
À la fois capitale de la Belgique et de l’UE, mais aussi région indépendante belge avec son propre gouvernement, Bruxelles tente depuis 2016 de rapprocher ses habitants de leur alimentation en développant une offre alimentaire locale et plus durable.
Stratégie Good Food 2
Un objectif initial, et très ambitieux d’atteindre 35 % d’autonomie en fruits et légumes pour la capitale et sa périphérie à l’horizon 2035 avait été fixé par une première stratégie Good food lancée en 2016. Cet objectif a été « abandonné pour son manque de réalisme », admet-on au cabinet du nouveau ministre de l’Environnement bruxellois. Une nouvelle version de cette stratégie, intitulée Good Food 2, a été adoptée en octobre 2022.
Pour son volet agricole les deux principaux objectifs sont les suivants : développer une production dans la région Bruxelles capitale et structurer l’approvisionnement dans une ceinture alimentaire autour de la ville. Le premier volet, compte tenu de la géographie urbaine, laisse assez peu de marges de manœuvre, et le second, dans un contexte d’organisation fédérale de la Belgique est lui aussi compliqué à mettre en œuvre.
Quelques fermes à Bruxelles
Accusation d’accaparement
Installer 50 ha de surfaces agricoles dans Bruxelles
Le ministre a fait machine arrière sur ces achats de terres en dehors du territoire bruxellois. Finalement, la nouvelle version de la stratégie Good Food adoptée en octobre 2022 table sur un objectif de 50 nouveaux hectares de terres mobilisés pour de l’agriculture « professionnelle agroécologique en pleine terre » dans Bruxelles et sa périphérie.
Autre objectif : 30 % de la surface agricole bruxelloise agricole (et 50 % des producteurs) pleine terre bruxelloise devront être certifiés ou en conversion vers le bio à l’horizon 2030. Pour mener cette politique un budget de 630 000 euros été prévu en 2022 et autant en 2023, puis cette enveloppe passera à 415.000 € par an à partir 2024.
Depuis 2016, l’Asbl Terre en vue travaille, dans le cadre d’un projet soutenu par le Fonds européen de développement régional (Feder), à trouver des surfaces exploitables et à y installer des agriculteurs souvent non issus du milieu agricole. L’association bénéficie également du soutien de la région bruxelloise (105.000 € en 2021/2022).
Actuellement, elle recense une dizaine de fermes ainsi installées à Bruxelles : 5,5 ha mis à disposition par des propriétaires publics (les communes notamment) et 3,9 ha mis à disposition par des propriétaires privés. Dans ce second cas les terres sont prêtées gratuitement via des contrats de commodat (un système dans lequel le propriétaire met à disposition son bien au profit d’un tiers qui le lui rend après usage). Alix Bricteux de Terre en vue n’a pas constaté d’accélération récente des installations. Le rythme est d’environ 5 ha par an en moyenne depuis 2016. « Mais avant ça il n’y avait rien », indique-t-elle.
Le plan bruxellois prévoit également le développement d’un nouveau cadre juridique et urbanistique pour faciliter à terme l’accès aux sites de production en pleine terre et hors sol et la mise en place d’un observatoire et d’outils de gestion permettant de réguler le marché des terres agricoles.
Des fermes urbaines à défaut de surfaces
Mais les surfaces manqueront toujours. « Faute de surface on entend maintenant parler de cultiver sur des façades ou des toits mais, pour nous, c’est une agriculture totalement industrielle et hors sol », regrette Yves Vandevoorde du Fugea. Ce type d’agriculture se développe effectivement à Bruxelles.
Un de ses fers de lance : le Foodmet une vaste halle alimentaire installée sur le site des abattoirs d’Anderlecht. Sur les toits du bâtiment, la ferme BIGH a aménagé en 2017 quelque 4.000 m² avec une ferme hydroponique (la plus grande d’Europe). 2 000 m² de cultures – principalement des herbes aromatiques et des tomates mais aussi des aubergines et des piments – y sont cultivés et irrigués en circuit fermé avec de l’eau provenant des bassins où sont élevées des truites saumonées.
Et dans les sous-sols du lieu, une autre entreprise de Bruxelles, Eclo, recycle des résidus de bière et du pain invendu pour faire pousser des champignons bio (pleurotes, nameko, shiitaké, eryngii) dans les caves des anciens abattoirs. Des micro-pousses sont également produites.
Faible production bruxelloise
Même avec le développement de cette offre hors-sol, la production bruxelloise restera de toute façon assez faible. Un rapport du Sytra (un institut de recherche belge spécialisé dans la transition des systèmes alimentaires) estime qu’à l’échelle de la population bruxelloise, la demande volumique nette annuelle atteint 48.000 t de fruits (dont 10.000 t de fruits importés), 63.000 t de légumes, 28.000 t de pommes de terre, 4.000 t d’œufs et 200.000 t de produits laitiers, soit un total de 343.000 t/an pour ces cinq produits.
Selon ce travail, l’offre de la région Bruxelles Capitale est nettement insuffisante pour couvrir la demande bruxelloise, notamment en fruits et légumes puisque l’approvisionnement local pour ces produits est actuellement de 0,3 %.
Et les projections les plus optimistes prévoient un approvisionnement de 0,5 % d’autant plus que la population est appelée à croître. « Il semble donc essentiel de réfléchir à des modalités d’approvisionnement régionales, incluant des réflexions sur l’organisation et l’optimisation des filières et des flux entre la ville et les territoires voisins », conclut ce travail.
La capitale prévoit donc le développement d’un réseau logistique comprenant la mise en lien de la demande bruxelloise avec l’offre agricole wallonne et flamande. Des contacts sont pris avec les administrations compétentes dans les régions voisines ainsi qu’avec des acteurs économiques et associatifs mais les dispositifs visent surtout à accompagner les entreprises qui s’engagent dans un approvisionnement local. L’objectif est que 3 hubs logistiques d’envergure régionale (aux extrémités de la région), et 6 hubs d’envergure locale aient vu le jour en 2030. Mais à ce stade, les projets n’en sont qu’à leurs balbutiements.
