Afin d’assurer au mieux la cohérence entre les besoins animaux et l’offre en herbe, faire pâturer son cheptel nécessite toutefois une bonne technicité. En effet, la fluctuation de la croissance de l’herbe durant la saison estivale est perçue comme un frein par bon nombre d’agriculteurs. Pour permettre d’estimer avec plus de précision les stocks d’herbe disponibles et ainsi mieux prévoir son pâturage, un outil fait parler de lui dans plusieurs pays : l’herbomètre à plateau.
Comment fonctionne un herbomètre à plateau ?
L’herbomètre est composé d’un plateau mobile coulissant sur une tige qui se dépose sur la surface de l’herbe. Le compteur de l’appareil enregistre ainsi une hauteur d’herbe « compressée » par le poids du plateau. Cette hauteur varie en fonction de la densité de l’herbe. Les prairies pouvant être relativement hétérogènes, on réalise une moyenne de plusieurs points de mesure par parcelle. L’outil fournit également une indication de la biomasse disponible à l’aide d’une équation intégrée. Ces données peuvent ensuite être exportées directement sur ordinateur ou sur smartphone dans le cas d’un modèle d’herbomètre connecté.
La prise de mesures de hauteurs d’herbe s’effectue préférentiellement à intervalles réguliers (une fois par semaine en période de pousse de l’herbe) et sur l’ensemble des parcelles destinées au pâturage. Il est conseillé de suivre un rythme de marche lent et ininterrompu et d’effectuer les mesures tous les 5 à 10 pas. Ceci permet d’éviter de choisir, consciemment ou inconsciemment, l’endroit mesuré, ce qui pourrait induire des erreurs de représentativité. Selon la forme de la parcelle, les mesures peuvent être prises soit en zigzag, soit en diagonale(s).
La base de nombreux outils de gestion du pâturage
Les mesures de hauteurs d’herbe permettent d’anticiper le surplus et le déficit en herbe et sont particulièrement intéressantes en système de pâturage tournant. En effet, ces données permettent d’optimiser l’ordre de passage des vaches sur les parcelles ou de débrayer certaines parcelles pour la fauche grâce à la réalisation d’un profil de pâturage. De plus, avoir une idée du stock disponible en prairie permet à l’éleveur d’estimer l’ingestion en herbe et de mieux adapter la complémentation à apporter à l’étable.
Plusieurs outils informatiques, pouvant être utilisés par les éleveurs ou par les conseillers, permettent de réaliser ces calculs de manière automatique. Cependant, la prise régulière de mesures de hauteur d’herbe est nécessaire à l’emploi de ces différents logiciels (figure 1).
Une calibration adaptée à la Wallonie
L’équation de calibration faisant le lien entre la hauteur d’herbe compressée, mesurée à l’aide de l’herbomètre, et la biomasse présente en prairie est cruciale pour permettre une bonne gestion de la ressource. Cependant, les herbomètres commerciaux disposent d’équations de calibration réalisées dans des conditions pédoclimatiques parfois bien distantes de la Wallonie (Irlande, Nouvelle Zélande). En France, la valeur de densité de l’herbe généralement utilisée est de 250 kg MS par cm et par ha.
Dans le cadre du projet Effort, le Centre wallon de recherches agronomiques (Cra-w) et Fourrages Mieux se sont associés pour adapter la calibration de l’herbomètre aux conditions wallonnes. Pour ce faire, 749 mesures de hauteurs d’herbe ont été réalisées et couplées, chacune, à un prélèvement d’un quadrat d’herbe permettant d’obtenir la biomasse associée. Les prélèvements ont été effectués en laissant une hauteur d’herbe résiduelle (environ 3-5 cm) de manière à étudier uniquement la gamme d’herbe ingérée par les vaches au pâturage.
Cette campagne d’échantillonnage a été réalisée pendant deux années (2020 et 2021) sur neuf sites répartis sur des parcelles d’éleveurs laitiers (Ardenne, Fagne-Famenne, Régions limoneuse, sablo-limoneuse et herbagère liégeoise) ainsi que sur deux sites expérimentaux du Cra-w situés à Gembloux et Libramont.
Sur cette base, l’équation 1 a pu être établie. Celle-ci est valable pour des hauteurs d’herbe comprises entre 5 et 15 cm. En dessous de 5 cm, la densité de l’herbe augmente alors qu’au-dessus de 15 cm, la densité se trouve
Cette équation améliore la prédiction de la biomasse d’herbe à l’hectare par rapport aux équations fournies avec les herbomètres commerciaux. Cependant, une certaine incertitude persiste. Au niveau de la parcelle, cette incertitude sur la biomasse d’herbe présente peut être réduite en augmentant le nombre de mesures de hauteurs d’herbe.
En fonction de la hauteur de sortie
La biomasse présente n’est pas entièrement valorisable en pâturage. L’éleveur va devoir estimer la hauteur à laquelle il aimerait voir les vaches quitter la parcelle. La biomasse associée à cette hauteur doit donc être soustraite pour obtenir la biomasse valorisable par les animaux.
Par exemple, si la hauteur d’herbe mesurée en entrée de parcelle est de 12 cm et que l’éleveur souhaite faire pâturer jusque 5 cm, pour un ha la biomasse valorisable par les vaches peut être calculée grâce à l’équation 2.
Davantage d’informations grâce à l’imagerie satellitaire
Dans le cadre du projet Sunshine porté par Élévéo, Fourrages-Mieux et le Cra-w et financé par le plan de relance de la Wallonie, des mesures supplémentaires seront effectuées. Celles-ci permettront d’affiner cette calibration en prenant en compte l’influence de certains facteurs sur la densité de l’herbe (saisonnalité, type de couvert, conditions pédoclimatiques, etc.).
Ce projet, qui a débuté avec la saison de pâturage 2022, prévoit également le développement d’outils complémentaires à l’utilisation d’herbomètre dont l’utilisation d’images satellitaires. Ces dernières sont prometteuses car elles permettent une estimation régulière et rapide de la pousse de l’herbe sur l’ensemble de l’exploitation et ce à moindre coût, les images utilisées étant ouvertes et disponibles gratuitement.
Ces images permettent de mettre en évidence les différences de biomasses présentes dans différentes parcelles mais également au sein de chaque parcelle (figure 2). Couplées à des modèles mathématiques simulant la croissance de l’herbe, elles permettent, au-delà de l’estimation du stock disponible, de prévoir l’évolution de ce dernier optimisant de la sorte encore un peu plus la gestion du pâturage.
Cra-w
