La prescription trentenaire,

du ressort du pouvoir judiciaire

Le décret du 6 février 2014 posait en effet le problème de la suppression du sentier par prescription trentenaire.

Deux décisions étaient évoquées par la Justice de Paix de Braine l’Alleud et par la Justice de Paix de Tubize. Ces deux jugements rappelaient qu’une loi qui modifie une règle de prescription civile ne peut pas s’appliquer aux prescriptions acquises avant son entrée en vigueur et le constat de l’extinction d’un droit de passage par prescription peut être sollicité et effectué judiciairement sur base de l’ancienne disposition après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi du 6 février 2014.

Nouvel arrêt

Un Arrêt important vient d’être rendu par la Cour de Cassation le 27 mai 2021.Elle était en effet saisie d’un pourvoi contre un Jugement rendu le 17 octobre 2017 par le Tribunal de Première Instance du Hainaut siégeant en degré d’Appel.

Au terme de ce Jugement, le Tribunal de Première Instance de Charleroi estimait que toute décision relative à la voirie communale, suite à l’entrée en vigueur du décret du 06 février 2014, est purement administrative et qu’il n’appartient plus aux Tribunaux de constater une éventuelle prescription, tous recours ressortissant du Gouvernement Wallon, autorité administrative, ne dépendant pas du pouvoir judiciaire.

Le Tribunal de Première Instance de Charleroi faisait donc droit à un déclinatoire de juridiction estimant que c’est le pouvoir de juridiction des juridictions de l’ordre judiciaire qui est remis en cause au profit des autorités administratives et que ce moyen est d’ordre public.

Saisie d’un recours

La Cour de Cassation a cassé le Jugement attaqué et a renvoyé la cause devant le Tribunal de Première Instance du Brabant Wallon siégeant en degré d’appel.

La Cour déclare le moyen suivant totalement fondé :

L’article 144 § 1 de la Constitution dispose que les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des Tribunaux.

L’article 556 § 1 du Code Judiciaire dispose que les Cours et Tribunaux connaissent de toutes les demandes, sauf celles qui sont soustraites par la loi à leur juridiction.

Conformément à l’article 12 de la loi du 10 avril 1841 sur les chemins vicinaux, avant sa modification par le décret de la Région Wallonne du 03 juin 2011, entrée en vigueur le 1er septembre 2012, les chemins vicinaux, tels qu’ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont imprescriptibles aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public.

Conformément à cet article, après ladite modification et avant son abrogation pour cette région par le décret de la Région Wallonne du 06 février 2014 relatif à la voirie communale, les chemins vicinaux, tels qu’ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d’alignement et de délimitation, sont imprescriptibles.

L’article 30 du décret du 06 février 2014 dispose que les voiries communales ne peuvent pas être supprimées par prescription.

Au terme de l’article 2 de l’ancien code civil, la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif.

Il suit de ces dispositions que les Cours et Tribunaux connaissent de la demande de constater la prescription d’un sentier vicinal en raison de son non-usage public pendant 30 ans avant le 1er septembre 2012.

En raison, le Jugement attaqué n’a pu, sans violer les articles 144 de la constitution et 556 du Code Judiciaire, décider que la demande des demandeurs de constater la disparition du sentier vicinal litigieux en raison du non-usage public depuis l’année 1972 « sors de la compétence du pouvoir judiciaire ».

En bref

Il ressort donc de cet arrêt rendu par la Cour de Cassation que le Pouvoir Judiciaire reste bien toujours compétent pour constater la prescription de l’usage public d’un sentier vicinal pendant 30 années avant le 1er septembre 2012.

Henry et Louise Van Malleghem

, avocats au Barreau de Tournai

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