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Le décret wallon réformant le bail à ferme aux oreilles du parlement wallon… Enfin, devrait-on dire!

Récemment, en faisant une recherche sur internet au sujet de la nouvelle loi sur le bail à ferme, je suis tombé par hasard sur une page de site du Parlement de Wallonie, page consacrée à la problématique de « L’application de la réforme du bail à ferme aux anciens baux » (je cite).

Temps de lecture : 4 min

C’est, en réalité, la reproduction mot à mot des « fameuses » questions parlementaires, soit les interpellations des députés au ministre ayant telle ou telle compétence dans ses attributions. En l’occurrence, ladite page reprend une question écrite posée le 7 mai 2021 par le député wallon Eddy Fontaine (député de la région de Couvin) au Ministre Borsus, en charge de l’agriculture en Wallonie.

On sait tous maintenant la problématique (devrais-je dire : une des problématiques) suscitée par la réforme wallonne sur le bail à ferme de 2020. Pour rappel, il s’agit de la fin des baux anciens et, le cas échéant, la différence de traitement que pourraient avoir créée les dispositions transitoires du décret wallon du 2 mai 2019. Il est renvoyé aux précédents articles publiés dans le Sillon Belge à ce sujet.

Cette problématique a déjà créé pas mal de débats judiciaires et, au jour où sont écrites ces lignes, la Cour Constitutionnelle, saisie par plusieurs justices de paix, ne s’est toujours pas prononcée. Il apparaît que cette problématique est venue aux oreilles du parlement wallon puisque, précisément, l’interpellation du Ministre Borsus par le député Fontaine la concerne. Ce dernier n’a pas manqué de signaler au Ministre que : « cet enjeu pourrait amener à des situations dramatiques où des locataires pourraient perdre du jour au lendemain une partie de leur exploitation ».

La réponse du Ministre, datée du 3 juin 2021, paraît assez « courte » et témoigne en tout cas d’un certain malaise. Elle révèle surtout et essentiellement que, sur cette problématique, le parlement wallon, qui a voté la réforme, n’a pas remarqué les conséquences potentiellement dramatiques pour certaines exploitations que cette réforme pourrait générer, ce selon les décisions judiciaires à venir. Le Ministre Borsus se contente de synthétiser la problématique posée et conclut en soulignant que la question doit être réglée par voie judiciaire et qu’il convient d’attendre (tout en évoquant une éventuelle nouvelle réforme législative dont il dit cependant qu’elle n’est pas à l’ordre du jour)… Il ne saurait évidemment dire autre chose. Et il faut avoir l’objectivité de rappeler que la réforme n’est pas « son bébé » mais celle du précédent Ministre Wallon de l’Agriculture.

Ce qui est regrettable, c’est que l’on ait voté pareille modification législative, vantant une remarquable évolution de la matière délicate du bail à ferme, sans « rien voir venir », alors que l’épreuve judiciaire de la réforme a TRES vite démontré que cette réforme posait de multiples problèmes. Les praticiens habitués à la loi sur le bail à ferme ont, tous, très vite observé que cette réforme susciterait des difficultés, sur cette problématique-ci comme sur d’autres. N’aurait-il pas été opportun de leur soumettre le projet de texte, avant vote. Autrement dit, l’impression est laissée d’une forme d’amateurisme de la législature de l’époque, ce d’autant plus que, sauf erreur, le Conseil d’État, en sa section avis, avait attiré l’attention du parlement wallon sur la problématique en question.

Mais en attendant, les litiges se sont accumulés, et plusieurs exploitants agricoles se retrouvent face à des inquiétudes bien légitimes : mon bail est-il encore « actif » ? Puis-je notifier une cession privilégiée dès l’instant où j’ignore si mon bail est encore «  actif »  ? Combien de temps de droit d’occupation me reste-t-il ?

Quoi qu’il en soit, il apparaît que, au moins, nos dirigeants politiques sont au fait de la problématique. La meilleure preuve en est cet échange entre le Ministre Borsus et le député Fontaine, qu’il faut d’ailleurs remercier de s’inquiéter du sort des agriculteurs. S’il est une bonne chose que le devenir de certaines fermes soit au centre des préoccupations politiques, mieux serait encore qu’une solution soit apportée. « Mesdames, Messieurs les Juges composant la Cour Constitutionnelle, de grâce, inscrivez cette problématique au premier rang de votre agenda ». On ne peut qu’espérer une décision rapide. À moins que la porte de sortie ne vienne d’une « déjà » nouvelle réforme législative puisque, quoiqu’en dise le Ministre en fin de sa réponse (=> « Envisager une réforme législative à ce stade est donc prématuré »), il n’en reste pas moins que l’idée en est germination, pour reprendre des mots à consonance agricole…

Henry Van Malleghem

, avocat au Barreau de Tournai.

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