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Mettre fin à un bail conclu par un usufruitier: les droits du preneur sont différents selon la date d’entrée en vigueur du bail

Après le décès de mon père, j’ai hérité d’une parcelle agricole. Ma mère a hérité de l’usufruit et moi de la nu propriété. Comme elle a cessé l’exploitation agricole de mon père, ma mère a donné la parcelle en bail à ferme à un tiers. Aujourd’hui, elle est également décédée et je suis devenu le seul propriétaire. Quand et comment puis-je mettre fin à ce bail conclu uniquement par l’usufruitier ?

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Le bail conclu par un usufruitier se distingue d’un bail ordinaire. Depuis la réforme du droit des biens, les règles concernant l’usufruit ont changé. Ainsi, la position d’un preneur d’un bail à ferme conclu par l’ usufruitier seul a changé.

En vertu de l’ancien article 595, alinéa 2, du Code civil, les baux faits par l’usufruitier seul pour un temps qui excède neuf ans ne sont, en cas de cessation de l’usufruit, obligatoires à l’égard du nu-propriétaire, que pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans si les parties s’y trouvent encore, soit de la seconde et ainsi de suite, de manière que le preneur n’ait que le droit d’achever la jouissance de la période de neuf ans où il se trouve.

Selon cet ancien article 595 du Code civil, le locataire peut encore achever la période de neuf ans en cours. Cela peut toutefois signifier en pratique qu’un bail peut encore continuer pendant un jour ou au contraire pendant presque neuf ans en fonction du stade d’avancement précis de la période de neuf ans en question au moment où l’usufruit prend fin. Il est à présent expressément prévu que le bail peut encore subsister pendant trois ans maximum après la fin de l’usufruit.

En effet, cette disposition est mise en place par le nouvel article 3.145 du Code civil. Selon cet article, l’usufruitier peut poser des actes d’administration pour la durée de son droit. Il peut accorder à des tiers, prolonger ou renouveler des droits d’usage sur les biens grevés. Si l’usufruit prend fin parce que l’usufruitier cesse d’exister, le droit d’usage à titre onéreux en cours subsiste pour le restant de sa durée et au maximum pour trois ans, après quoi il prend fin de plein droit. Les droits d’usage qui ne sont pas encore en cours d’exécution à la fin de l’usufruit ne reçoivent aucun effet.

Les droits du preneur sont donc forts différents sous l’ancien et le nouveau régime.

Droit transitoire

La question qui se pose est de savoir quel régime il faut appliquer à votre situation. La réponse peut être trouvée dans les dispositions transitoires de la Loi du 4 février 2020 portant le livre 3 « Les biens » du Code Civil.

Selon l’article 37 de cette loi, le nouveau droit des biens s’applique à tous les actes juridiques et faits juridiques qui ont eu lieu après son entrée en vigueur. Sauf accord contraire entre les parties, le nouveau droit des biens ne s’applique pas aux effets futurs des actes juridiques et des faits juridiques survenus avant le premier septembre 2021.

Étant donné que votre mère vous a donné la parcelle en bail en 2016, le nouveau droit de biens ne s’applique pas.

La fin du bail

En cas de mise en location par un usufruitier, le nu-propriétaire devient, à la fin de l’usufruit, plein propriétaire du bien sûr lequel l’usufruit était constitué et, à partir de ce moment, bailleur dudit bien.

En cas de bail à ferme d’un bien donné en usufruit, le nu-propriétaire qui veut exercer son droit à la réduction de la durée du bail à ferme n’est pas lié aux conditions de fond et de forme fixées par la loi sur le bail à ferme pour la résiliation du bail à ferme.

Le nu-propriétaire peut notifier au preneur sa volonté d’exercer son droit de réduction du bail à la période de neuf ans en cours avant l’expiration de la période de neuf ans en cours à la fin de l’usufruit ou dans un délai raisonnable à compter de l’expiration de cette période.

Comme la période de neuf ans en cours, court jusqu’à 2025, nous vous conseillions d’écrire dès maintenant une lettre recommandée au preneur afin de mettre fin au bail à la fin de la période de neuf ans en cours.

Jan Opsommer

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