
Anthropologue français, spécialiste des épidémies, et auteur du tout récent ouvrage « Les sentinelles des pandémies », Frédéric Keck rappelle qu’avec d’autres scientifiques virologues spécialistes de l’Asie, il avait averti du risque bien réel d’une pandémie telle que celle que nous vivons aujourd’hui. « Née en Chine fin 2002, avant de s’étendre à l’échelle mondiale en 2003, la crise due au syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) causée déjà par un coronavirus a été très peu comprise en Europe, alors qu’elle fut vécue comme un « 11 septembre » en Asie. Et aujourd’hui, faute d’anticipation, nous n’y échappons pas à notre tour. »
Ces maladies émergentes transmises des animaux aux hommes ne peuvent pas être combattues comme on a su vaincre la variole, qui se transmet uniquement entre humains, prévient l’expert. « La grande différence avec les épidémies du passé vient du facteur aggravant qu’est le réchauffement climatique, qui tend à favoriser la répétition de ces pandémies parce qu’il modifie le comportement des animaux. C’est très visible sur les moustiques qui nous apportent des maladies virales venant du sud comme le zyka ou la dengue. C’est aussi la déforestation, qui rapproche les chauves-souris des habitats, ou l’élevage industriel des volailles, qui fait que des virus grippaux qui se transmettaient régulièrement des oiseaux aux humains par l’intermédiaire des cochons, de tout temps en Chine, produisent des flambées comme celles qu’on a constatées, par exemple, avec la grippe aviaire survenue en 1997 à Hong Kong et en Europe en 2005. »
«On pourrait voir dans le Covid une forme de vengeance des chauves-souris, des pangolins – cette faune sauvage délogée, exploitée – en réaction à la déforestation et au commerce massif à des fins de médecine traditionnelle. Selon l’anthropologue, ces nouveaux virus feront partie de notre environnement. « Nous en porterons la mémoire, à laquelle s’ajoutera la mémoire des autres pandémies à venir. L’alerte d’une nouvelle épidémie de grande ampleur pourrait désormais survenir tous les 4-5 ans. D’où l’intérêt d’être à l’écoute de ces virologues, chasseurs de virus, ces sentinelles des pandémies, au plus près de cette problématique. »
