de lysine en danger :
« Nous risquons d’être
dépendants de la Chine »

Cependant, suite à la guerre en Ukraine, comme toutes et tous, elle a dû faire face à l’augmentation des prix de l’énergie. Dans ce contexte, déjà difficile, elle a été confrontée à un nouveau facteur : le dumping pratiqué par les producteurs chinois.
Nicolas Martin, directeur du développement durable et des affaires publiques chez Metex, explique : « Les autorités chinoises ont cherché à être indépendantes des importations de soja pour leurs élevages, principalement celui provenant d’Amérique. Elles ont donc augmenté leur capacité de production, à tel point que celle-ci a dépassé la demande des agriculteurs de leur pays, qui ont notamment dû faire face à la crise du Covid et de la peste porcine ».
En conséquence ? La Chine exporte désormais la lysine à un prix inférieur à celui pratiqué sur son propre marché !
Impossible d’accéder au marché mondial pour le sucre
Face à cette concurrence asiatique, il est devenu impossible pour Metex de répercuter ses propres coûts de production à ses clients, soit les fabricants d’aliments pour animaux. En effet, aux factures de l’énergie, au marché asiatique, vient encore s’ajouter l’envolée des prix du sucre : le produit phare pour la fabrication de lysine. « En temps normal, nous sommes capables d’être concurrentiels par rapport aux producteurs chinois, il suffit juste que l’on puisse avoir accès à cette matière à des prix raisonnables et calibrés pour l’industrie ». Cependant, les entreprises du Vieux Continent n’ont pas accès au marché mondial pour ce produit. Elles doivent donc l’acheter au prix du marché européen… bien plus cher ! « Actuellement, il s’élève à 300 à 350 dollars de plus par tonne sur le marché européen que sur le mondial » Et sachant que cette matière première représente la moitié de leurs coûts de production, on comprend vite qu’il est impossible de rivaliser avec l’Asie. « Juste à cause de cela, nous sommes 25 % plus chers ! Ce qui est anormal, c’est que nous n’ayons pas accès au marché mondial pour notre matière première, alors que celui-ci est totalement ouvert pour notre produit fini, à savoir la lysine ! Cela crée un véritable déséquilibre », poursuit cet expert qui, comme ses collègues, réclame une cohérence des politiques douanières de l’Union européenne.
Un risque d’approvisionnement et de flambée des prix
Si Metex met la clé sous le paillasson, outre le drame social pour ses 400 salariés, cela augmentera toujours plus notre dépendance à ce pays asiatique. La Chine deviendra, dès lors, le seul fournisseur de lysine. Un monopole qui lui donnerait le pouvoir d’établir ses propres règles. « Il y aura des risques concernant les approvisionnements. Donc, les questions seront : est-ce qu’il y aura des produits disponibles ? Si oui, à quel tarif ? Pour les éleveurs, la concurrence sur ce marché permet de limiter la hausse des prix ». Des éleveurs directement impactés puisque l’alimentation animale représente 80 % du chiffre d’affaires de la société. Une entreprise qui vent son produit aux fabricants d’alimentation animale, situés aux quatre coins de l’Europe, et donc en Belgique. « Nous sommes dans le nord de la France, nos clients belges sont proches de notre usine ».
Un mauvais signal pour la décarbonation
Outre, l’impact sur le portefeuille, les règles du jeu sont aussi déloyales au niveau environnemental : « Un kilo de lysine fabriqué chez nous représente environ 2 kilos de CO2. En Chine, c’est 10, donc 5 fois plus. Dans ce pays, une centrale à charbon se trouve au milieu des usines d’acides aminés. Ils sont très loin de la décarbonation ».
Actuellement, l’entreprise fondée en 1999 cherche un nouvel actionnaire pour rétablir sa situation financière. Lorsque cette première étape sera réglée, Metex souhaite aussi élargir sa vision à long terme en travaillant avec un produit moins cher que le sucre raffiné. Trois ans de recherche et un an de développement seront nécessaires pour mettre cette nouvelle lysine en place…
