Avant de renouveler
votre charrue, prenez
le temps de la réflexion
Ces quelques questions et considérations vous aideront
à opter pour l’outil correspondant le mieux
à votre situation et au travail à effectuer.
Nous avons souhaité, à travers ce dossier, parcourir les principales questions à se poser en vue de l’achat d’une charrue mais aussi les pièges et écueils à éviter. Pour ce faire, nous avons rencontré un spécialiste en la matière, Dominique Emond, responsable commercial chez Pöttinger.
Charrues soudées et boulonnées
Il est avant tout utile de relever qu’il existe deux grands types de charrues réversibles sur le marché belge : les constructions d’inspiration française qui reposent sur une structure soudée et les charrues de type germanique disposant d’une structure boulonnée. En soi, ces structures présentent toutes deux des avantages. Il ne serait pas exact de dire que l’une d’elles est systématiquement meilleure que l’autre.
Les charrues soudées se distinguent par leur robustesse globale tandis que les matériels boulonnés se caractérisent par une souplesse et une flexibilité plus importante. Leur comportement et leur longévité peuvent donc varier en fonction des conditions d’utilisation.
Un premier choix est par conséquent à poser concernant la conception et l’architecture de la charrue souhaitée.
En fonction du tracteur utilisé
Se pose également la question du nombre de corps de la charrue. « Beaucoup de professionnels prennent uniquement la puissance de leur tracteur comme référence pour déterminer le nombre de corps », relève Dominique. « C’est une erreur. Plus que de puissance, c’est de capacité de traction dont il faut parler. En effet, force est de constater que l’évolution de la puissance des tracteurs ne suit pas celle de leur poids selon une courbe parallèle. Aujourd’hui, nombre de tracteurs de plus de 200 ch sont relativement légers et ne disposent pas de la même capacité de traction que des véhicules plus lourds ».
Cette aptitude à la traction dépend de plusieurs facteurs tels que, bien entendu, la puissance du moteur mais aussi le poids global de l’engin, la répartition des masses, les pneumatiques ou encore le type de sol. « Certains demandent parfois s’il est possible d’opter pour une charrue qui pourrait être attelée au tracteur de tête de l’exploitation qui, par exemple, développe 230 ch et qui pourrait aussi être emmenée par le second tracteur de la ferme, d’une puissance de 130 ch. Aucune charrue ne peut aller à la fois avec un tracteur de 230 ch et un autre de 130 ch et donner entière satisfaction dans des conditions d’utilisation données avec ces deux tracteurs. »
Une charrue doit se choisir par rapport à un tracteur. Il est donc fondamental de bien réfléchir à cet aspect des choses, surtout si des changements de tracteurs sont envisagés. « Ce peut être le cas chez un entrepreneur possédant plusieurs engins ou chez un agriculteur ayant planifié l’achat ultérieur d’un nouveau modèle », insiste-t-il.
Sélectionner une barre d’attelage compatible
La conception de la charrue et les caractéristiques techniques du tracteur permettent ensuite de définir la tête d’attelage, le système de retournement et la fusée de la charrue. Le diamètre de cette dernière est un paramètre à prendre en compte en ce qui concerne la longévité du matériel.
Il existe sur le marché des fusées pleines ou creuses. La pièce pleine, plus simple à fabriquer, est la plus fréquente. La fusée creuse a l’avantage d’être plus résistante car l’acier peut être traité tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Qui plus est, elle autorise le passage des flexibles hydrauliques en son centre.
Toujours au sujet de la tête de la charrue, il convient de s’attarder sur la barre d’attelage. Il est impératif d’en sélectionner une qui soit compatible avec les dimensions du relevage du tracteur (catégorie II ou III) et qu’elle soit correctement positionnée, tant par rapport à la charrue qu’au tracteur. Si un changement de tracteur est envisagé à l’avenir, il existe des charrues dont les pièces de fixation de la barre d’attelage peuvent être adaptées longitudinalement et verticalement.
De même, il est indiqué d’opter pour une charrue disposant de plusieurs points de fixation pour le 3e point. En effet, une mauvaise géométrie de l’attelage peut engendrer des difficultés de traction ou de terrage de la charrue.
Quels versoirs pour ma charrue ?
Une fois le type de charrue déterminé, il reste à choisir les composants des corps qui l’équipent. Les corps se différencient effectivement en fonction de la profondeur et de la largeur de travail.
Pour poser les bons choix, il n’y a pas de secret : il faut une nouvelle fois se plonger dans les conditions de travail que rencontreront ces équipements. Veut-on effectuer plutôt des labours droits ou couchés, ouverts ou fermés ? Travaille-t-on essentiellement en labours d’hiver ou de printemps, en terres légères ou lourdes ? Les pierres sont-elles abondantes ? Le tracteur est-il pourvu de roues larges ?
« Cette dernière question est importante car elle permet de fixer le dégagement de raie nécessaire pour que le pneu puisse y prendre place. Toutefois, certains ne prêtent attention qu’à la largeur de ce dégagement de raie. C’est également une erreur de procéder de la sorte ; il faut aussi s’attarder sur la profondeur de travail. Labourer plus large implique de labourer plus profondément, sans quoi les caractéristiques du labour seront modifiées et le résultat final altéré. »
« En plus de la largeur du versoir, il faut que le soc soit adapté », prévient Dominique. Le résultat escompté par rapport aux conditions d’utilisation permettra d’opter pour un versoir long, accompagnant « en douceur » la bande de terre et l’émiettant donc peu, ou un versoir court, retournant la terre plus vite et convenant davantage à un labour de printemps ou en terres difficiles. De la même façon pourra être défini le profil du versoir : hélicoïdal, cylindrique, universel…
Certains utilisateurs choisissent des versoirs à claire-voie. « Ces derniers ont l’avantage d’occasionner moins de frottements et donc de demander moins de traction. Cependant, il faut être conscient qu’ils ne fonctionnent de manière optimale que dans des sols qui s’y prêtent. Lorsque ce n’est pas le cas, la couche de terre n’étant pas en pression sur toute la surface du versoir, elle a tendance à se fragmenter entre les bandes métalliques. Cela engendre alors un émiettement important, pouvant résulter en des terres fermées, battues par la pluie en cas de labour d’hiver, et ce particulièrement en sols limoneux ou sablonneux », avertit Dominique. « Par contre, ces versoirs sont très bien adaptés pour des terres plus lourdes et en conditions de labour de printemps car ils facilitent le travail de préparation du sol ».
Certains versoirs sont constitués d’un seul tenant ; d’autres sont fabriqués en deux parties, le nez du versoir étant indépendant. Cette dernière configuration permet de réduire les coûts d’utilisation, puisque seul le nez est à remplacer quand il est usé. Cette partie du versoir est en effet la partie subissant le plus de frottements et s’usant donc le plus vite. Par ailleurs, plus ce nez est large, mieux c’est car il existe une zone de remous à l’arrière engendrant également pas mal d’usure.
Sans oublier le soc, le coutre et la rasette
En ce qui concerne le soc, outre sa largeur qui doit être compatible avec le versoir, son profil est aussi à définir. Le soc avec pointe réversible constitue la solution traditionnelle. En cas de terrains caillouteux, le soc à bec de canard lui est préféré car il a tendance à repousser les pierres vers le bas, plutôt que les faire remonter en surface. Certains constructeurs proposent également des socs munis d’un couteau vertical en vue d’un émiettement plus poussé de la bande de terre.
Quant au coutre, la plupart des fabricants proposent un coutre-aileron ou un coutre circulaire (lisse ou crénelé). Ce dernier est très peu rencontré, du fait notamment de son prix et du surpoids engendré.
La troisième solution, fréquente, consiste à faire jouer le rôle de coutre au bord d’attaque du versoir. Ceci permet d’éliminer le coutre comme pièce physique indépendante, de libérer dès lors de l’espace et d’offrir plus de dégagement mais cela engendre plus d’usure sur le nez de versoir. La présence d’un coutre-aileron ou d’un coutre circulaire est toutefois généralement maintenue sur le dernier corps afin de tracer une raie de labour nette.
La rasette est un autre organe dont les dimensions et profil doivent être choisis consciencieusement. Elle doit, par exemple, offrir une hauteur suffisante pour travailler dans des engrais verts ou des restes de maïs.
Le compromis dégagement – dimensions
Il est pertinent aussi de prendre en considération les distances séparant les différentes pièces de la charrue. Plus ces distances sont grandes, plus la charrue offre des dégagements importants pour éviter les risques de bourrages entre les corps. Le revers de cette médaille est qu’elle est également plus longue et encombrante, sollicitant davantage le relevage du tracteur et générant un porte-à-faux important.
Il y a donc lieu de déterminer le compromis idéal entre dégagement et dimensions de la charrue. « À cet égard, il faut tenir compte de la distance entre les corps, de la distance entre la rasette et la pointe du soc ainsi que de la hauteur de la charrue », intervient Dominique. « Et concernant cette hauteur, il faut être particulièrement attentif aux informations reçues. »
En général, cette hauteur correspond à la distance entre la pointe du soc et la poutre. Des constructeurs renseignent parfois la distance entre la pointe du soc et le centre de la poutre. « Ces quelques centimètres d’écart, si l’on n’y a pas pris garde, peuvent se ressentir au travail. En cas de doute, il ne faut pas hésiter à utiliser un mètre pour mesurer physiquement ces cotes lorsque l’on compare différents matériels. Il est utile également de veiller à ce que la position des rasettes puisse être réglée tant à la verticale pour la profondeur de travail, que longitudinalement, d’avant en arrière, pour adapter le dégagement à la situation rencontrée ».
Ne négligez pas la roue de jauge !
Parfois jugé secondaire, le choix de la roue de jauge n’est pourtant pas à négliger. Certaines charrues simples et comportant peu de corps peuvent être pourvues d’une roue métallique. Ce genre de roue n’est plus légion car elle ne porte pas bien, ne bénéficie généralement que d’un petit diamètre et a tendance à coller. Le choix se porte alors plutôt sur une roue de jauge pendulaire.
Des marques proposent aussi une option de roue de jauge double. Cette alternative peut se révéler intéressante pour les labours sur des parcelles en pente. La roue de jauge double, n’étant pas pendulaire, est systématiquement placée en position idéale de travail, ce qui n’est pas toujours le cas de la roue pendulaire simple.
Une dernière solution consiste en une roue de dimension supérieure jouant à la fois le rôle de roue de jauge et de roue de transport. Comme le précise Dominique, « la roue de jauge et de transport peut être un choix mais peut aussi s’imposer pour les charrues longues et lourdes car, avec de tels outils, la charge admissible sur l’essieu arrière du tracteur serait légalement dépassée sur la route. En pareil cas de figure, il faut également veiller à doter la charrue des équipements de signalisation et d’éclairage conformes aux législations en vigueur ».
Ces roues peuvent généralement être placées en position arrière ou en position avancée. En Belgique, la tendance est plutôt de positionner la roue en position avancée sur la poutre de la charrue. Cette configuration autorise des labours au plus près des bordures lorsque la charrue est ouverte au maximum.
Sécurité boulon ou non-stop ?
Les sols dans lesquels évoluera la charrue conditionnent également le dispositif de sécurité à adopter.
Le système de sécurité le plus simple est incontestablement celui à boulon de sécurité. Ce dernier n’est pas envisageable dans les sols trop caillouteux, la fréquence du bris du boulon y serait trop importante. Lors de la rupture du boulon, il est fondamental de le remplacer par un boulon strictement identique, autant au niveau de la direction de la contrainte de rupture (traction ou cisaillement) que de sa résistance mécanique.
Il existe également des sécurités non-stop, mécaniques ou hydrauliques, permettant au corps de s’effacer en cas d’obstacle et de se replacer en position de travail une fois celui-ci franchi.
Dans le cas d’une sécurité mécanique, celle-ci est assurée par un ressort dont la rigidité maintient le corps en position de travail jusqu’à ce que les contraintes subies par celui-ci ne vainquent la résistance du ressort.
Le souci avec ce type de dispositif est que le ressort est taré d’usine. Si, sur certaines charrues, un réglage est possible, ce dernier est difficilement mesurable, et donc dosable. En pratique, peu d’utilisateurs affinent ce réglage. Un second défaut apparaît également avec ces sécurités mécaniques : le corps ne peut en général se dégager que dans une seule dimension (soit verticalement, soit latéralement).
A contrario, une sécurité non-stop hydraulique permet souvent au corps de s’effacer dans les deux dimensions susmentionnées. Avec ce type de sécurité, les corps demeurent en place grâce à la pression régnant dans un circuit hydraulique. Ce n’est que lorsque les contraintes sur le corps supplantent la résistance causée par cette pression que le corps s’efface devant l’obstacle.
L’avantage de ce montage est qu’il est réglable facilement et précisément : il suffit d’ajuster la pression dans le circuit en se référant au manomètre pour adapter son seuil de déclenchement. Il est aussi à noter que cette sécurité permet un dégagement important du corps de charrue. Son inconvénient principal réside dans son coût supérieur.
Il en existe deux variantes : la première possède une boule d’azote pour l’ensemble des corps de la charrue tandis que la seconde en comporte une par corps. La deuxième solution est plus performante. Effectivement, dans le premier cas, lorsqu’un corps se dégage, il fait monter la pression dans l’accumulateur ; si un autre corps doit se dégager, il ne pourra le faire que lorsque la contrainte subie aura dépassé la pression augmentée.
« Naturellement, ces systèmes de sécurité ont chacun leur coût. Il faut parvenir à sélectionner celui qui amène la plus grande plus-value dans le cadre du meilleur compromis entre les besoins, l’efficacité et le prix », souligne Dominique.
Comment régler la largeur de travail ?
Retournement… et réalignement
Accroître l’adhérence du tracteur
