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Covid-19 : le temps des déluges…

Temps de lecture : 4 min

En cette année 2020, il a plu et il pleut comme jamais ! Non pas hélas de l’eau venue des nuages : nos prairies seraient moins rousses, et nos terres moins poussiéreuses…

Depuis la fin de l’hiver, il pleut de la tristesse : des litanies de chiffres morbides, des alarmes, des angoisses, des mises en garde. Elles dégringolent de partout, de chez nous et du monde entier ; elles tombent en grêle, nous martèlent, nous détrempent, nous noient de leurs données visqueuses.

Depuis la mi-mars, il pleut du politique : des déclarations, des obligations, des contraintes ; celles-ci nous confinent, nous responsabilisent, nous culpabilisent, nous infantilisent, nous masquent et nous bâillonnent pour mieux nous enfermer dans une autre réalité, une autre « normalité ». Et puis surtout, depuis le printemps, il tombe des déluges d’euros et de dollars, de yens et de yuans, pour sauver la sacro-sainte croissance, l’hyper-capitalisme, pour enrayer la chute libre des marchés boursiers !

Ces pluies vont-elles faire germer une autre civilisation ? En 1931, l’écrivain britannique Aldous Huxley a publié « Le meilleur des mondes », un roman dystopique comparable au mieux connu « 1984 » de George Orwell. Selon lui, « la dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences d’une démocratie, une prison sans ses murs, dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader, un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude. »

En 2020, nous vivons précisément dans ce genre de monde !

Le Covid-19 aurait pu le balayer d’un revers de pandémie, changer les perspectives, reclasser en bon ordre les priorités, dessiner une autre échelle de valeurs, mais il n’en sera rien ! Les grands États Stratèges (UE, USA, Chine, etc.) ont inondé les économies de déluges de monnaies pour reconnecter les flux financiers, assurer un revenu aux consommateurs impactés par le confinement, relancer les activités et réamorcer les pompes à fric, afin de sortir de leurs tombes les marchés-zombies et « shocker » le grand commerce en état de mort clinique.

Selon ce même Huxley, l’important, « ce n’est pas tant ce qui nous arrive, mais ce que nous faisons de ce qui nous arrive !'».

Quelle expérience retiendrons-nous de cette corona-story ? Il est encore bien trop tôt pour tirer des conclusions, pour tirer – tout court – à boulets rouges sur qui que ce soit, pour privilégier telle ou telle cible, afin d’exorciser nos propres frustrations et assouvir nos incompréhensions.

La crise du Covid-19, ce temps des déluges, sert de révélateur ; il délave nos dernières illusions, tant il montre à quel point le capitalisme dirige le monde, veau d’or indétrônable boulonné sur le socle du libéralisme économique d’État. Et dire que le libéralisme trouve ses origines dans le rejet de toute forme d’absolutisme !

Ces déluges de monnaies sauveront les unes et endetteront les autres. Les unes, ce sont les économies privées et les grandes sociétés. Les autres, ce sont évidemment les contribuables : ceux d’aujourd’hui, et surtout ceux de demain…

Le Covid-19, après avoir provoqué un vaste accident vasculaire mondial, sert désormais d’alibi pour mettre de côté les politiques ennuyeuses, et peu rentables à court terme selon les critères capitalistes, comme notre agriculture, les systèmes d’alimentation, les crises migratoires, les défis climatiques et écologiques.

La politique agricole commune se voit ainsi raboter une part substantielle de son budget. Le Green Deal – ou pacte vert – pâlit à vue d’oeil : le vert-dollar est mille fois préféré au vert-nature. Raisons d’état font loi ! Une fois la crise sanitaire derrière nous, affirment nos dirigeants, ils pourront s’atteler à ces grands travaux moins urgents. Moins urgents ? Ou moins « argent » ?

Nous connaissons la chanson ! Au fil des décennies d’après-guerre, une société « hydroponique » s’est enracinée sur un substrat artificiel, alimenté en flux tendu par des circuits financiers virtuels, des chiffres et des codes-barres, des cartes de crédit et des payements électroniques, des banques et des marchés boursiers. Tous les problèmes sont réglés de cette façon : par des giclées d’argent appliquées tantôt ici, et tantôt là, pour continuer sans vergogne à manger deux planètes par an ; par des perfusions en continu (les aides agricoles, par exemple) afin de maintenir en vie des secteurs essentiels mis sous pression ; et en cas de crise grave, par des déluges de monnaies pour éteindre les incendies et noyer les velléités de changement positif.

Notre agriculture paysanne, anachronique dans sa vision d’un monde durable et équilibré, s’est réfugiée sur son arche. Elle y a embarqué ses vieux principes et ses habitudes millénaires, mais ses pieds quittent peu à peu sa (terre) ferme, et son rafiot s’éloigne vers des horizons incertains.

Depuis la mi-mars, il pleut de la tristesse et de l’angoisse ; il pleut du politique et des directives sanitaires. Trop peu de héros et trop d’euros, trop peu d’espoir et trop de dollars dans « Le meilleur des mondes ». Le Covid-19, c’est également le temps des déluges…

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