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Le changement climatique, un défi majeur, mais aussi des opportunités et solutions

Si le réchauffement de la planète est incontestable, quelle en est l’ampleur réelle ? Pourquoi est-ce si préoccupant ? En quoi la communauté internationale, l’Europe et la Belgique tentent-elles de répondre à ce défi ? Et les remèdes à y apporter ne sont-ils pas la source d’opportunités pour notre économie ? Autant de questions abordées lors du Sommet des producteurs récemment organisé sur la thématique de la foire qui débute le 28 juillet.

Temps de lecture : 10 min

Comme l’a établi l’organisation météorologique mondiale, l’année 2016 a bel et bien battu tous les records dans l’histoire des enregistrements météorologiques en termes de températures. « La température moyenne à l’échelle de la planète affiche 1,1 ºC de plus qu’à l’époque préindustrielle. Et ce record fait suite à d’autres records enregistrés au cours des années précédentes, avec une tendance au réchauffement très nette : les années les plus chaudes apparaissent toutes depuis l’an 2000. Aujourd’hui plus aucun climatologue n’a d’argument sérieux pour contester la réalité du réchauffement climatique », affirme Etienne Hannon, du Service Changements climatiques au SFP Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement.

La température n’est pas le seul indicateur de ce phénomène. De nombreux autres signaux confortent la réalité d’une perturbation profonde qui s’est insinuée au sein du système climatique. Par ailleurs, les enregistrements réalisés à l’Observatoire d’Uccle montrent qu’aujourd’hui, la température moyenne de notre pays dépasse déjà de 2,3ºC la valeur des enregistrements météo de la fin du XIXe siècle. Plus marquant encore : le réchauffement constaté en Belgique est supérieur à peu près du double de la hausse mesurée dans le monde.

L’activité humaine en est bien la cause

En cause ? Le fait est aujourd’hui bien démontré, il s’agit de l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, dont les trois principaux sont issus des activités humaines. Le principal est le CO2, mais il y a aussi le méthane et le protoxyde d’azote. La concentration de chacun de ces gaz dans l’atmosphère est en hausse continue.

« En 2015, le cap des 400 parties par million a été franchi pour le CO2 dans l’atmosphère. C’est absolument inédit. Il faut remonter jusqu’à plusieurs millions d’années en arrière pour retrouver des valeurs semblables dans l’atmosphère. Cela nous place devant une situation nouvelle, aux nombreuses inconnues », avertit le climatologue.

Où cela va-t-il nous mener ?

Au plan international, les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, GIEC, ont dressé différents scénarios possibles en fonction de l’infléchissement plus ou moins rapide des émissions de CO2 à l’échelle mondiale au cours du XXIe siècle.

Le CO2 est au cœur de cette problématique, comme l’illustre la figure ci-jointe. Le dioxyde de carbone qui se trouve dans l’atmosphère provient d’un équilibre entre différents stocks de carbone. Il y a des flux entre les stocks naturels qui se trouvent dans les océans, dans la biosphère et dans les sols terrestres. Un équilibrage naturel se fait entre ces trois stocks.

Bilan schématique du cycle du carbone.
Bilan schématique du cycle du carbone.

Et il y a un autre stock qui normalement est clos : ce sont les hydrocarbures contenus dans les réservoirs géologiques. Et c’est là que l’homme est intervenu en ouvrant un robinet qui n’était pas ouvert naturellement. Et en créant ce gros flux. Actuellement, l’activité humaine émet chaque année environ 35 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Après une hausse continue, on a commencé tout récemment à stabiliser ce flux lié à l’exploitation des ressources fossiles et à leur combustion.

Le challenge auquel le monde est confronté est d’interrompre ce flux le plus rapidement possible, l’horloge tourne, l’urgence est bien réelle. Selon que l’on veut stabiliser le réchauffement climatique à une hausse de 1,5 ou 2ºC, on en a encore pour 10, 15, 20, 25 ans maximum, au taux actuel d’émission. Au taux où nous consommons aujourd’hui ces énergies fossiles, et où nous émettons du CO2, il nous reste au maximum 20 à 25 ans de consommation pour ne pas excéder ces niveaux de réchauffement.

Une cascade d’impacts

« Ce qui importe, en termes de risque que fait peser le réchauffement climatique sur nos sociétés, ce n’est pas tant la température, mais davantage encore tous les impacts induits à différentes échelles de temps et d’espace, et dont la liste très longue est impossible à détailler ici », avertit Etienne Hannon.

Il y a d’abord les perturbations sur les systèmes physiques : l’atmosphère, le cycle de l’eau, les régimes de précipitations, les débits des rivières et fleuves, les nappes, les lacs, l’élévation du niveau des océans et la fonte de la glace présente sur les continents et océanique. Il y a également un effet négatif sur la biodiversité et les écosystèmes qui se trouvent atteints en profondeur.

Le réchauffement pèse sur la production alimentaire (agriculture, pêche), la santé, la sécurité, l’économie, le développement et le bien-être qui eux aussi ont une certaine résilience, et qui sont impactés directement.

Protéger les générations futures

Mener une politique de lutte contre le changement climatique, cela revient à gérer des risques pour la société et l’économie en général, lance le climatologue.

Ces risques concernent en premier lieu l’eau : pénuries, dégradation des réservoirs naturels… Cette problématique n’est pas prioritaire en Belgique, mais au plan mondial, l’accès à l’eau revêt un caractère extrêmement important pour l’économie, pour les communautés.

Ils pèsent aussi sur la sécurité de l’approvisionnement alimentaire : diminution de la production agricole dans les régions déjà vulnérables, chute des ressources halieutiques. Nous vivons dans un monde qui connaît dans certaines régions une croissance démographique forte : 9 milliards d’êtres humains peupleront la planète à l’horizon 2050. Il faut alimenter toute cette population.

Le réchauffement de la planète menace aussi de faire disparaître certains territoires et les communautés humaines qui y vivent ; on pense ici notamment aux petits états insulaires, aux zones d’estuaire, deltas, régions côtières de basse altitude et aux écosystèmes de l’Afrique notamment. Il présente également des risques pour les infrastructures, susceptibles d’être mises à mal par les inondations, l’érosion et les cyclones. La santé humaine s’en trouve aussi menacée à travers l’extension des zones endémiques de certaines maladies, la surmortalité associée aux événements extrêmes, la malnutrition et la dégradation de la qualité de l’eau et de l’air.

Au final, cumulés, tous ces risques constituent une menace sévère pour l’économie et le développement au sens le plus large et le plus noble du terme. Mais ils impactent aussi la sécurité internationale et donc le bien-être actuels et futurs des êtres humains.

L’accord de Paris fixe les objectifs

En fonction de ces risques, des objectifs ont été établis au niveau international dans l’accord de Paris, en décembre 2015. Par cet accord, les États signataires s’engagent à prendre les mesures nécessaires pour contenir ensemble ce risque climatique en contenant l’élévation de la température moyenne à l’échelle planétaire nettement en dessous de 2ºC par rapport aux niveaux préindustriels et autant possible tout mettre en œuvre pour limiter cette élévation à 1,5ºC.

Pour atteindre cet objectif, les scientifiques ont établi qu’il faudrait plafonner les émissions mondiales, c’est-à-dire atteindre un pic d’émission le plus rapidement possible et parvenir dans la 2e moitié du XXIe siècle à « un équilibre tel que les émissions par les sources et les absorptions par les puits » (soit un niveau « zéro émission »). Autrement dit, quelque part dans le temps, entre les années 2050 et 2100, à l’échelle mondiale on doit avoir un niveau net en émissions de gaz à effet de serre égal zéro.

C’est un défi gigantesque. Cet accord de Paris fixe des balises pour l’évolution de ces émissions au cours du XXIe siècle.

Et en Belgique, il y a encore du travail !

Lorsque l’on observe les trajectoires de nos émissions en Belgique, le challenge revient à résorber un déficit. Dans notre pays, les émissions des secteurs non couverts par le système européen d’échange de droits d’émission, – le marché du carbone –, qui comprennent le transport, les bâtiments, la gestion des déchets et l’agriculture, ont baissé historiquement jusqu’à aujourd’hui. On est, à ce jour, plus ou moins en phase avec la trajectoire d’émission qui nous est imposée par l’Europe jusqu’en 2020.

Par contre, les projections pour l’avenir montrent une relative stabilisation de nos émissions ; ce n’est pas un bon signal, car cela veut dire que nous n’atteindrons pas l’objectif désigné pour notre pays en 2030. Dès lors, il y a des efforts supplémentaires, des politiques supplémentaires à mettre en œuvre pour nous approcher au plus près de cet objectif.

... elle l’est dans les pays du sud, comme ici au Cap Vert, l’accès à l’eau revêt un caractère extrêmement important  pour l’économie et la sécurité de l’approvisionnement alimentaire des populations locales.
... elle l’est dans les pays du sud, comme ici au Cap Vert, l’accès à l’eau revêt un caractère extrêmement important pour l’économie et la sécurité de l’approvisionnement alimentaire des populations locales. - M. de N.

Stratégies complémentaires

Quand on entend réduire et maîtriser les risques liés aux changements climatiques, on a deux axes principaux d’action :

– l’atténuation, qui est la réduction des émissions de gaz à effet de serre, via la transition vers une économie bas-carbone et la lutte contre la déforestation ;

– l’adaptation, dont les actions visent à augmenter la résilience de nos systèmes aux impacts des changements climatiques, en minimisant leur exposition et leur vulnérabilité. Il est important de mener de front ces deux stratégies complémentaires parce que sans réduction de nos émissions, on ne pourra pas non plus mener une bonne politique d’adaptation, et vice-versa. Et il y a des interactions, des synergies multiples entre ces deux politiques et aussi d’une manière générale avec les politiques de développement durable.

Des leviers pour réduire les émissions

Plus concrètement, comment peut-on s’engager en Belgique et dans le monde entier vers la transition bas carbone ? On identifie trois leviers principaux pour y tendre.

Le grand défi mondial aujourd’hui, c’est transformer en profondeur le système d’approvisionnement énergétique. Un deuxième levier est celui de l’économie circulaire, soit gérer plus efficacement les ressources non renouvelables, agir sur les modes de production et de consommation. Et enfin, la réduction des émissions passe aussi par une meilleure gestion de l’utilisation du sol. « En ce sens, l’agriculture a un rôle clé à jouer de manière à faire en sorte que nos sols soient durables et puissent stocker du carbone et contribuer à modérer le réchauffement du climat. »

« En Belgique, nous avons développé des scénarii pour étudier comment parvenir à cette décarbonisation de l’économie », poursuit Etienne Hannon. « Nous avons produit un scénario, au sein du Service Changements climatiques du Service public fédéral, montrant qu’il est possible en Belgique de réduire drastiquement les émissions, à une condition essentielle : il faut agir simultanément dans tous les secteurs concernés : le secteur énergétique (production d’électricité), l’industrie, le transport, les bâtiments, l’agriculture et la gestion des déchets. Il existe un potentiel de réduction des émissions dans chacun de ces secteurs et en cumulant ces différents effets, on arrive dans le scénario exposé ici à 80 % de réductions de nos émissions en 2050, ce qui nous porterait dans la bonne direction. »

Des opportunités en termes économiques

La bonne nouvelle, selon Etienne Hannon, c’est que cet objectif à atteindre n’est pas seulement une contrainte, mais aussi une opportunité pour l’économie. « Moyennant un plan ambitieux, il est possible simultanément de réduire nos émissions de CO2 et poursuivre notre croissance économique, notamment parce que les investissements dans lesdits secteurs vont créer de nouveaux gisements d’emplois et stimuler de manière générale l’économie.

Les énergies renouvelables constituent l’un des leviers d’action pour l
Les énergies renouvelables constituent l’un des leviers d’action pour l - M. de N.

Ces politiques de réduction des émissions produisent de nombreux cobénéfices, notamment sur le plan de l’énergie parce qu’elles nous rendent moins dépendants de l’extérieur et elles diminuent la facture si l’on s’engage fortement dans les énergies renouvelables. S’ajoutent à cela des effets positifs sur la qualité de l’air et donc la santé publique. Par ailleurs, dans le cadre d’une réforme de la fiscalité, il pourrait y avoir un double dividende provenant de la réduction des dommages (pollution) et de nouvelles recettes fiscales (on parle du glissement de recettes fiscales fortement axées sur le travail vers des incitants pour la réduction des gaz à effet de serre). Enfin, les efforts déployés vont susciter la création de nouveaux gisements d’emplois, notamment dans le secteur du bâtiment et tout ce qui peut contribuer à l’efficacité énergétique (les énergies renouvelables, etc.), argumente Etienne Hannon.

Et l’agriculture ?

Même si l’agriculture intervient de manière minoritaire en Belgique dans les émissions de CO2, ce secteur d’activité dispose d’un potentiel important pour contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment via une amélioration de l’efficacité énergétique dans les bâtiments et le matériel. « Mais aussi moyennant une gestion rationnelle dans le recours aux intrants, l’optimisation des pratiques d’élevage et l’alimentation des animaux, la gestion des effluents d’élevage, et la restauration et conservation et maintien de la qualité des sols et des écosystèmes (réservoirs de carbone) », observe le climatologue.

Ajoutons à cela tout le rôle que remplit l’agriculture en termes d’adaptation, sans oublier la foresterie.

Ces solutions sont en outre souvent « win win ». « Elles sont bonnes pour le climat, la biodiversité, la santé et l’alimentation. On a tout à gagner à s’engager dans cette direction. »

M. de N.

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