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Ovins et caprins: l’heure de la rentrée a sonné!

Si pour nos jeunes têtes blondes l’heure de la rentrée a sonné il y a déjà plusieurs semaines, du côté de nos brebis et chèvres, le retour en bâti se profile seulement maintenant. L’arrière-saison s’est révélée particulièrement agréable. L’occasion de profiter d’une belle repousse après une période de disette estivale ! Cette rentrée est sans conteste une période de grands changements pour nos ruminants tant d’un point de vue environnemental, sanitaire, qu’alimentaire. Le retour en bâtiment sonne le glas de l’exposition au grand air et de la « dilution des pathogènes ».

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Ce nouveau contexte de vie dans lequel vont désormais évoluer brebis et chèvres prédispose au développement et parfois à l’explosion de certaines pathologies. Il est donc important de faire le point sur les risques rencontrés afin de préparer au mieux cette période de retour en bâti.

Autre lieu, autre ambiance

Il va sans dire que l’entrée dans la période automne-hiver s’accompagne d’une modification importante des conditions d’hébergement des brebis et des chèvres. Le passage d’une vie de pâture au grand air vers un quotidien en bergerie/chèvrerie entraîne une modification sévère des conditions d’ambiance, d’hygiène et, bien entendu, de densité d’occupation de l’espace favorisant non seulement l’apparition de certaines maladies mais aussi leur dissémination rapide au sein du troupeau.

Durant cette « mauvaise » saison, grande est la tentation de confiner le bâtiment d’élevage en occultant portes et fenêtres pensant assurer ainsi un confort thermique aux animaux. Cependant, si la chute des températures peut s’avérer difficile à supporter, et ce particulièrement pour les futurs nouveau-nés, un manque de renouvellement de l’air ambiant le sera tout autant. Vivre quotidiennement dans un environnement humide et mal ventilé est une réelle source d’inconfort et constitue une porte ouverte pour les agents responsables de troubles respiratoires. Même en période hivernale, la circulation de l’air doit être une réalité dans le bâtiment, sans courant d’air et retombées froides bien entendu.

À côté de l’élément « ambiance », il est clair que le regroupement des animaux dans un espace plus restreint favorise la transmission rapide des pathogènes (bactéries, virus, parasites) d’un animal à l’autre. Les voies de transmission sont d’ailleurs nombreuses et variées : contact nez à nez, matières fécales… Pour limiter la propagation des indésirables, quelques mesures s’imposent et, parmi celles-ci, le respect d’une charge raisonnable dans le bâti fait figure de proue. Offrir à chaque animal une surface de vie (surface de couchage) suffisante respectera également ses besoins : un point positif pour le bien-être de nos brebis et nos chèvres. À titre d’exemple, une brebis à l’entretien devrait disposer d’une surface de couchage minimale de 1m2 pour atteindre 1,5m2 en fin de gestation. Du côté des chèvres, un minimum de 1,5m² par animal adulte est souhaitable.

Enfin, n’oublions pas que la litière est également un vecteur d’agents pathogènes, pour la plupart digestifs. Elle doit rester propre et sèche. Un point d’autant plus facile à respecter que la densité d’animaux dans le bâtiment est maîtrisée et que le couchage est homogène. Si la fréquence de paillage et la quantité de paille sont des éléments modulables, un apport de 0,5 à 1kg par animal et par jour est fréquemment recommandé.

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Et les pathogènes de rentrée sont…

… des virus et des bactéries qui profitent de la concentration et du confinement pour se multiplier et se disséminer (parfois de manière insidieuse, comprenez par-là asymptomatique) au sein du troupeau. Dans ce florilège, n’oublions pas les parasites cutanés ou ectoparasites et, bien entendu, les vers digestifs au sortir de cette période d’herbage. Essentiellement, les problématiques infectieuses (ou infestantes) liées à la rentrée seront d’ordre respiratoire, cutanée et digestive.

Cible 1 : le système respiratoire

Parler des troubles respiratoires n’est pas chose évidente car les affections sont nombreuses. Certaines concernent les voies hautes (rhinite, trachéite ou bronchite), d’autres les voies basses (broncho-pneumonie ou pneumonie). Chez les ovins et caprins, l’infection du système respiratoire est bien souvent initiée par un virus (parainfluenza, syncitial, Maedi) et se complique par une invasion bactérienne (Pasteurella, Mannheimia) aggravant les signes cliniques. Un grand classique des changements de saison !

Ces signes ne sont pas toujours liés de manière évidente à une maladie respiratoire. À côté de la toux, des écoulements nasaux, du tirage, ovins comme caprins peuvent parfois présenter exclusivement une diminution de l’appétit voire de l’abattement. Les différences individuelles sont donc marquées et marquantes mais l’impact économique global de ces maladies sur l’élevage n’est jamais négligeable… Il est lié à la diminution de la production, aux frais de santé et à la perte de certains animaux.

Pour ces raisons, lorsque les troubles respiratoires sont diagnostiqués, il est indispensable de travailler sur l’axe de la prévention. Elle passe notamment par la vaccination mais celle-ci n’est pas suffisante à elle seule. Le bâtiment d’élevage doit faire l’objet d’une évaluation quant à son ambiance (ventilation, humidité, température) et sa gestion (densité, régie). L’alimentation et la gestion de l’état sanitaire du groupe sont également des facteurs clés. Il est clair qu’un élevage où brebis ou chèvres sont dans un état corporel harmonieux par rapport à leur stade de production et dans un milieu où la pression infectieuse est faible, fera plus facilement face à la maladie.

En ce qui concerne le choix de la valence vaccinale, il dépendra bien sûr du diagnostic établi. Taper fort mais surtout taper juste ! Identifier le(s) agent(s) pathogène(s) impliqué(s) est indispensable dans une démarche vaccinale. Une association comme l’Arsia disposant d’une équipe vétérinaire de terrain et d’un laboratoire d’analyses peut accompagner l’éleveur et son vétérinaire traitant.

Prélèvement nasal chez la chèvre.
Prélèvement nasal chez la chèvre. - Backyard Goats

Cible 2 : Le système cutané

Tous les troupeaux ne sont pas égaux face aux problèmes d’acariens mais, qu’on se le dise, le retour à la collectivité confinée est LA période d’apparition des problèmes de gale. Les ectoparasites responsables ont des identités différentes (psoroptes, chorioptes ou sarcoptes) et s’attaquent à nos ruminants de manières très distinctes. La gale, ou devrait-on dire les gales, sont des problématiques plus spécifiques aux ovins. Il faut préciser que la laine du mouton est un catalyseur à problèmes et que les acariens aiment particulièrement s’y loger.

La gale psoroptique est la plus fréquente. Elle se caractérise par des démangeaisons, une perte de laine et l’apparition de croûtes jaunâtres d’abord sur le dos puis en descente sur les flancs. L’amaigrissement et la nervosité complètent le tableau. La gale chorioptique, quant à elle, est une gale des membres principalement mais peut aussi se rencontrer au niveau du scrotum chez le bélier ou du pis chez la brebis. Les démangeaisons sont rares mais des croûtes apparaissent au niveau des zones atteintes. Enfin, le triptyque est complété par la gale sarcoptique ou gale de tête. Démangeaisons, dépilations et croûtes apparaissent sur le chanfrein et jusqu’au sommet du crâne. Chez la chèvre, la gale sarcoptique peut évoluer extrêmement rapidement et les lésions s’étendre sur l’encolure. Sans prise en charge appropriée, elle peut entraîner la mort de l’animal.

La gale est donc une maladie qui porte directement atteinte au bien-être de l’animal et entraîne une chute de sa production. Étant particulièrement contagieuse, elle suppose, pour être stoppée, la mise en place d’un traitement approprié et scrupuleusement appliqué sur l’ensemble du troupeau mais aussi du bâtiment et du matériel. Pour ce faire, l’identification de l’agent de gale est primordiale car elle déterminera le type de substance efficace mais aussi sa voie d’administration.

Cible 3 : Le système digestif

La rentrée en bâtiment est le moment rêvé pour juger du degré d’infestation parasitaire des troupeaux sortant de leur saison d’herbage et, éventuellement, procéder à leur vermifugation. Cette année, la douceur et l’humidité de l’arrière-saison ont assuré un maintien de conditions météorologiques favorables aux larves de parasites. À vos pots ! La réalisation d’une analyse coprologique pour évaluer la présence de parasites digestifs est en effet le meilleur conseil. Évitez à tout prix de traiter à l’aveugle : le risque d’apparition de résistances est grand et d’ores et déjà avéré dans de (trop) nombreux troupeaux de brebis et de chèvres. Quoi qu’il en soit, une fois le système digestif débarrassé de ces intrus, le troupeau en sera quitte pour un bout de temps : à l’exception des parasites du jeune âge (coccidies, cryptosporidies), le cycle des vers digestifs suppose la présence à l’herbe. Une fois en bâti, le risque de s’infester est maîtrisé. En tout cas jusqu’à l’année prochaine…

Et la ration dans tout ça ?

Qui dit « bonne santé digestive », dit aussi « transition ». Et oui, retour en bâti rime avec passage d’un système herbager vers une ration plus sèche composée de fourrages grossiers et de concentrés. Cette transition doit se faire de manière progressive et s’étendre idéalement sur une période de 10-15 jours. Les bactéries du rumen auront alors le temps de s’adapter à ce nouveau substrat alimentaire, ce qui permettra non seulement de prévenir les dérives de flore et les acidoses, mais assurera également une digestion optimale de l’aliment distribué.

En Belgique, les pâtures manquent naturellement de certains oligo-éléments. Les risques de déficit voire de carence sont réels. Une complémentation de nos ovins et caprins est donc nécessaire. La période hivernale est ainsi un moment clé pour corriger les éventuelles carences, d’autant plus qu’elle rime avec période de gestation. Et lever les carences des futures mères, c’est éviter d’en faire subir les conséquences à la jeune génération à venir. À garder à l’œil car fréquemment décelées dans nos régions : les carences en magnésium, sélénium et zinc.

Vous l’aurez compris : le changement de saison marque certes un tournant dans la vie de l’élevage et dans le cycle de production mais ouvre les portes d’une période de sensibilité tout à fait particulière aux troubles de santé. Bon sens et vigilance sont de mise pour une rentrée sans accroc.

D’après F. Claine et S. Glineur

Arsia asbl

ovins-caprins@arsia.be

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