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La gestion de crise en question

Face à la multiplication des crises climatiques, économiques ou sanitaires, les outils de gestion des risques de la Pac s’avèrent de moins en moins efficaces. Alors que pointent déjà les discussions sur la future Pac, les ministres européens de l’Agriculture commencent à réfléchir à des solutions.

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Alors que quelques dizaines de tracteurs défilaient encore dans les rues de Bruxelles (à l’appel de l’EMB et de Via Campesina), les ministres de l’Agriculture des Vingt-sept ont une nouvelle fois fait le point le 27 mai dernier, sur la réponse à apporter aux difficultés agricoles.

À la recherche des fonds manquants

Ils se sont en particulier penchés sur les outils de gestion des risques – sujet qui devrait être au centre des discussions sur la future Pac – convenant que le budget disponible était insuffisant, surtout avec la multiplication des aléas climatiques défavorable. La question est : « D’où pourraient venir les fonds manquants ? », a résumé le ministre David Clarinval qui présidait la réunion.

Certains plaident pour une réduction des aides directes, d’autres pour que de l’argent supplémentaire soit débloqué. Le ministre français Marc Fesneau a, lui, demandé une révision du système de moyenne olympique (calculée sur les cinq dernières années, en excluant la valeur maximale et la valeur minimale) sur laquelle reposent les contrats d’assurance climatique. « Après 3 ou 4 épisodes climatiques défavorables, mécaniquement l’indemnisation devient moins intéressante ce qui rend le système moins puissant », a-t-il détaillé. Ces réflexions vont se poursuivre dans les prochains mois.

Des leçons pour la prochaine Pac

La Pac fournit déjà de nombreux outils et une marge de manœuvre importante aux États membres pour élaborer leurs propres stratégies nationales de gestion des risques.

Ils peuvent accorder des soutiens à la création de régimes d’assurance ou de fonds mutuels auxquels les agriculteurs peuvent contribuer, a rappelé le commissaire européen à l’Agriculture Janusz Wojciechowski. « Nous devons nous concentrer sur la mise en œuvre » de ces dispositifs afin « de tirer des leçons au fur et à mesure pour la prochaine Pac », a-t-il conclu.

NBT : une dernière tentative de compromis

Les NBT étaient une nouvelle fois revenus au menu des ministres de l’Agriculture. Une grande majorité d’entre eux a appelé à trouver rapidement un compromis. « Nous ne pouvons pas nous permettre de prendre de retard sur nos concurrents. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine ou le Brésil disposent déjà de réglementations en la matière. Ce serait une erreur de ne pas avancer », a prévenu le ministre espagnol Luis Planas.

Les discussions sont à l’arrêt entre les États membres depuis quelques mois mais la présidence belge du Conseil de l’UE lance actuellement une dernière tentative pour débloquer le dossier. Un nouveau compromis a été discuté en comité d’experts le 23 mai, proposant d’interdire la brevetabilité des NBT de catégorie 1 (ceux pouvant s’apparenter à des variétés conventionnelles).

Certains États membres restent toutefois très opposés au texte sur la table, comme la Pologne, l’Autriche ou la Slovénie. Résultat : aucune majorité qualifiée n’a pu se dégager. Plusieurs délégations suggèrent, pour trouver une issue, de scinder ce texte en deux afin d’en extraire les éléments les plus problématiques, la question de la brevetabilité en premier lieu, afin d’avancer. « La présidence a vraiment envie de finaliser une position du conseil d’ici au mois de juin mais il y a encore des blocages notamment autour de la question des brevets », a admis David Clarinval.

Le bien-être animal reste une priorité pour certains pays

Alors que la commission a abandonné l’idée de présenter en 2023 une législation sur le bien-être animal, une majorité de ministres a demandé d’inscrire le sujet à l’agenda de la future mandature. L’initiative portée par la Slovénie, et soutenue par la Bulgarie, la France, le Portugal et la Suède, a reçu l’appui de onze autres États membres.

Dans une note, la délégation slovène demande une révision des règles européennes actuelles en matière de bien-être des animaux d’élevage. Sur l’exploitation comme au moment de l’abattage, l’UE doit être à la pointe en matière de bien-être animal, soutient-elle.

Fin 2023, Bruxelles a proposé une révision de la législation sur transport animal et un règlement sur la traçabilité des chiens et des chats, ce qui a été salué par la Slovénie lors de la réunion.

Certains États membres (Bulgarie, Roumanie, Italie, Tchéquie) ont été plus réticents quant à l’initiative slovène, craignant une baisse de la compétitivité des éleveurs européens.

La commissaire Mairead McGuinness a répondu aux remarques que la commission européenne a besoin de « poursuivre les consultations sur les coûts, la durée de la période de transition et les mesures à l’importation ». Pour l’instant, l’exécutif européen a « besoin de prévisibilité et d’informations claires pour les investissements ». Mairead McGuinness a toutefois assuré que le bien-être animal « restera au cœur » des préoccupations du prochain collège.

Revoilà l’étiquetage d’origine des denrées alimentaires

Avec le soutien d’une quinzaine d’États membres, le ministre de l’Agriculture allemand Cem Özdemir a appelé la future commission européenne à réaliser « le plus rapidement possible » une proposition législative sur l’étiquetage du pays d’origine de denrées alimentaires.

Ces informations « renforcent la transparence », « aident les consommateurs à prendre des décisions éclairées » et contribuent à « remettre les agriculteurs au cœur de la chaîne alimentaire », a soutenu Cem Özdemir. Différents pays se sont montrés plus réticents. L’Italie, la Pologne et l’Irlande ont demandé des analyses d’impact sur le sujet à la commission. La Tchéquie et le Luxembourg se sont opposés à la proposition, et le Danemark préférerait un étiquetage nutritionnel, climatique ou sur le bien-être animal.

Pour l’instant, diverses règles européennes obligeant l’indication du pays d’origine sont déjà en place pour certains produits (viande bovine, porcine, ovine, caprine et de volaille, œufs, certains fruits et légumes frais, miel, huile d’olive, produits biologiques).

La commissaire Mairead McGuinness s’est félicitée des dernières avancées sur le miel, et a indiqué que Bruxelles réfléchissait à étendre l’étiquetage d’origine à tous les fruits et légumes, les fruits à coque et les fruits secs. Pour le moment, Bruxelles continue de « compiler des faits et des données » quant aux répercussions sur « les prix, les consommateurs et sur le marché ». Mairead McGuinness a indiqué que ces demandes seraient transmises au futur exécutif européen, qui devra « décider ou non » d’y répondre.

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