année, le problème de la salinité en serres maraîchères reste une préoccupation majeure. En cette fin d’hiver, nous devons prendre un maximum de précautions pour limiter les conséquences fâcheuses pour les cultures qui occuperont le terrain lors des prochains mois.

Temps de lecture : 5 min

Ce point a déjà été abordé plusieurs fois dans le Sillon Belge, notamment dans l’édition du 18 mai dernier. Depuis lors, l’été chaud et lumineux a amené de forts besoins en eau d’irrigation dans les serres maraîchères. Les très faibles précipitations n’ont pas permis le renouvellement en suffisance des réserves en eau de pluie. Dans de nombreuses situations, les apports d’eau pour les cultures d’été ont été calculés au plus juste ou réduits. Les cultures d’automne se sont retrouvées dans une situation comparable. De sorte que se posent des interrogations sur le niveau de salinité des sols actuellement.

État des lieux

Quand l’évaporation et l’absorption d’eau par les cultures sont significativement plus importantes que les apports, nous constatons une remontée capillaire d’eau qui amène des sels dissous et leur accumulation dans la partie supérieure du sol. Quand le bilan reste déficitaire sur une longue période, la teneur en sels solubles dans l’eau peut devenir très élevée. Nous observons alors deux nuisances : une toxicité par excès de sels et un déséquilibre entre les éléments nutritifs.

Le constat est évident dans les cas extrêmes, avec un arrêt de la croissance et apparition de signes de toxicité ou de blocage sur la végétation. De manière moins évidente dans un premier temps, nous observons également une sensibilité accrue des cultures à des maladies de faiblesse.

En pratique, ce sont d’abord les racines qui se développent moins bien ou qui fonctionnent moins bien lorsque la salinité est élevée. L’exploration du profil du sol est moins performante. La captation par les plantes diminue, l’absorption d’éléments mineurs devient insuffisante.

Deux signaux

Le premier constat est un retard de la culture sur le calendrier prévu. Elle tarde à s’installer, les plantes prennent une teinte plutôt foncée. L’élévation de la salinité du sol modifie la tonicité de la solution du sol rendant l’absorption d’eau plus difficile par les plantes. Celles-ci montrent des signes de perte de turgescence lors des heures chaudes de la journée, de flétrissement temporaire ou permanent, voire même des mortalités. Un fait nous oriente dans la réflexion : les adventices ne se développent pas très bien non plus. Elles sont moins nombreuses, elles restent plus petites que d’habitude. Comme plusieurs espèces végétales sont concernées par nos observations, même si c’est à des degrés divers, notre réflexion dépasse les seuls symptômes de maladies spécifiques. Mais n’oublions pas que certains champignons telluriques s’étendent aussi en multi-espèces et en affectant les racines, ils amènent des premiers symptômes proches de ceux de la salinité.

Un autre signal, la répartition de zones de la serre où la situation est plus préoccupante qui correspond aux zones où les asperseurs se croisent moins bien. En ces endroits où les apports d’eau sont les plus faibles, les plantes souffrent davantage. Sous serre maraîchère, les seuls apports d’eau proviennent de l’irrigation. Tout manquement ou mauvaise répartition aura des conséquences sur le risque de salinité. Si les asperseurs recouvrent insuffisamment les zones irriguées, nous pouvons avoir l’impression que le sol est mouillé partout, mais les quantités apportées ne sont pas les mêmes sur chaque m² de la serre. Nous pouvons nous en rendre compte quand le sol se ressuie après une irrigation et de manière plus précise en installant une série de pluviomètres en différents endroits de la zone mouillée par un asperseur. Il n’est pas rare de constater des différences d’apports d’eau dans un rapport de 1 à 4.

Quantifier le problème…

Une analyse de sol réalisée pour la détermination de la salinité est la méthode recommandée pour quantifier le problème. Sur la base de celle-ci, nous pourrons entamer une série d’irrigations destinées à lessiver les sels en excès et les diluer dans le profil. Les éléments minéraux restent disponibles pour les cultures, mais sont moins concentrés dans la partie supérieure de la zone d’enracinement.

Il ne s’agit pas d’une analyse classique des éléments fertilisants mais bien d’une analyse spécifique. La mesure de la teneur en sels solubles par kg de sol se fait généralement par une mesure indirecte, plus rapide. Parmi les méthodes usuelles, la conductivité exprimée en milli Siemens/cm ou en micro Siemens/cm d’un extrait aqueux au 1/5 est en lien direct avec la teneur en sels solubles. D’autres méthodes rapides sont utilisées également pour estimer de manière indirecte la concentration en sels, comme celle de la détermination de la conductivité électrique à 25ºC d’un extrait de pâte saturée, par exemple.

… pour le corriger le plus rapidement possible

Avant l’implantation des nouvelles cultures de printemps, prenons rapidement la mesure du problème de salinité dans chacune de nos serres, et envisageons les irrigations correctrices tant que nous avons de l’eau de pluie disponible dans nos réserves. Les besoins en eau d’irrigation correctrice peuvent se calculer. Les paramètres dépendent de la nature du sol, des qualités de l’eau, de la quantité de sel à éliminer. L’irrigation correctrice est plus facile à calculer et à mettre en œuvre durant la période entre deux cultures.

Simplement comme ordre de grandeur, des apports de l’ordre de 200 mm d’eau de pluie permettent de corriger pas mal de situations sous au moins deux conditions : 1º le drainage est suffisant et efficace ; 2º les asperseurs ont été réaménagés pour que les précipitations soient réparties uniformément avec des variations d’au maximum 20 % entre les extrêmes.

Une gestion optimale de l’irrigation implique une adaptation des apports pour satisfaire aux besoins de la culture en place y compris les pertes au niveau du sol. L’emploi d’appareils de mesure de l’humidité dans le sol comme les tensiomètres par exemple sont bien utiles.

Les apports de fumures raisonnées permettent d’éviter des fluctuations saisonnières importantes au fil de l’année. Le paillage, les techniques de travail du sol, de bonnes structures de sol sont autant d’éléments qui permettent de limiter les évaporations en surface de sol et les remontées capillaires. Une teneur en matière organique du sol correspond à un pouvoir tampon et une capacité d’échange élevé. Le seuil de toxicité de la salinité sera plus élevé avec des sols à teneur élevée en matières organiques.

Les fumures minérales classiques seront fractionnées pour limiter les quantités apportées par intervention. Les engrais retard et les engrais organiques libèrent les éléments progressivement.

F.

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