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La gestion de l’eau: un enjeu primordial pour les cultures maraîchères

L’approvisionnement en eau constitue l’un des points techniques les plus importants pour les cultures maraîchères, qui ont en besoin pour assurer leur croissance rapide. Les plantes repiquées possèdent un enracinement plus superficiel, incapable d’explorer les réserves hydriques profondes du profil de sol. Et sous abri, les cultures dépendent entièrement des apports par irrigation.

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Plusieurs de ces dernières années ont été marquées par des déficits hydriques estivaux. 2025 en fait partie. De plus, les météorologues annoncent des étés de plus en plus secs, tandis que les périodes pluvieuses, en hiver ou à d’autres moments, devraient devenir plus intenses.

Nous reprenons les besoins pour une ferme maraîchère, au quotidien d’abord, sur la saison ensuite. Les besoins totaux permettent de se figurer la taille des citernes et réserves nécessaires en eau de pluie, soit une solution à la fois économique et durable.

Estimation des besoins au quotidien : le bilan hydrique

Le bilan hydrique est la balance entre les besoins exprimés par l’évapotranspiration (ETP) et la réserve utile en eau du sol (RU).

L’eau s’évapore en surface du sol ou est transpirée par les plantes présentes. La chaleur et surtout le vent favorisent ces départs d’eau, c’est l’évapotranspiration. Dans nos conditions, l’ETP varie de 0 à 7 mm par jour suivant la météo du jour et la saison.

Le volume d’eau que le sol peut absorber dépend de la nature du sol (RU). Une partie de l’eau est trop fortement liée aux constituants du sol et n’est pas disponible par les plantes, c’est l’eau non disponible. La réserve facilement utilisable (RFU) est la fraction dont nous tenons compte dans l’estimation du bilan hydrique. Dans les sols limoneux comme chez nous, la RFU correspond à environ 6 dixièmes de la RU. Les terres plus sableuses retiennent moins d’eau (RU) néanmoins une plus grande proportion de celle-ci est disponible (RFU). C’est l’inverse en sols plus argileux.

Les matières organiques du sol possèdent une capacité de rétention en eau très élevée, mais la retiennent fortement, ce qui se traduit par une proportion RFU/RU moins favorable. Elles sont pourtant utiles et nécessaires pour compléter la rétention des matières minérales. En outre, les matières organiques stabilisent la structure et permettent de bien meilleures extensions des racines en largeur et en profondeur.

L’eau circule dans la terre, et la gravité l’entraîne vers le bas, ce sera surtout le cas lorsque le sol en est saturé.

Elle se dirige aussi des zones les plus humides vers les plus sèches, avec une possibilité d’aller dans toutes les directions selon les situations. La texture du sol (granulométrie) et le tassement (compaction) influencent ces possibilités de mouvements d’eau dans le sol. Ceux-ci sont très visibles lorsque l’irrigation est localisée (goutte-à-goutte par exemple).

En pratique, la RFU des sols peut se déterminer avec précision au laboratoire. Celle des terrains wallons à dominante limoneuse est de l’ordre de 1 mm par cm de sol. Cela signifie en pratique que pour une culture développant un enracinement d’une trentaine de centimètres de profondeur (chicorées frisées ou scaroles par exemple), la RFU du sol est d’une trentaine de mm, soit les besoins de la culture pour une dizaine de jours si l’évapotranspiration est de 3 mm/jour (donnée dépendant de la météo locale durant la période concernée).

Assurer la jonction entre deux périodes de pluies

L’eau proviendra d’une source (rare), d’une récupération de la pluie, d’un cours d’eau, d’un étang ou encore d’une nappe souterraine (forage, puits). Notons que des autorisations sont à demander dans plusieurs de ces situations. Les services communaux peuvent dès lors aider dans l’orientation des démarches administratives éventuelles. Le meilleur des cas est celui où nous pouvons récupérer l’eau de pluie, en particulier pour les cultures sous abri.

Nous devons prévoir des volumes nécessaires de l’ordre de 500 m³ par an pour des serres tunnel couvrant 1.000 m² et de l’ordre de 140 m³ par an pour 1.000 m² de cultures de plein champ (à raison de 5 tours d’irrigations apportant 25 à 30 mm). Ces besoins sont concentrés sur la période de croissance active des cultures. La consommation annuelle en eau peut être réduite par des techniques comme le paillage, les brise-vent et la répartition en goutte-à-goutte.

Ces besoins pour l’irrigation s’ajoutent à ceux destinés au lavage des légumes. Les qualités attendues pour ces deux principaux usages sont différentes.

Comme ordre de grandeur, les précipitations annuelles à Uccle sont de l’ordre de 800 mm d’eau. Sur 1 m², la quantité d’eau de pluie est donc de 0,800 m³, soit 800 litres.

Une bonne installation d’irrigation répartit les apports de manière homogène sur la surface traitée. Nous utilisons comme unité quantitative le mm d’eau : nous mesurons une hauteur d’eau. Nous pouvons retenir facilement qu’une pluie de 1 mm apporte 1 litre d’eau par m² ce qui correspond à 10 m³ par ha. Afin que la répartition soit homogène, il faut que la pression fournie par les pompes soit régulière, que le débit d’arrivée d’eau soit suffisant et que le système de filtration ait permis d’enlever les impuretés susceptibles de boucher les installations.

Chez nous, les précipitations moyennes sur 30 ans cachent de très grandes différences d’une année à l’autre, avec une plus grande variabilité attendue à l’avenir selon les spécialistes du climat. D’autre part, les besoins en eau des cultures dépendent aussi de la température. Or, nous connaissons des sommets de températures maximales l’été, depuis quelque temps.

Une bonne irrigation passe par une installation équilibrée, c’est-à-dire que la pression et le débit des pompes doivent être en lien avec les débits en amont (la source d’eau) et les débits en aval (les asperseurs ou les tuyauteries de goutte-à-goutte).

Pour que l’eau percole convenablement et pour que les racines puissent l’explorer en profondeur, la structure du sol est déterminante.

La fréquence des tours de passage est adaptée aux précipitations naturelles des pluies. Pour estimer le tour d’eau (le nombre de jours entre deux passages), nous tenons compte des précipitations avérées, c’est-à-dire celles constatées réellement à l’aide du pluviomètre. Il est cependant difficile de tenir compte des prévisions météo, celles-ci n’ayant pas une précision à l’échelle de la parcelle.

Avec un peu d’expérience, l’examen visuel de l’état des plantes et de l’état des trente premiers centimètres de sol permet au maraîcher d’apprécier les moments de mise en route de l’irrigation.

La réserve d’eau présente dans le sol que les plantes parviennent à utiliser est la base de leur alimentation. En complément, ces réserves devraient être suffisantes pour assurer l’approvisionnement de deux mois d’irrigation de nos cultures. Nous pouvons nous baser sur une moyenne de 3 mm par jour en été, sachant que certaines cultures en demandent temporairement plus que d’autres. Ce sont donc 180 mm d’eau sur la surface concernée, ou 180 litres par m², que nous pourrions estimer pour répondre aux besoins. Si nous avons la chance de pouvoir disposer d’un apport de source, de forage ou d’une autorisation de captage, le volume de la réserve pourrait être éventuellement diminué d’autant.

Les eaux placées en réserve peuvent être chargées en dépôts et en algues.  Une filtration permet d'éviter le bouchage des tuyauteries et des asperseurs.
Les eaux placées en réserve peuvent être chargées en dépôts et en algues. Une filtration permet d'éviter le bouchage des tuyauteries et des asperseurs. - F.

De la récupération au stockage

L’eau récupérée des toits des bâtiments et des serres convient en général. Un regard séparateur placé juste après les chenaux permet d’évacuer les matières en suspension amenée par les premiers mm de pluie. L’eau est ensuite filtrée par une grille et un filtre à gravier avant d’arriver dans les réserves.

Nous pouvons la stocker en citerne, en cuve, en bac de surface, en réservoir ouvert sur géo membrane, en silo avec géo membrane. La situation de cet endroit a son importance : il faut éviter que la chaleur et la lumière ne favorisent le développement d’algues.

Pour l’irrigation des cultures en serre au début du printemps, une réserve secondaire est installée dans la serre elle-même afin de permettre le réchauffement de l’eau durant la journée et d’irriguer les cultures avec de l’eau tiédie. C’est important pour favoriser le bon développement des racines des cultures d’été et de prévenir les maladies telluriques aux racines et au collet des plantes.

Les mares possèdent un rôle important pour la biodiversité et la santé des cultures. Le niveau d'eau tend à baisser naturellement en été. Ce ne sont pas des réserves pour l'irrigation.
Les mares possèdent un rôle important pour la biodiversité et la santé des cultures. Le niveau d'eau tend à baisser naturellement en été. Ce ne sont pas des réserves pour l'irrigation. - F.

Quelques précautions…

Notons que l’eau de pluie peut servir à de nombreux usages dans la ferme maraîchère. Mais pour le dernier rinçage des légumes, celle utilisée doit, bien entendu, être potable. Il en est de même du nettoyage des surfaces en contact avec ces légumes.

F.

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