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Les Néerlandais à la pointe de la recherche

La célèbre université néerlandaise de Wageningen a décidé de s’engager pour faciliter l’augmentation de la présence des légumineuses du champ à l’assiette, de la sélection à la valorisation des coproduits.

Temps de lecture : 4 min

Alors que la campagne néerlandaise doit se réinventer face aux concentrations de nitrates, la présidente de l’université de Wageningen souhaite que l’institut mondialement reconnu offre des solutions d’un bout à l’autre de la chaîne. « Nous devons repenser tout le système agroalimentaire. Pour ménager un futur durable, la production comme la consommation devront changer. »

Aux Pays-Bas comme en Europe, la réduction de la production animale en parallèle d’une augmentation des surfaces de légumineuses fait évidemment partie, selon elle, de cette transition. Mais elle suppose aussi des changements profonds dans les assiettes. « Si nous réduisons seulement la production, mais que la consommation ne suit pas, nous nous contenterons d’exporter nos problèmes. »

Or pour l’heure, la différence entre les intentions affichées par les consommateurs néerlandais et leur comportement reste importante, pointe la directrice du programme Proteins for life, Stacy Pyett. «Selon les enquêtes, 40 à 60% des consommateurs disent qu’ils envisagent de réduire leur consommation de protéines animales, mais on ne voit pas encore dans les achats», déplore-t-elle.

Plan protéines «bean deal»

Le décalage viendrait de politiques publiques européennes que la chercheuse juge encore trop timides sur le sujet. Comme la France, les Pays-Bas ont bien développé un plan protéine national. Nommé «bean deal» localement, celui-ci prévoit d’atteindre l’équilibre entre protéines animales et végétales dans les assiettes dès 2025.

Mais à l’échelle communautaire, les efforts de financement demeureraient loin de ceux du Canada, devenu en cinquante ans le premier producteur mondial de lentilles sèches. Et avec 1,72 Mha de lentilles récolté en 2021, le pays reste loin devant l’Union européenne et ses 460.000ha de légumes secs, malgré une surface agricole trois fois inférieure.

Pour faire revenir les légumineuses dans les champs, l’équipe de Stacy Pyett travaille évidemment sur la sélection. «Notre priorité reste la féverole. Alors que les agriculteurs obtiennent en moyenne 5t/ha, nous avons besoin d’atteindre 8t/ha pour un retour sur investissement intéressant. L’adoption des meilleures pratiques et l’amélioration de la résistance aux maladies seront les autres leviers de développement dans les fermes.» La marche est d’autant plus haute, rappelle-t-elle, que la sélection est restée longtemps timide sur ces cultures. «C’est un cercle vicieux: moins vous investissez, moins les surfaces sont développées.»

Avec le nouveau centre de sélection robotisé de Wageningen, baptisé Npec, ce temps perdu pourrait vite être rattrapé. «En augmentant jusqu’à dix fois le nombre de plantes sur un cycle, nous accélérons les processus de sélection et la recherche de nouvelles variétés adaptées au climat futur», insiste Erick van de Zedde, directeur du centre. Son équipe, illustre-t-il, travaille actuellement sur 180 génotypes différents de pois dans le module de phénotypage automatisé sous serre, pour trouver des variétés plus adaptées aux sécheresses.

Différents capteurs disposés au-dessus des plaques de plantes filment leur développement en trois dimensions, ou mesurent l’évapotranspiration et la qualité de la chorophylle, pour envoyer directement les données vers les ordinateurs des chercheurs.

Une vision commune avec l’Inrae française

Dans cette serre unique en Europe, les specimens passent aussi à intervalles réguliers à travers des robots assurant des prélèvements de feuilles ou de fruits. «Le NPEC nous permet de sélectionner des variétés sur de nouveaux critères, comme le contenu en protéines, mais aussi l’efficacité photosynthétique, pour des utilisations sous serreou en intérieur», souligne Rick van de Zedde. Principale limite pour l’heure: «La quantité de données est immense, et nous avons besoin de renforcer nos liens avec des spécialistes de l’intelligence artificielle.»

Les protéines végétales, espèrent les chercheurs de Wageningen, pourraient aussi demain provenir non de légumineuses, mais de résidus agricoles aujourd’hui considérés comme des déchets, comme les feuilles de betterave ou de pomme de terre. «Nous travaillons sur des scénarios d’utilisation totale avec des transformations microbiennes.

Le contenu en protéines peut être très haut, jusqu’à 70%, mais il y a encore des limites réglementaires», détaille Stacy Pyett. Les produits obtenus par ces technologies, illustre-t-elle, sont très variables selon les organismes et les résidus, «de la texture du fromage à pâte molle aux fibres en passant par des matières spongieuses».

Alors qu’Emmanuel Macron était en visite aux Pays-Bas la semaine du 10avril, ces priorités de recherche semblent plutôt alignées entre Wageningen et les établissements français de recherche. «Nous partageons la plupart des objectifs de France 2030, notamment sur la réduction des intrants grâce à la robotique et à l’intelligence artificielle», confirme la présidente de l’université.

Ces sujets sont d’ailleurs au cœur du pacte signé par son université avec l’Inrae, à l’occasion de la visite présidentielle. Robotique, biotechnologies, data: les deux poids lourds de la recherche européenne comptent bien multiplier les solutions pour garantir «la transition alimentaire» dans leurs pays comme à l’échelle communautaire.

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