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Le soja, petite graine devenue symbole

d’une guerre commerciale

Plutôt décriée pour son mode de culture intensive principalement destinée à la toute aussi intensive production mondiale de viande animale, le soja connait ces derniers temps un destin d’une envergure insoupçonnée. Alors que le déficit commercial mensuel aux Etats-Unis atteint les 60 milliards de dollars, cette petite graine de quelques millimètres à peine a engendré, en grande partie, une réduction de -14.6% de ce déficit en février dernier. Dans un contexte de guerre commerciale qui avait vu ses exportations vers la Chine considérablement reculer ces derniers mois, la graine de soja devient donc, malgré elle, le symbole d’un conflit international qui tarde à se conclure entre les 2 nations. Un symbole qui pèse la bagatelle de 12 milliards de dollars.

Temps de lecture : 3 min

La Chine joue au yoyo

avec le soja

Premier importateur mondial d'oléagineux, la Chine achète généralement du soja aux États-Unis au cours du dernier trimestre et des deux premiers mois de l'année, lorsque la récolte américaine domine le marché. Or, les premiers effets de rétorsion de la guerre commerciale se font ressentir depuis novembre dernier. Et si sur cette période traditionnelle d’achat, la Chine importait 27,7 millions de tonnes de soja il y a un an, elle n’en a acheté que 9,4 millions de tonnes à fin février 2019.

Les acheteurs chinois se sont donc tenus à l'écart des produits en provenance des Etats-Unis, son deuxième fournisseur en importance. Et pour compenser cette perte, la Chine a importé 1,986 million de tonnes de soja brésilien en février, soit 13% de plus que les 1,75 million de tonnes à période équivalente. La Chine a donc utilisé le soja, un produit auquel elle tient indubitablement, comme arme de pression dans ses discussions avec les Américains. Preuve en est que la trêve de 90 jours de pourparlers, négociée début mars et prolongée depuis lors, a immédiatement résulté sur un engagement des Chinois à acheter 10 millions de tonnes de plus. Et signe supplémentaire d’un éventuel réchauffement des relations, la Chine a importé 907 754 tonnes de soja américain en février 2019, contre 135 814 tonnes en janvier.

Les agriculteurs américains font « tapis » sur la graine

Reste que cette commande de 10 millions supplémentaires et ces prémices de jours meilleurs ne compenseront pas le manque à gagner pour les agriculteurs américains. Car, tant que les tarifs douaniers imposés par Trump resteront d’application, les sanctions chinoises sur les importations perdureront.

Avec une relation commerciale presque inerte entre les 2 nations, les agriculteurs se voient contraints d’accumuler des récoltes qu'ils ne peuvent pas vendre. Le gouvernement américain estime d’ailleurs que lorsqu'ils commenceront à cueillir la prochaine récolte, les agriculteurs auront dans des silos de stockage pas moins de 900 millions de boisseaux de soja (son unité de mesure), soit l’équivalent de 8 milliards de dollars invendus cette année.

Pourtant, les agriculteurs américains se préparent paradoxalement, à planter ce qui pourrait être leur troisième récolte de soja en termes d’importance. N’ayant pas de meilleure option, d’après eux, et sans oublier qu’ils ont fait des investissements à long terme, qu'il s'agisse d'équipement ou d'entreposage, ils continueront à semer du soja malgré les incertitudes.

Reste, aux yeux de ces agriculteurs, que si cette diminution de la demande a provoqué une chute des prix dans un premier temps (cfr graphique), une légère reprise de ces derniers leur a finalement permis de s’en sortir avec bien évidemment la mise en place par le gouvernement américain d’un programme d'aide agricole de 12 milliards de dollars.

Devenu le symbole de cette guerre commerciale, le soja pourrait cependant progressivement reprendre le cours d’une vie normale dans la mesure où, à l’approche des prochaines élections, les agriculteurs représentent pour Trump une source importante de votes, ce qui l’incitera certainement à conclure un accord a minima avec les Chinois.

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