une race locale et durable
mais toujours menacée
La ferme s’étend sur 80 ha environ. Une soixantaine d’hectares est dédiée aux prairies permanentes et temporaires tandis que les 20 autres sont emblavés pour moitié de maïs, en vue d’équilibrer la ration, et d’épeautre, également pour l’alimentation du bétail. Le troupeau compte 250 têtes dont une petite centaine est orientée vers la traite (production moyenne : 4.700 l/lactation) ; le solde est destiné à la production de viande écoulée en partie auprès de bouchers de la région.
De multiples atouts
La Bleue Mixte est à la fois rustique et durable. Sa ration se compose principalement d’herbe et sa saison de pâturage s’étend sur une longue période. Le maintien des prairies, à la fois puits de carbone et source de biodiversité, est ainsi assuré. Par ailleurs, elle est féconde et présente peu de problèmes de santé. Cette race locale correspond donc aux attentes de la société actuelle.
Et le ministre Borsus d’abonder : « Ces caractéristiques font de la Bleue Mixte une race économiquement intéressante. Sa rusticité permet d’abaisser les coûts vétérinaires, de même que le nombre réduit de césariennes à réaliser. Son important lien au sol doit être souligné, de même que la diversité qu’elle apporte au paysage agricole wallon ».
Des effectifs en hausse…
Malgré ses indéniables atouts, la Bleue Mixte a bien failli disparaître de nos campagnes. « À la fin des années 90, elle était considérée comme vulnérable en Belgique et en voie d’extinction en France, où elle est appelée Bleue du Nord. En effet, chez nous, seuls 500 individus étaient encore inscrits au Herd-Book par un nombre très limité d’éleveurs », éclairent Clémentine Nysten et Géry Glorieux, en charge du projet Interreg V BlueSter pour Elevéo (lire par ailleurs).
Le développement d’un encadrement adapté à ces animaux, la mise en place de mesure de soutien (mesure agri-environnementale et climatique et projets Interreg, notamment) et la ténacité d’éleveurs passionnés ont heureusement permis d’augmenter les effectifs. À l’heure actuelle, environ 2.500 vaches sont recensées en Wallonie.
… mais une race toujours menacée
« Actuellement, la Maec « Conservation de races locales menacées » nous permet de bénéficier d’une aide de 120 €/tête. Pour autant que l’animal ait plus de deux ans, corresponde aux standards de la race et soit inscrit au Herd-Book », débute M. Marion. « C’est une aide conséquente, mais insuffisante si l’on tient compte des frais d’inscription au Herd-Book, du contrôle laitier et de la perte sur les rendements laitier et viandeux part rapport à d’autres races. »
Le ministre de l’Agriculture promet de porter cette aide à 200 €/tête, pour montrer le soutien public à la conservation de la race. C’est 80 € de plus qu’actuellement, mais aussi 50 € de moins que ce que demandaient les éleveurs…
L’aide couplée « vache mixte » constitue un autre point d’attention. « Nous souhaitons qu’elle ne soit ni diminuée, ni supprimée. Au contraire, son budget doit être conservé et augmenté. » Les éleveurs demandent, en pratique, qu’il soit adapté au nombre de vaches mixtes actuellement présentes en Wallonie. « L’aide couplée devrait s’élever à 150 €/vache allaitante, au minimum ».
Par ailleurs, ladite aide est actuellement plafonnée à 250 vaches allaitantes dans les élevages viandeux, contre 100 vaches allaitantes dans les élevages mixtes. Une situation que Michel Marion ne peut accepter : « Cherchez l’erreur ! », s’exclame-t-il au nom de ses collègues.
De même, la Commission raciale dénonce le projet de remplacer les aides couplées par un éco-régime « prime à l’herbe » lié au taux de liaison au sol, une fois que la nouvelle politique agricole commune sera d’application. Selon les éleveurs, ce type d’aide ne correspond pas à la réalité qu’ils vivent sur le terrain.
Le ministre Borsus n’a pas manqué d’apporter quelques éléments de réponse aux agriculteurs : « La Wallonie se montre favorable au maintien des aides couplées, mais ce n’est pas le cas de tous les États membres. Ce point fait partie intégrante du combat que nous livrerons à l’Europe. Concernant l’éco-régime, là aussi des discussions devront avoir lieu. Il est bien entendu nécessaire de réduire l’empreinte qu’a l’agriculture sur l’environnement, mais il faut aussi qu’elle reste nourricière et rentable ».
Et de conclure : « La Bleue Mixte trouve parfaitement sa place aux côtés des autres races. À nous maintenant de lui rendre ses lettres de noblesse. Cela passera notamment par son intégration dans le Plan stratégique que la Wallonie devra prochainement remettre à l’Europe suite à l’entrée en vigueur de la PAC 2023-2027 », conclut-il.
