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Le maillage

écologique, socle

de la lutte intégrée

Pratiquer la lutte intégrée contre les nuisibles des cultures est une obligation légale depuis 2014. Sa mise en œuvre doit permettre de réduire l’usage des pesticides. Pourtant, depuis dix ans, les volumes vendus ne diminuent pas. Il convient de rappeler que bien plus qu’« une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, » la lutte intégrée invite avant tout à prévenir les infestations.

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Telle que définie sur le Portail de l’agriculture wallonne, « la lutte intégrée consiste à mettre en œuvre, de manière raisonnée et complémentaire, différentes démarches pour combattre les nuisibles dans les cultures, afin de maintenir ou réduire les dégâts qu’ils engendrent sous un seuil acceptable ». Si toutes les méthodes de protection des plantes doivent être considérées et potentiellement intégrées, leur orchestration implique un ordre de priorités (figure 1).

Le décret du gouvernement wallon du 10 juillet 2013, « instaurant un cadre pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, » introduit la lutte intégrée et précise que celle-ci « privilégie la croissance de végétaux sains en veillant à perturber le moins possible les écosystèmes et encourage les mécanismes naturels de lutte contre les ennemis des végétaux ». Ainsi, la lutte intégrée accorde la priorité aux approches préventives. Celles-ci sont de deux ordres.

Mieux vaut prévenir que guérir

Premièrement, il s’agit de favoriser la régulation naturelle des nuisibles des cultures dans le paysage agricole. Cette régulation naturelle est le résultat de la prédation et du parasitisme des auxiliaires de cultures sur les nuisibles.

Ces auxiliaires constituent une biodiversité utile à l’agriculture qu’il est primordial de préserver. Pour ce faire, il convient de leur offrir des habitats stables, notamment pour la période hivernale, et de la nourriture via du pollen, du nectar et des proies alternatives. Cela implique nécessairement le développement et le renforcement du maillage écologique dans le paysage agricole (figure 2).

Deuxièmement, il convient d’éviter et de ralentir les infestations de nuisibles dans la parcelle. Ceci est possible en mettant en œuvre une diversité de pratiques agronomiques reconnues pour leur efficacité. Citons entre autres : cultiver des variétés résistantes, diversifier les rotations pour respecter les délais de retours des (familles de) cultures, gérer les résidus de cultures pour ne pas créer des réservoirs de nuisibles, adapter (et potentiellement décaler) les dates de semis pour désynchroniser la présence de nuisibles des stades sensibles des cultures, associer les cultures pour diluer la présence de plantes hôtes.

Ces mesures préventives constituent le socle de la lutte intégrée (figure 1). C’est donc seulement une fois que toutes celles-ci sont mises en œuvre que des interventions curatives peuvent être envisagées, si une présence de nuisibles est néanmoins jugée comme problématique.

Observer avant d’intervenir

En effet, toute intervention implique préalablement d’évaluer le risque que représente la présence des nuisibles pour la culture. Cela implique d’observer les cultures régulièrement et de quantifier les infestations de nuisibles ainsi que la présence des auxiliaires.

Ces observations quantitatives doivent être confrontées à des seuils de nuisibilité (tableau 1), communiqués par les centres pilotes, qui évaluent le risque pour la production en fonction du degré d’infestation et de l’avancement de la culture. Les systèmes d’avertissements (émis par les centres pilotes également) permettent de comparer ses propres chiffres à ceux d’un réseau de parcelles régional.

De plus, la présence de nuisibles dans sa parcelle doit être évaluée en fonction de la présence d’auxiliaires qui, s’ils sont abondants, peuvent maintenir les populations de nuisibles à un seuil acceptable. Les avertissements doivent donc être considérés comme des outils d’aide à la décision, et non comme des incitations à traiter nécessairement.

Les financementspour les auxiliaires

Diverses mesures agro-environnementales et climatiques (Maec) et éco-régimes permettent d’attirer et préserver les auxiliaires en bordure de parcelles cultivées (tableau 2).

La Maec « Parcelle aménagée pour les butineurs » (MC7) est une bande fleurie pérenne implantée pour 5 ans et payée 1.800 €/ha/an. Elle est un outil efficace pour la lutte intégrée car elle offre nourriture (nectar, pollen et proies alternatives) et gîte (abri, notamment pour l’hiver) aux auxiliaires. De même les haies, si composées d’essences mellifères indigènes, procurent une nourriture variée et une stabilité essentielle aux auxiliaires dans le paysage. Elles sont financées par l’éco-régime « Maillage écologique » à hauteur de 450 €/km/an.

Les Maec « Parcelle aménagée Faune » (MC7, 1.800 €/ha/an) et « Tournière enherbée » (MB5, 1.200 €/ha/an) sont pérennes et donc stables, mais peu fleuries. À l’inverse, la Maec « Parcelle aménagée à fleurs des champs » (MC7, 1.800 €/ha/an) et la « Jachère mellifère de printemps » (900 €/ha), reprise en éco-régime « Maillage écologique », sont riches en fleurs mais potentiellement détruites avant l’hiver et n’offrent donc pas de zone d’hivernage. La « Jachère mellifère d’automne » (900 €/ha) est moins fleurie mais maintenue pendant l’hiver.

Séverin Hatt

Natagriwal

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