Fumée blanche pour
la nouvelle PAC
Réunis le 28 juin à Luxembourg, les ministres européens de l’Agriculture de l’UE ont avalisé le compromis sur la future PAC dégagé quelques jours auparavant entre la Présidence portugaise et le Parlement européen. Pour les trois Institutions européennes, cet accord politique ouvre désormais la voie à une PAC plus équitable, plus verte, et plus souple.
Il y aura donc fallu trois années et un trilogue houleux en mai dernier pour arriver à la réforme la plus importante depuis les années ’90, qui garantisse l’avènement d’un système agroalimentaire durable, plus juste, plus inclusif et qui promeuve l’autonomie stratégique de l’UE.
Une victoire de la Présidence
La ministre portugaise de l’Agriculture s’est ainsi félicitée que tous les acteurs de la réforme aient redoublé d’ambition pour instaurer une transition vers des pratiques agricoles susceptibles de renforcer les objectifs communautaires en matière écologique et climatique. Hasard du calendrier, c’est au cours de cette même réunion que le Conseil a adopté le texte de base sur la Loi Climat.
Satisfaction de la Commission
À l’issue de la réunion, le Commissaire Wojciechowski a pour sa part salué l’engagement, la compétence de la Présidence portugaise et souligné l’importance du Conseil informel de Lisbonne des 14 et 15 juin qui a permis des avancées décisives dans les discussions. Il a aussi tenu à mentionner le soutien que l’équipe de la Commission avait toujours apporté aux colégislateurs dans la longue route vers le compromis.
La nouvelle PAC, a-t-il déroulé face à la presse, conjugue désormais tout à la fois des ambitions plus élevées en matière d’environnement, de climat et de bien-être animal et une répartition plus juste des paiements, en particulier pour les petites et moyennes exploitations familiales et les jeunes agriculteurs.
Exploitations familiales
Et de rappeler la disparition de quelque 4 millions de petites exploitations en l’espace de dix ans. C’est justement aux structures familiales qu’il faut offrir les outils pour survivre mais aussi pour se développer, elles qui jouent un rôle important dans la production alimentaire. La nouvelle orientation de la PAC leur permettra d’utiliser les éco-régimes pour obtenir des aides supplémentaires et affronter la concurrence a insisté le Commissaire européen qui compte dès à présent sur les États membres pour élaborer des plans stratégiques ambitieux et conformes aux objectifs européens.
C’est par leur intermédiaire, a-t-il martelé, que l’on pourra réaliser une mise en œuvre conforme au Pacte Vert par le biais de ses stratégies « De la fourche à la fourchette » et « Biodiversité » tout en veillant à préserver le caractère commun de la PAC.
Les éco-régimes, nerf de la guerre
Parmi les points ardus de la négociation, celui du montant précis des éco-régimes, la part des paiements directs aux agriculteurs corrélés à des critères environnementaux. Prénégociée à un niveau compris entre 20 % et 30 % des paiements directs, elle a finalement été fixée à 25 %. Cet entre-deux sera couplé à la possibilité de n’y consacrer que 20 % en 2023 et 2024.
Soucieux de ne pas appauvrir la colonne vertébrale du verdissement de la nouvelle PAC, les députés ne voulaient pas en entendre parler. Mais les Vingts-Sept se sont engagés en contrepartie à compenser d’au moins 50 % les sommes non utilisées, plus tard ou sur d’autres mesures environnementales.
La conditionnalité sociale, enfin!
A toutes ces dimensions s’ajoute pour la première fois un volet social qui permettra d’instaurer une égalité des conditions de travail dans le secteur agricole. Pour recevoir des aides, les bénéficiaires de la PAC devront donc désormais respecter certains aspects du droit social et du droit du travail européens.
Les Administrations nationales sur le travail devront informer les organismes payeurs de la Pac lorsque les règles européennes du travail sont enfreintes dans les exploitations avec la possibilité de sanctionner toutes les infractions. Ce dispositif devra être mis en place au plus tard le 1er janvier 2025.
Il ne concerne pas dans un premier temps les travailleurs saisonniers. la Commission européenne rendra un rapport après les deux premières années d’application de cette conditionnalité sociale et proposera, le cas échéant, de renforcer le dispositif.
Sucre et pesticides
Le Parlement n’a néanmoins pas obtenu l’interdiction des produits importés comportant des pesticides non tolérés en Europe, un dossier qui était défendu par l’eurodéputé social-démocrate français Eric Andrieu.
La Commission s’est toutefois engagée à mettre en place une législation spécifique sur cette question dans les plus brefs délais.
Les États membres ont également refusé jusqu’au bout d’intégrer le sucre dans la liste des produits pouvant bénéficier de l’intervention publique.
Réserve de crise
l’activation simplifiée des mesures de gestion de crise, le suivi de tous les secteurs par les observatoires européens des marchés agricoles. L’intervention publique sera renforcée ainsi que la supervision des marchés vis-à-vis de la spéculation financière.
Une nouvelle réserve agricole sera introduite pour financer les mesures de marché en période de crise, avec un budget annuel d’au moins 450 millions d’euros en prix courants.
Le mécanisme dit de discipline financière pour la financer ne devrait être activé qu’en dernier recours et en excluant le seuil des premiers 2.000 €
Et maintenant ?
Les six prochains mois vont maintenant être consacrés à la transposition juridique de cet accord politique en vue de son approbation définitive espérée cet automne. Les États membres devront également présenter d’ici le 31 décembre leurs projets de plans stratégiques nationaux, qui devront être validés par la Commission au premier semestre 2022. L’objectif : une entrée en vigueur le 1er janvier 2023.
Marie-France Vienne