Le génome des animaux

pour guider la gestion

de son exploitation

Une vision… « ou comment mettre en relation la réalité de la production animale par rapport à un futur, je l’espère, meilleur pour les éleveurs, et pour nous tous qui sommes proches du secteur. Car, tout le monde le sait, la réalité agricole est difficile »

Mais Nicolas Gengler préfère s’attarder sur les perspectives positives et sur ce que l’agriculture devrait être : des produits à haute valeur ajoutée, pour lesquels le producteur reçoit un prix juste, l’élevage d’animaux très efficients et robustes, pour lesquels l’éleveur veille à leur bien-être. »

« N’oublions pas le bien-être des éleveurs et les outils potentiels disponibles qui permettent de l’aider dans son quotidien ».

Pour lui, cet ensemble a un lien avec la sélection animale. « Car si l’on fait un bon travail de sélection, on contribue de façon permanente et cumulative à une amélioration de l‘élevage. »

Connaître ses objectifs de sélection

La réalité en ferme est liée aux objectifs de sélection : il faut être sûr de la direction que l’on veut prendre. Et pour ce faire il faut que les nombreux acteurs impliqués puissent communiquer. Et c’est là que le bât blesse !

« Éleveurs, structures d’élevage, scientifiques, consommateurs, pouvoirs publics… ont intégré entre eux des moyens de communication qui peuvent être clairement améliorés.

Ensuite, il est impératif de réaliser des efforts conjoints et ce en rassemblant les aspects matériel, humain et financier pour avancer dans ces objectifs de sélection

Faut-il encore avoir les donnés nécessaires pour atteindre ces nouveaux objectifs ! Et de rappeler que dans l’ère de la génomique, le phénotype, soit l’appréciation visuelle des animaux, est roi !

Le règne du phénotype

Aujourd’hui, il semble que les données d’élevage soient la nouvelle ruée vers l’or. Si elles sont effectivement importantes en nombre, elles ne sont pas un phénomène nouveau. Les premières grandes « Big Data » sont d’ailleurs liées à la production laitière. Mais toujours faut-il y avoir un accès et qu’elles soient de qualités et organisées.

« Il n’y a pas si longtemps, on voulait ces données centralisées avec la vache bien évidemment au centre et l’éleveur ainsi que tous les acteurs qui gravitent autour. Toutes ces activités génèrent des données, aussi bien au niveau des humains, que le contrôle laitier, les analyseurs en lait, les systèmes de Dac et la génomique, un nouvel outil de gestion… On gère donc de nombreuses données centralisées, qui sont ensuite restituées et revalidées.

Aujourd’hui, ce modèle est abandonné au profit d’un « cloud », un nuage qui collecte systématiquement toutes les données d’où qu’elles viennent. On passe donc à un système moderne, dynamique géré selon certains principes du Big Data.

« Ce n’est pas tout de récolter des données, faut -il encore en retirer de la valeur. Quand on voit des sociétés comme les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, ndlr) qui génèrent d’énormes bénéfices avec des données que nous, citoyens, leur donnons souvent gratuitement… C’est une évolution et une opportunité que l’on doit saisir.

« Aujourd’hui nous pouvons réaliser un phénotypage fin. Les sources de données sont multiples grâce aux différents capteurs et aux niveaux de données qu’ils procurent, le tout en temps réel. »

En élevage, l’éleveur doit pouvoir, bénéficier d’une analyse de données en temps réel. « Avant, il fallait près de deux semaines avant d’avoir les résultats de contrôle laitier, un laps de temps aujourd’hui considérablement réduit. »

Notons que la validation est importante car les données viennent de diverses sources, de systèmes souvent fermés. « Est-on sûr que ces systèmes nous donnent des informations cohérentes ? »

Leur utilité est surtout créée par la consolidation de ces données, ce qui fait leur valeur. Ces big data ont donc des influences diverses sur les évaluations génétiques !

Des évaluations continues

Connaître les caractéristiques génétiques d’un animal, c’est avant tout le résultat d’une collecte d’évaluations continues, d’informations qui évoluent rapidement. « Et si les données changent, les résultats également. Si le système permet d’avoir des données à un rythme beaucoup plus soutenu, objectivement, il est possible d’accumuler durant des mois des nouvelles données, pour avoir au final un changement «monstre» dans les résultats d’évaluation. C’est encore exacerbé en génomique où les méthodes évoluent en permanence.

Toutefois, l’évaluation continue, grâce aux différents capteurs, permet d’avoir les dernières informations. Et plus on a l’information rapidement, plus l’aide à la décision est pointue. Ces données mises en relation avec le phénotype sont clairement un avantage à la conduite de l’élevage.

« Je pense qu’il y a un grand malentendu sur les évaluations génétiques ! Elles ne servent pas seulement à indiquer à l’éleveur quels animaux il doit accoupler, mais bien quels animaux il va garder, quel animal a potentiellement un risque de santé… L’avenir des évaluations génétiques ? Contribuer davantage à la gestion de l’élevage et c’est important car le génotypage a un coût qui n’est soutenable que si les éleveurs ont des retours à long terme », insiste Nicolas Gengler.

Des concepts aux réalisations

De tels concepts ne sont pas neufs. Ils étaient déjà évoqués en 1993 aux États-Unis par des chercheurs qui œuvraient à donner de telles informations aux fermiers.

« … informations génétiques mises à jour… », « … certains calculs pourraient être faits à la ferme… », « … de nouvelles données pourraient être automatiquement transmises de et vers (les fermes) »… À cette époque, certaines idées ont l’air un peu fantastiques mais aujourd’hui, nous sommes en train de les réaliser.

Le premier de ces trois concepts est très pertinent dans le domaine génomique. En effet, pour les éleveurs qui réalisent les tests génomiques à la naissance de leurs veaux, les chercheurs ont développé une méthode qui permet d’intégrer les effets SNP (marqueurs que l’on exploite sur le génome pour apprécier les valeurs d’élevage) mis à jours régulière ment auxquels des capteurs (ou des résultats d’analyses) peuvent fournir des phénotypes. « Nous travaillons actuellement sur des stratégies de calcul génomique basées sur une mise en commun optimale des phénotypes et des informations génomiques. C’est intéressant pour obtenir des valeurs d’élevage chez les femelles notamment.

C’est d’autant plus intéressant que ces valeurs associées à leur environnement permanent permettent de prédire leur capacité de « production » prédites génomiques. L’intérêt est donc évident pour les prises de décisions.

Pour ce qui est des calculs réalisés en ferme, Nicolas Gengler estime clairement que la plupart des ordinateurs en ferme sont clairement sous utilisés. « Il y a une puissance de calcul qui pourrait être mieux valorisée en collaboration avec des fournisseurs de logiciels par exemple. Le potentiel d’intégration d’informations est énorme. »

Et l’orateur veut aller beaucoup plus loin en proposant des idées davantage visionnaires comme l’apprentissage fédéré : un modèle développé par Google AI qui permet un apprentissage machine collaboratif qui peut travailler sans données d’apprentissage centralisées. C’est comme un smartphone qui peut personnaliser des modèles (reconnaissance de frappe, par ex.), localement, en fonction de son utilisation ; les mises à jour de nombreux utilisateurs sont agrégées ; un consensus est établi pour changer de modèle partagé… et la procédure se répète. Derrière ce concept, les applications sont nombreuses ! Et de prendre pour exemple le contexte de développement et l’utilisation de données spectrales du lait. Il est dès lors possible d’adapter des « modèles » (équations) aux conditions locales. Il prend pour exemple la détection acétonémie pour laquelle on a chaque fois une validation du vétérinaire qui doit intervenir. Ce dernier consolide alors ce modèle local. par type de fermes on pourrait également voir des modèles qui se spécialisent… Derrière ces applications se cache un avantage primordial : on n’échange aucune donnée de base, la confidentialité est donc excellente, ce qui est important dans le monde des capteurs.

Les données étant moins nombreuses à échanger, cela permet un transfert rapide des informations, et ce même quand la connexion internet est lente.

Au niveau du monde de la recherche, des applications sont également possibles pour la génomique. Il y a des collaborations possibles entre pays (avec la France notamment) en échangeant les effets SNP (des équations capables de tenir compte de ce qu’il se passe en France) sans avoir d’échanges de génotypes de référence !

Les opportunités en évaluations génétiques

La rapidité et les mises à jour fréquentes peuvent jouer un rôle important dans les évaluations génétiques. Du point de vue des taureaux, quand on a une carte pour un reproducteur, le fait que les résultats changent tout le temps peut poser problème à l’éleveur. Dans d’autres pays, les analyses sont réalisées dans le dos des éleveurs à la seule destination des vendeurs de semence. Une sorte d’évaluation inofficielle. Si cette pratique est critiquable, la génomique coûte cher, et les gens qui sont prêts à payer pour ont droit à un service à la pointe. Notons que ces évaluations continues peuvent permettre aux éleveurs de voir qu’un taureau qui était censé être bon l’est moins… ou l’inverse.

Les évaluations génétiques peuvent également être spécifiques au besoin. Chaque producteur a ses spécificités. Nombreux sont les éleveurs à être intéressés par une évaluation génétique de leurs animaux sur la qualité fromagère. «Et on a les outils infrarouges pour travailler sur ce thème; faut-il encore avoir les moyens financiers, humains et matériels pour aller dans un conseil génétique».

L’orateur insiste encore sur l’importance de maintenir des échanges entre fermes et des collaborations respectueuses, qu’elles soient nationales ou internationales, car «l’Union fait la force», se plait-il a dire.

Pour lui le saint Graal des évaluations génétiques est de devenir capable d’aider les producteurs par une gestion guidée par le génome de leurs animaux.

P-Y L

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