pour conduire à leur amélioration
Les limites de ce modèle sont aujourd’hui bien documentées : déclin de la biodiversité, dont celui de l’agrobiodiversité, ce qui à terme remet en cause la capacité d’adaptation des systèmes de production aux changements globaux, et l’augmentation à court terme de la productivité souvent négativement corrélée à la productivité à long terme.
Face à ces limites, des systèmes d’élevage alternatifs ont émergé, mettant en évidence la nécessité d’une transition agroécologique en élevage. Dans les systèmes d’élevage, les principes agroécologiques reposent sur la diversité des sources d’alimentation, l’adaptation des animaux et des pratiques aux écosystèmes locaux et le recyclage des sous-produits dans une logique d’économie circulaire. Le mélange des espèces animales dans les systèmes d’élevage mixtes peut être une option prometteuse pour organiser les complémentarités au sein des fermes.
Les fermes d’élevage mixte constituent l’objet d’étude du projet Mix-Enable (MIXEd livestock farming for improved sustaiNABiLity and robustnEss of organic livestock – l’élevage mixte pour améliorer la durabilité et la robustesse de l’élevage bio). En vue de les caractériser, 127 enquêtes ont été menées à l’échelle européenne (Allemagne, Autriche, Belgique, France, Italie, Suède et Suisse), dont 16 en Wallonie.
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Un cadre conceptuel pour analyser la diversité
La grille de lecture de l’agrobiodiversité dans les fermes suivies comprend quatre composantes :
– les formes que recouvre la diversité (génétique, phénotypique, spécifique et fonctionnelle) ;
– les niveaux où la diversité se construit (gène, organe, individu, troupeau, système d’élevage) et s’exprime (au niveau de l’animal, du troupeau, du système d’élevage) ;
– les gestionnaires de cette diversité et les modalités de gestion, c’est-à-dire les pratiques d’élevage liées à la diversité (interactions entre les ateliers) ;
– Les bénéfices retirés de la diversité animale (élargissement de l’éventail de produits vendus, meilleure valorisation des ressources utilisées ou amélioration de la résilience du système).
Les caractéristiques des fermes wallonnes
Les fermes enquêtées sont très diversifiées, tant au niveau des combinaisons d’espèces que de la taille de l’exploitation et la configuration de leur assolement (tableau 1). L’allocation des terres est essentiellement orientée vers l’alimentation des troupeaux.
Un des éleveurs rencontrés adapte les espèces présentes sur la ferme et la taille des troupeaux aux stocks alimentaires produits sur l’exploitation pour tendre vers une autonomie alimentaire complète. D’autres éleveurs adaptent la race choisie (critère de rusticité) au sein d’une espèce pour qu’elle soit la mieux adaptée à la nature grossière des fourrages fournis (prairie naturelle).
L’agribiodiversité identifiée et les bénéfices retirés
Dans les fermes rencontrées, l’agrobiodiversité tient tant du mélange des espèces (diversité interspécifique) que du mélange des races au sein d’une espèce (diversité intraspécifique). L’enquête a permis d’identifier les raisons qui sous-tendent l’association de différentes espèces au sein d’une ferme :
– sécurisation du revenu de la ferme en diversifiant les produits animaux issus de l’activité agricole (lait, animaux vivants, produits transformés…) ;
– création d’un revenu additionnel pour pouvoir accueillir une personne (conjoint, enfant…) à la ferme ;
– complémentarités techniques : porcs nourris au lactosérum ou sous-produit de laiterie, fumures de qualités différentes pour amender les cultures ;
– combinaison entre une espèce orientée production (vache laitière, par exemple) et une espèce orientée service (race rustique ovine) pour l’entretien de zones à haute valeur écologique.
D’autres éleveurs associent différentes races au sein d’une même espèce, en vue de tirer profit de leur spécificité. Ainsi, dans une des fermes, quatre races de vaches laitières sont élevées dont les différentes qualités de lait permettent d’obtenir des fromages de qualités différentes.
Gestionnaires et pratiques
Pour gérer les différentes espèces, l’agriculteur peut mener différents types de conduite : soit totalement disjointe sans interaction entre les ateliers d’élevage, soit imbriquée. Dans le cas des fermes wallonnes enquêtées, 44 % des agriculteurs développent des actions d’intégration entre ateliers d’élevage :
– par le co-pâturage : co-pâturage alterné des ovins et des bovins ou des bovins sur parcours de volailles lors du vide sanitaire et de la période d’emplument des poussins. Cette pratique permet d’améliorer l’efficience d’utilisation de la pâture ;
– par la valorisation du co-produit d’un atelier par un autre atelier (cas de l’utilisation du lactosérum valorisé dans l’atelier porcin).
Dans les semaines à venir, l’analyse des données de l’enquête permettra de savoir si la mixité des ateliers d’élevage permet de stabiliser la situation financière des fermes et d’améliorer l’adaptation des fermes aux changements (fluctuation des prix, perturbations climatiques) et sous quelles conditions.
Cra-w
