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Bail saisonnier de culture: une requalification en bail à ferme est-elle possible?

Je suis agriculteur à titre complémentaire et, depuis quelques années, je donne certaines de mes terres en bail saisonnier. Je suis désormais en discussion avec l’un des agriculteurs qui occupait l’une de mes parcelles. Il prétend être preneur d’un bail à ferme car il conteste le fait que j’ai réalisé moi-même les travaux préparatoires. Comment puis-je, après si longtemps, prouver que j’ai bien fait ces travaux ?

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Rappelons tout d’abord les règles concernant le bail saisonnier. Le bail saisonnier de culture est une exception sur l’application de la Loi sur le bail à ferme. En vertu de l’article 2,2º de la Loi sur le bail à ferme, les conventions dont l’objet implique une durée d’occupation inférieure à un an et par lesquelles l’exploitant agricole de terres et pâturages, après avoir effectué les travaux de préparation et fumure, en accorde contre paiement, la jouissance à un tiers pour une culture déterminée ne sont pas soumises aux règles particulières aux baux à ferme.

Rappelons que ces conditions sont des conditions cumulatives qui doivent être toutes remplies pour échapper à l’application de la loi sur le bail à ferme.

Si l’une des conditions fait défaut, le juge doit appliquer la sanction du retour à la règle générale et dès lors constater que le contrat constitue un bail à ferme (M. Doutreluingne, « Le champ d’application de la loi sur le bail à ferme », in Droit du Bail, le bail à ferme, La charte, 2009, 15 à 18). Cette sanction s’explique par le caractère impératif de la loi. Toutes les conditions doivent être réunies, à défaut de quoi l’exception, qui est de stricte application, doit être écartée.

Requalification de la convention

Le juge n’est pas tenu par la qualification donnée par les parties et peut requalifier la convention si cette qualification ne correspond pas à la réalité.

L’article 3 de la Loi sur le bail à ferme précise que le bail doit être constaté par écrit et que, s’il existe un écrit autrement formulé, celui qui exploite un bien rural peut fournir la preuve de l’existence d’un bail et des conditions pour toutes voies de droit, témoins et présomptions. Par « écrit autrement formulé », il faut entendre l’acte par lequel les parties ont exprimé leur volonté d’exclure leur convention du champ d’application de la loi sur les baux à ferme. Tel est en particulier le cas du contrat de culture.

Sur base de cet article votre occupant a le droit de solliciter au tribunal la requalification du contrat de bail saisonnier conclu.

Dans votre cas, la discussion concerne seulement la condition d’exécuter les travaux de préparation.

La charge de preuve

Selon l’article 8.4 du Code civil qui prévoit des règles déterminant la charge de la preuve, celui qui veut faire valoir une prétention en justice doit prouver les actes juridiques ou faits qui la fondent. Ce même article dispose aussi que toutes les parties doivent collaborer à l’administration de la preuve.

L’article 820 du Code Judiciaire stipule que chacune des parties a la charge de prouver les faits qu’elle allègue.

Si l’agriculteur avec qui vous avez clôturé le bail saisonnier prétend être preneur dans le sens de la loi sur le bail à ferme car vous n’auriez pas fait les travaux de préparation, il faut prouver cela. Selon moi, il ne peut pas exiger que vous prouviez que toutes les conditions pour un bail saisonnier sont remplies.

Dans un arrêt de 15 décembre 2015, la Cour de Cassation s’est prononcée sur le sujet. Selon la Cour de Cassation, c’est à la partie qui postule la requalification d’un contrat saisonnier de culture en bail à ferme de fournir la preuve que les conditions du contrat de culture n’ont pas été respectées. C’est donc à lui qu’il incombe, en espèce, de démontrer que l’exploitant des terres n’a pas accompli les travaux de préparation et de fumure, et non à ce dernier de le démontrer.

La solution ?

Pour éviter qu’une telle discussion ait lieu, vous pouvez conclure votre contrat de bail saisonnier de culture plus tard. Plus particulièrement, si vous signez le contrat après les travaux de préparation et fumure, vous pouvez stipuler dans le contrat que les parties reconnaissent que les travaux de préparation et fumure ont déjà été effectués par la partie qui donne ses terres en bail saisonnier.

Jan Opsommer

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